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Les stratégies d'internationalisation et d'attractivité des régions passées au crible par l'OCDE

Après plus d'un an de travail d'enquête, l'OCDE a livré le 11 mars 2022 un rapport sur "L'internationalisation et l'attractivité des régions françaises". D'après ses conclusions, l'Ile-de-France bénéficie d'un profil unique mais d'autres régions, comme l'Auvergne-Rhône-Alpes et les Hauts-de-France, tirent leur épingle du jeu. Le rapport salue les efforts de simplification entrepris avec les SRDEII et la Team France Export. Elle préconise de renforcer la présence des régions dans les instances nationales d'internationalisation et d'attractivité.

Identifier les leviers de l'attractivité et de l'internationalisation des régions et les politiques publiques qui renforcent leur attractivité dans un contexte post crise covid. C'est la question à laquelle l'OCDE a souhaité  répondre dans un rapport sur "L'internationalisation et l'attractivité des régions françaises", remis le 10 mars 2022 aux autorités françaises et à la Commission européenne. Le travail débouche sur un guide qui permet aux régions de mieux affiner leur stratégie dans ce domaine (voir encadré ci-dessous). Il permet aussi à l'OCDE de faire un diagnostic comparatif des régions.

Ainsi, l'organisation identifie plusieurs groupes selon leur positionnement à l'international. Le premier d'entre eux rassemble des régions dont les connexions internationales sont surtout liées à leur situation géographique (régions transfrontalières ou littorales), comme le Grand Est ou les Hauts-de-France. Deuxième groupe : les régions centrées sur une seule des dimensions de l'internationalisation. Dans ces régions, une connexion internationale (par exemple le tourisme) est dominante par rapport aux autres. C'est le cas de la Corse avec l'infrastructure hôtelière ou de la Normandie caractérisée par le poids de l'import/export et de la logistique dans l'économie régionale. Les régions d'outre-mer constituent un autre groupe, qui montre la diversité de profils spécifiques liés à l'impact de certaines politiques territoriales (investissement public notamment) et dans une moindre mesure de leur situation géographique ultra-marine.

Le profil international unique de l'Ile-de-France

Si le rapport signale que certaines régions ont un profil d'internationalisation moins spécifique, comme le Centre-Val de Loire, il met en avant le profil unique de l'Ile-de-France compte tenu de sa forte implication dans toutes les connexions internationales. La région concentre une part importante des investissements directs étrangers avec 1.810 projets effectués entre 2014 et 2018 et 36.000 emplois créés ou maintenus. L'Ile-de-France est aussi un hub du transport aérien, le moteur en termes de brevets déposés par des co-inventeurs et elle est ultra-connectée.

Côté attractivité, l'OCDE tire aussi quelques constats. Et encore une fois, dans ce domaine, la région Ile-de-France domine. Mais d'autres régions font preuve d'un "grand dynamisme en mobilisant avec succès leurs ressources foncières et humaines". Ainsi les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Hauts-de-France figurent avec l'Ile-de-France parmi les principales destinations pour l'attractivité des IDE en 2020. Le développement de la logistique dans ces régions peut expliquer ces bons résultats. Ces deux régions concentrent le plus grand nombre d'entrepôts de plus de 5.000 mètres carrés. La Normandie et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur profitent quant à elles de leurs deux façades portuaires du Havre et de Marseille. 

Les atouts de la Team France Export

L'OCDE analyse aussi les stratégies mises en place par les régions et leurs outils, comme la première génération des schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII) nés de la loi Notre de 2015. Et ce au moment où les régions planchent pour la nouvelle génération. Agences régionales et locales de développement économique, de l'attractivité et/ou de l'innovation, Business France, Bpifrance, Banque des Territoires, acteurs économiques… Les stratégies rassemblent un grand nombre d'acteurs, indique le rapport, ce qui nécessite une bonne coordination pluri-niveaux.

Une simplification et une clarification a été apportée avec la mise en œuvre d'outils du type Team France Export - qui fournit un système de 13 guichets uniques régionalisés au sein desquels les entreprises locales sont accompagnées dans leurs démarches exportatrices -, ou son pendant pour l'attractivité, Team France Invest. "L’intérêt de cette plateforme est de réunir dans un même dispositif l’ensemble des acteurs compétents en matière d’export pour soutenir le tissu économique régional, et de clarifier ainsi l’ensemble des solutions publiques de soutien à l’internationalisation des entreprises proposées par la région, les services de l’État, Business France, Bpifrance, et les chambre de commerce et d’industrie", précise ainsi l'OCDE. 50.000 entreprises ont été accompagnées en 2019, et 12.700 ont été projetées à l'international. Un dispositif qui "pourrait être approfondi, notamment en intégrant mieux les différentes parties prenantes concernées".

Le foncier et la logistique traités de manière trop isolée

De même si l'OCDE estime que la plupart des objectifs sont partagés par plusieurs acteurs, "plusieurs enjeux demeurent cependant encore envisagés de manière trop isolée". C'est le cas notamment des politiques d'usage du foncier, de la logistique, du tourisme et de la formation mais cela peut aller au-delà. Les acteurs de l'enseignement supérieur à La Réunion regrettent ainsi de ne pas être davantage impliqués dans la stratégie d'attractivité de la région. En Grand Est, certains acteurs souhaitent renforcer les synergies entre les stratégies d'attractivité des investisseurs et le développement du tourisme d'affaires. Autre point : l'OCDE propose des indicateurs de diagnostic et de suivi communs de ces stratégies (ressources mobilisées, évolution du nombre de cibles étrangères attirées avec succès, évolution du chiffre d'affaires dans le secteur ciblé…). L'institut conseille notamment aux régions d'utiliser ces indicateurs dans la prochaine génération de SRDEII.

Pour l'OCDE, il serait aussi judicieux de renforcer la présence et le rôle des autorités régionales dans les instances nationales discutant des politiques d'internationalisation et d'attractivité et de mieux valoriser aussi les moyens mis à disposition par l'Etat auprès des acteurs infranationaux. Enfin, dernière recommandation : l'OCDE estime qu'il faut davantage impliquer les acteurs locaux, y compris le secteur privé et les populations locales, dans la préparation et le suivi des stratégies d'internationalisation et d'attractivité régionales, pour l'élaboration des SRDEII notamment.

  • Une boîte à outils pour les régions

L'OCDE propose un guide opérationnel présentant des outils pour aider les régions à mettre en œuvre leur stratégie d'internationalisation et d'attractivité. Le guide présente ainsi un premier outil de diagnostic, sous forme de tableau de bord, permettant d'identifier le profil international de chaque région à partir de critères bien précis : les connexions d'infrastructures des régions (accessibilité aux aéroports internationaux, pourcentage de bâtiments connectés à la fibre optique), les connexions de connaissances (pourcentage d'étudiants étrangers, personnel R&D étranger, part d'emploi dans les investissements directs à l'étrangers), humaines (part des 15-64 ans nés à l'étranger dans la population totale, pourcentage de propriétaires étrangers) et d'affaires (taux d'ouverture aux échanges, part de l'emploi dans les entreprises sous contrôle étranger).
L'OCDE propose le même type d'outils pour établir cette fois-ci le profil d'attractivité des régions, basé sur des indicateurs économiques (PIB par habitant, taux d'emploi des jeunes), sur la disponibilité foncière et le logement, ou encore la connectivité (digitalisation et transport). Chaque région peut ainsi obtenir à partir de cette analyse une vision sous forme de graphique radar de son attractivité, et se comparer à la moyenne des régions françaises et européennes. Pour favoriser la coordination entre parties prenantes, le guide propose des cartographies institutionnelles des politiques de soutien à l'export, d'attractivité des investisseurs, des visiteurs et des talents, et un outil de clarification des principaux défis à relever. Enfin, l'OCDE présente un outil opérationnel pour assurer le suivi des politiques d'internationalisation et d'attractivité.