Emploi - Les structures de l'emploi : l'autre côté du millefeuille ?
La France détient le record d'Europe de structures de l'emploi : 444 missions locales, 24 Paio (permanences d'accueil, d'information et d'orientation), 182 Plie (plans locaux pour l'insertion et l'emploi), 196 maisons de l'emploi... autant de structures qui gravitent autour du réseau territorial de Pôle emploi. A cela s'ajoutent les services des chambres consulaires, des associations, des partenaires sociaux, des Direccte, sans parler des préfets et des sous-préfets, pilotes du service public de l'emploi local.
Rien que dans l'agglomération marseillaise, près de 474 structures s'occupent ainsi de l'emploi et de l'insertion. La région Nord-Pas-de-Calais compte, elle, pas moins de 27 missions locales, 18 maisons de l'emploi et 24 Plie. "Sur fond de foisonnement d'initiatives, le paysage institutionnel des politiques de l'emploi menées au niveau des territoires est devenu un véritable maquis", constate la sénatrice Patricia Schillinger (PS), dans un rapport "Les collectivités territoriales et l'emploi : bilan d'un engagement", qui vient d'être rendu public. "Le secteur de l'emploi serait-il l'un de ceux où le 'millefeuille' territorial se manifeste dans toute sa splendeur ?", s'interroge-t-elle. Cette absence de coordination et de répartition claire des rôles est source de "difficultés indéniables" et d'"inefficience". Quant aux demandeurs d'emploi, ils sont tout bonnement "désorientés". Du grain à moudre pour la maison de l'emploi de Marseille qui propose justement un programme de formation pour apprendre à "se repérer sur un plan et construire un itinéraire" (sic) !
Pas de grand soir
Malgré ce constat sévère, la sénatrice n'appelle pas à un grand soir et souligne les spécificités des initiatives locales qui ont faire leur succès. Ainsi, les maisons de l'emploi qui ont été l'objet de bien des critiques depuis la fusion ANPE-Unedic au sein de Pôle emploi, ont un véritable rôle à faire valoir en matière d'anticipation des restructurations. Surtout, l'intervention des collectivités, qui n'allait pas de soi au départ (l'emploi étant de la compétence de l'Etat), se légitime de plus en plus. Tout d'abord parce qu'elles sont au plus près des besoins. L'agglomération de Rennes Métropole est citée en exemple pour son projet de gestion territoriale des emplois et des compétences à partir de son plan local d'habitat. "Il s'est traduit par un travail sur la valorisation de l'image des métiers du bâtiment, la détection des candidats potentiels et l'élaboration d'un plan de formation spécifique", précise Patricia Schillinger.
Mais surtout, les interventions des collectivités en matière de transport, de logement, de gardes d'enfant permettent une approche globale de l'emploi. "Il est désormais acquis [que la politique de l'emploi] ne peut se résumer à des opérations de placement des chômeurs et qu'elle doit être conçue de manière intégrée", résume la sénatrice. Du fait de leur mission en matière d'action sociale, les départements ont ainsi un rôle pivot dans les politiques de l'emploi, liant l'insertion sociale et professionnelle. Cofinanceurs du RSA, ils ont en outre un intérêt à un retour rapide à l'emploi, souligne la sénatrice.
Copilotage région et intercommunalités
Les solutions ? Mieux coordonner les structures entre elles, poursuivre le travail de rapprochement et de fusion entre les différentes structures et clarifier les rôles de chacun. La sénatrice veut éviter la "réunionite" et dresse l'inventaire à la Prévert des instances de dialogues (conseils régionaux de l'emploi, comités de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle, etc.) dont l'utilité est "très variable". C'est donc du côté des collectivités que se trouve la solution, notamment au sein d'un copilotage assumé par la région et les intercommunalités. La piste "d'un rôle accru des collectivités en matière de coordination doit effectivement être étudiée avec attention, dans la mesure où les instances de coordination pilotées par l'Etat n'ont pas toujours porté leurs fruits", estime la sénatrice. "La piste d'un pilotage des politiques de l'emploi menées au niveau local par un couple constitué de la région et des intercommunalités a notamment été proposée par l'Assemblée des communautés de France et l'Alliance Villes Emploi", explique-t-elle. Une solution qui aurait le mérite de lever les inquiétudes des missions locales quant à une recentralisation au niveau des régions. "Les agglomérations, les communautés urbaines ou les métropoles, en particulier, pourraient assumer ce rôle, dans la mesure où il y aurait une correspondance entre leur périmètre et celui du bassin d'emploi", précise le rapport. En contrepartie, "le maintien des réunions pilotées par le préfet (Sper, Sped et Spel) ne sera plus nécessairement pertinent, encore moins à une fréquence mensuelle".
La sénatrice propose en outre de simplifier le cadre comptable et financier des différentes instances (maisons de l'emploi, missions locales, plans locaux pluriannuels pour l'emploi) et de promouvoir "une évaluation raisonnée, élaborée de façon partenariale" de leur action.