Les règles pour célébrer Noël à l'école publique
Tous les ans, au mois de décembre, les directeurs d'établissements scolaires publics se posent la même question : comment fêter Noël tout en respectant les règles de la laïcité ? Localtis fait le point sur une question plus subtile qu'il n'y paraît et qui concerne, au-delà des écoles, tous les espaces publics.
La question taraude chaque année les responsables des écoles publiques de France et de Navarre : peut-on fêter Noël à l'école ? Dans son vademecum sur la laïcité à l'école récemment mis à jour, le ministère de l'Education nationale rappelle tout d'abord que, oui, il est possible de célébrer une fête comme Noël, à condition de respecter quelques principes.
Le premier de ces principes repose sur l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905, qui a pour objet d’assurer la neutralité des édifices publics à l’égard des cultes et s’oppose à l’installation dans un bâtiment affecté à un service public d’un signe ou emblème manifestant la reconnaissance d’un culte ou marquant une préférence religieuse.
Toutefois, cette interdiction peut faire l’objet d’exceptions, et la notion la plus importante à retenir pour rendre possible la célébration de Noël à l'école publique est celle de "fête sécularisée". En d'autres termes, quand le caractère culturel, artistique ou festif d'une représentation d'origine religieuse peut être dégagé, et que dans le même temps son caractère cultuel n'est plus visible, la voie est dégagée.
"Une fête largement laïcisée"
En ce qui concerne l'installation d'un sapin de Noël, le vademecum ministériel va même plus loin, considérant qu'à bien des égards il ne s'agit pas uniquement d'une manifestation religieuse, en l'occurrence chrétienne. Selon le document, le sapin serait en effet "issu de multiples traditions, d’abord païennes, [et] mêle aujourd’hui de nombreuses symboliques". Et d'ajouter qu'"un regard historique permet de saisir les évolutions culturelles, de prendre de la distance et de voir comment chaque époque s’approprie les symboles et leur donne un sens nouveau". En conclusion, "le sapin, symbole d’une fête largement laïcisée, peut être installé à condition qu’il ne revête aucun caractère cultuel dans sa présentation ou dans sa décoration". Etoiles, guirlandes et boules sont donc les bienvenues. Voilà pour le sapin.
Mais qu'en est-il pour une crèche de la Nativité ? Représentant traditionnellement la venue au monde du Christ, entouré de ses parents et d'animaux de la ferme, la crèche de Noël possède a priori un caractère cultuel affirmé. Pourtant, dans deux arrêts de principe rendus en novembre 2016, le Conseil d'Etat n'écarte pas son installation : "Une crèche de Noël est une représentation susceptible de revêtir une pluralité de significations. Il s'agit en effet d'une scène qui fait partie de l'iconographie chrétienne et qui, par là, présente un caractère religieux. Mais il s'agit aussi d'un élément faisant partie des décorations et illustrations qui accompagnent traditionnellement, sans signification religieuse particulière, les fêtes de fin d'année."
Bien entendu, le Conseil d'Etat encadre fermement l'installation d'une crèche de Noël à l'initiative d'une personne publique dans un lieu public. Tout d'abord, l'installation doit être temporaire – et pour ne pas y voir un caractère religieux, il conviendrait même de ne pas la faire coïncider avec le calendrier liturgique. Ensuite, elle doit présenter "un caractère culturel, artistique ou festif, sans exprimer la reconnaissance d'un culte ou marquer une préférence religieuse". Mais comment apprécier cette dernière notion ? Ici, le Conseil d'Etat va tenir compte du contexte, qui doit être dépourvu de tout élément de prosélytisme, des conditions particulières de l'installation, de l'existence ou de l'absence d'usages locaux, mais aussi du lieu de l'installation. Et la Haute Cour de distinguer selon qu'il s'agit d'un bâtiment public, siège d'une collectivité publique ou d'un service public, ou d'un autre emplacement public.
Manifestation culturelle et usage local
Dans l'enceinte d'un bâtiment public, siège d'une collectivité publique ou d'un service public, tout d'abord, le Conseil d'Etat considère que l'installation d'une crèche de Noël ne peut être conforme au respect de la neutralité en l'absence de circonstances particulières. L'école doit bien évidemment être regardée comme un bâtiment public siège d'un service public, et son hall d'accueil ne fait pas exception.
En revanche, l'existence d'un usage local ou de circonstances particulières permettant de lui reconnaître un caractère culturel, artistique ou festif peut permettre l'installation d'une crèche. En s'appuyant sur la jurisprudence du Conseil d'Etat de 2016, l'organisation en région Auvergne-Rhône-Alpes d'une exposition thématique sur le savoir-faire des santonniers présentant plusieurs crèches dans le hall du conseil régional a ainsi été jugée conforme à la loi par le tribunal administratif de Lyon en 2018. Au nom de l'existence d'un usage local remontant à 1990, l'installation d'une crèche durant la période de Noël dans le hall de l’hôtel du département de la Vendée a été validée par la cour administrative de Nantes en 2017.
Il en va différemment des autres emplacements publics, notamment les voies publiques. Dans ce cas, et à condition qu'elle ne constitue pas un acte de prosélytisme ou de revendication d'une opinion religieuse, l'installation d'une crèche de Noël par une personne publique est possible en vertu du caractère festif des installations liées aux fêtes de fin d'année.