Réforme fiscale - Les sénateurs se lancent dans la mêlée !
Un texte collectif vient d'être déposé sur le bureau du Sénat : une cinquantaine de sénateurs ainsi que le groupe PS du Palais du Luxembourg militent pour une réforme de la fiscalité locale car "une réforme du système financier local est aujourd'hui nécessaire pour éviter la surchauffe". La proposition de loi se décompose en deux articles : l'article 1er prône une réelle péréquation pour l'affectation des dotations de l'Etat et donne un objectif chiffré clair : "les mécanismes de péréquation mis en place doivent en tout état de cause conduire à ce qu'aucune commune n'ait, dans le délai fixé par la loi, un potentiel financier par habitant inférieur à 80% du potentiel financier moyen de sa strate démographique. Pour les départements, ce taux serait de 90% et pour les régions de 95%". Sans donner de précision, les rédacteurs de la proposition de loi se disent favorables à une redéfinition du potentiel financier "afin qu'il représente au mieux le pouvoir d'achat réel des collectivités locales".
Si Pierre Richard insistait, dans son rapport de décembre 2006, sur la nécessité de "renforcer la part des concours financiers de l'Etat dédiée à la péréquation entre collectivités", il préconisait de répartir les dotations "en priorité en fonction du potentiel fiscal de la collectivité et du revenu moyen par habitant".
CSG départementale
L'article 2 vise à placer au sein de l'hémicycle une proposition déjà largement débattue et actée par les associations d'élus : "la substitution de la part départementale de la taxe d'habitation par une part additionnelle à la contribution sociale généralisée". Cette mesure aurait un double avantage : spécialiser les impôts locaux en fonction des domaines d'intervention des collectivités et ouvrir un impôt national au département. Cette piste de travail est issue du rapport de Philippe Valletoux qui militait , dès décembre 2006 pour que la redistribution de la fiscalité se fasse en fonction des compétences principales de chaque niveau. Le président de l'ADF, Claudy Lebreton, expliquait en janvier 2007: "alors que sa compétence première est bien la solidarité... il ne peut aujourd'hui s'appuyer sur aucun impôt lié au social. D'où l'idée de dédier aux départements une part additionnelle de CSG. En notant que la CSG a l'avantage d'être assise sur les revenus non seulement du travail mais aussi du capital - ce qui en fait, précisément, un impôt assez juste". Le texte sénatorial propose que cette réforme fasse d'abord l'objet d'un rapport gouvernemental déposé avant le 1er septembre 2008 pour examiner la modulation de la CSG, le lissage temporaire des effets de la réforme sur le contribuable et les modalités de mise en oeuvre d'un "fonds de solidarité départemental".
C.V
Sur quel élément se fonder pour assurer la péréquation la plus juste ?
Le potentiel financier, mentionné dans la proposition de loi sénatoriale (cf. ci-contre), est considéré comme un indicateur plus "complet" que le potentiel fiscal, mentionné dans le rapport Richard, pour identifier la richesse d'une collectivité locale. Le potentiel fiscal est un outil ancien (certains diraient dépassé) de mesure de la richesse locale. Il mesure les recettes fiscales hypothétiques que la collectivité pourrait percevoir si elle appliquait le taux moyen national d'imposition de chaque taxe locale. En sus de ce montant fictif, le potentiel fiscal intègre la part de la dotation forfaitaire correspondant à la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle. Pour aboutir au montant final, on déduit les prélèvements fiscaux que la commune subit suite à la suppression des contingents d'aide sociale.
Le potentiel financier, créé par la loi de finances pour 2005, inclut le potentiel fiscal, mais y ajoute la dotation forfaitaire versée par l'Etat à la commune. C'est désormais celui-ci qui préside à la répartition de la dotation globale de fonctionnement. Comme l'a souligné le ministre de l'Intérieur (réponse à la question écrite n°62832, JOAN, Q, du 12 juillet 2005) "la substitution du critère du potentiel financier à celui du potentiel fiscal répond au souci de refléter au plus juste le niveau relatif de richesse d'une commune. Le potentiel fiscal, s'il demeure un indicateur intéressant à l'heure de la relance de l'autonomie financière, est en effet apparu incomplet. Il ne mesure que la capacité de la collectivité à lever des ressources fiscales, et non sa capacité à mobiliser des ressources".
Philippe Bluteau / Cabinet de Castelnau