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Aménagement - Les sénateurs s'emparent du Grand Paris

Les premiers travaux du Grand Paris, et plus précisément la construction de la double boucle de métro automatique autour de la capitale, qui représente un investissement de 21,4 milliards d'euros, pourraient commencer "début 2012", a assuré Jean-Pierre Fourcade, rapporteur de la commission spéciale du Sénat sur le projet de loi Grand Paris, au cours d'un point presse le 31 mars. Le projet de loi, voté à l'Assemblée nationale en décembre dernier a été adopté par la commission spéciale du Sénat le 25 mars et sera examiné en séance à partir du 6 avril. Le gouvernement ayant engagé la procédure accélérée, une seule lecture est prévue par chambre, avant, le cas échéant, examen en commission mixte paritaire.

Selon Jean-Pierre Fourcade, si le texte était voté à l'été 2010, le projet global pourrait être présenté à la rentrée en "septembre-octobre" et les travaux pourraient démarrer "début 2012" et non "fin 2013" comme l'avait annoncé en décembre dernier le secrétaire d'Etat au développement de la région-capitale, Christian Blanc. Une fois le texte voté, le projet sera établi par la future société du Grand Paris puis soumis à "la région, au Stif (Syndicat des transports d'Ile-de-France), à Paris Métropole et à l'atelier international d'architecture, qui ont quatre mois pour donner leur avis, a précisé le rapporteur. Ensuite, le débat public s'ouvrira et il y aura un délai de quelques mois pour arriver à trouver le projet définitif".

Jean-Pierre Fourcade a en outre souligné que "l'Etat assurera le financement de la double boucle de métro du Grand Paris via la SGP (Société du Grand Paris)" et ajouté que Christian Blanc annoncera le 6 avril une dotation "de l'ordre de 4 milliards d'euros". "Cette somme qui provient en grande partie de l'argent que l'Etat a investi pour soutenir le marché bancaire et qu'il va récupérer permettra à la SGP d'emprunter à long terme les montants nécessaires à la réalisation de l'infrastructure", a encore précisé le sénateur.

 

Coup d'arrêt au projet Arc Express

Lors de l'examen du texte en commission spéciale, plusieurs amendements importants ont été adoptés. Sur le volet transports, la principale modification concerne l'arrêt de la consultation publique sur le projet de rocade Arc Express, porté par le conseil régional Ile-de-France (voir notre article ci-contre). Une disposition qualifiée de "déclaration de guerre" par Jean-Pierre Caffet, sénateur PS de Paris, qui a souligné "l'hostilité des élus locaux et en particulier de la région Ile-de-France" à cet amendement qui condamne de facto le projet Arc Express.

La commission a aussi largement remanié l'article 1er du texte qui définit les grands principes devant guider le schéma de transport du Grand Paris. Un amendement du rapporteur a notamment introduit un objectif chiffré en matière de construction de logements. Il est ainsi précisé que "le réseau de métro du grand Paris s'articule autour de CDT (contrats de développement territorial) définis et réalisés conjointement par l'Etat, les communes et leurs groupements. Ces contrats participent à l'objectif de construire chaque année 70.000 logements géographiquement et socialement adaptés en Ile-de-France et contribuent à la maîtrise de l'étalement urbain".

A l'article 2, qui précise l'élaboration et les outils de mise en œuvre du réseau de transport public du Grand Paris, un amendement du rapporteur a ajouté "la nécessité de connecter la double boucle avec le réseau ferroviaire à grande vitesse et d'intégrer la préoccupation des parkings relais". Deux amendements de Charles Revet, sénateur UMP de Seine-Maritime, renforcent par ailleurs l'axe Paris-Rouen-Le Havre via d'une part une déclaration d'objectif d'intérêt général pour la mise en place d'un réseau prioritaire orienté fret entre la Normandie et le Grand Paris et d'autre part la demande d'un rapport au Parlement sur la possibilité de créer de nouvelles installations portuaires autour de l'embouchure de la Seine.

A l'article 7 relatif à la création, aux missions et aux prérogatives de la SGP, un amendement de Christian Cambon (UMP, Val-de-Marne) confère à la SGP une compétence pour "veiller au maillage cohérent du territoire" dans le respect des compétences reconnues au Stif.

 

Création d'une taxe dédiée pour la SGP

Autre nouveauté importante, à l'article 9 bis : la création d'une "taxe forfaitaire sur le produit de la valorisation des terrains nus et des immeubles bâtis résultant, sur le territoire de la région d'Ile-de-France, des projets d'infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris". Cette taxe est exigible pendant quinze ans à compter de la date de publication ou d'affichage de la déclaration d'utilité publique de ces projets et est affectée au budget de l'établissement public Société du Grand Paris. La taxe ne peut être perçue sur les projets situés au-delà de 1.500 mètres d'une entrée de gare. Elle ne peut pas non plus s'appliquer aux ventes de terrains aménagés dans le cadre d'une ZAC, d'un permis d'aménager ou d'une association foncière urbaine, aux transferts de propriété opérées dans le cadre d'une expropriation pour cause d'utilité publique et aux terrains et bâtiments vendus par RFF (Réseau ferré de France).

La taxe est assise sur "un montant égal à 80% de la différence entre, d'une part, le prix de vente stipulé dans l'acte de cession et, d'autre part, le prix d'achat stipulé dans l'acte d'acquisition augmenté des coûts, supportés par le vendeur, des travaux de construction autorisés, ainsi que des travaux ayant pour objet l'amélioration de la performance thermique de l'immeuble. Le taux de la taxe est de 15% et le montant exigible ne peut excéder 5% du prix de cession".

Jean-Pierre Fourcade, citant des travaux de l'Iaurif (Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France), a estimé que le montant des recettes liées à cette taxe pourrait atteindre "un milliard d'euros par an, pendant plusieurs années".

La commission spéciale du Sénat a aussi voté plusieurs modifications relatives aux CDT, parmi lesquelles la possibilité pour le préfet d'arrêter, pour une période de trois ans, des objectifs annuels territorialisés de production de nouveaux logements afin d'atteindre l'objectif inscrit à l'article 1er de 70.000 nouveaux logements par an. Le même amendement prévoit la présentation chaque année au Conseil régional de l'habitat (CRH) d'un rapport sur l'état de réalisation de cet objectif. Les sénateurs ont également inscrit dans le texte une obligation de consultation des départements et de la région pour tous les CDT. Ils ont aussi voté plusieurs amendements concernant l'établissement public Paris-Saclay, notamment une dérogation à la limite d'âge de 65 ans pour son président-directeur général et la création d'une zone de protection comprenant au moins 2.300 hectares de terres agricoles sur le plateau de Saclay. L'établissement public se voit également doté de compétences pour le déploiement de l'internet à très haut débit et la préservation du patrimoine hydraulique.
Au cours d'une conférence de presse le 31 mars, le président du conseil régional d'Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, a demandé une nouvelle fois le retrait du projet de loi sur le Grand Paris. Dénonçant le manque de concertation et la mise hors jeu de la région, il a appelé à la mobilisation des parlementaires et des élus locaux pour obtenir ce retrait et défendre le projet de rocade Arc Express qui reste selon lui "la meilleure solution pour répondre aux inégalités territoriales et soulager le réseau existant".

 

Anne Lenormand avec AULH