Les régions sont devenues un "acteur clé" du pilotage de la recherche
Au moment de la préparation d'une loi de programmation pluriannuelle sur la recherche attendue pour 2020, un rapport sénatorial souligne l'effort consenti par les régions qui ont fait de la recherche un moyen de compétitivité et d'attractivité de leur territoire. Elles se sont imposées comme "un acteur clé du pilotage de la politique de recherche".
Au début des années 2000, les chefs d’État et de gouvernement réunis à Lisbonne s’était fixé un objectif : porter l’effort de recherche à 3% du PIB en 2010. Si certains pays, comme l’Allemagne, y sont parvenus, la France stagne depuis des années autour des 2,2%. Chez les chercheurs, le malaise est palpable. Alors qu’en janvier, le chef du gouvernement, Édouard Philippe, a annoncé une loi de programmation pluriannuelle sur la recherche pour 2020, un rapport sénatorial invite à ne pas oublier le rôle des régions qui "sont progressivement devenues un acteur clé du pilotage de la politique de recherche". Or la coopération entre l’État et les régions reste "perfectible".
Une augmentation de 75% des dépenses régionales
En France, contrairement à d’autres pays voisins, la recherche reste très fortement concentrée dans les mains de l’État qui totalise à lui seul 90% des dépenses dans ce domaine. Les régions - réunies en ce moment en congrès à Bordeaux où elles auront à coeur de défendre leur bilan économique en vue du nouvel acte de décentralisation - ne déméritent pas. À la faveur des lois de décentralisation, elles ont augmenté leurs efforts de plus de 75% en une dizaine d’années, passant de 385 millions d’euros en 2004 à 674 millions d’euros en 2017. C’est en effet ce que montre le sénateur LR Jean-François Rapin (Pas-de-Calais), dans un rapport présenté à la commission des finances, la semaine dernière. Même si les financements des régions ne représentent encore que 4% de l’effort public, elles consacrent en moyenne 2,8% de leurs budgets à la recherche. Elles se situent grosso modo au niveau de la contribution communautaire : les crédits de l’Union européenne contenus dans le programme Horizon 2020 se chiffrent à 3,5 milliards d’euros, soit un montant annuel de l’ordre de 880 millions d’euros. C’est-à-dire un peu plus que le pic de l’effort des régions obtenu en 2014 (850 millions d’euros). La dépense des régions a régressé par la suite pour se stabiliser au-dessus des 650 millions d’euros. "Loin de traduire un désengagement des régions" dans le domaine de la recherche, ce léger recul correspond "à l’impact des réorganisations institutionnelles et politiques au lendemain de la loi Notr", indique le rapport.
Renforcer l’attractivité du territoire
Les régions interviennent en "complémentarité" avec l’État : ce dernier soutient fortement la recherche fondamentale alors que les premières privilégient les activités de transfert de technologie (36 % de leurs dépenses de recherche) et les opérations immobilières (25 %), "afin de renforcer la compétitivité et l’attractivité de leur territoire". À travers les contrats de plan, elles contribuent par exemple à l’acquisition ou à la construction de locaux, à l’achat d’équipements scientifiques. Nombre d’entre elles cherchent à augmenter le nombre de chercheurs sur leur territoire en finançant des allocations d’études doctorales ou post-doctorales ou en organisant des appels à projets spécifiques. Avec le désengagement de l’État, elles sont aussi amenées à prendre en main les pôles de compétitivité. Désormais, le financement de ces derniers passera par l’aide aux projets de recherche et développement structurants pour la compétitivité (PSPC) régions (en remplacement du fonds unique interministériel), et ce jusqu’en 2022.
Par ailleurs, les régions se sont imposées comme "le pivot opérationnel de la politique européenne de recherche", permettant de "garantir la cohérence des interventions financières de l’Union européenne à l’échelon local et d’en maximiser l’impact". Dans le cadre des programmes opérationnels européens, les régions doivent élaborer une "stratégie régionale de l’innovation pour une spécialisation intelligente" qui consiste à mettre l’accent sur des domaines à fort potentiel ou en émergence. Une condition indispensable pour obtenir des fonds Feder. Le rôle des régions est double : "Il consiste, d’une part, à aider les chercheurs à obtenir des fonds européens et, d’autre part, à influencer les orientations stratégiques des programmes européens pour qu’ils correspondent davantage aux besoins locaux", explique le rapporteur spécial sur les crédits de recherche. Et ce rôle "se révèle souvent crucial pour orienter et conseiller les porteurs de projets".
Fortes disparités
Le rapport constate par ailleurs de fortes disparités régionales. Entre 2004 et 2014, trois régions – l’Île-de-France, Rhône-Alpes et Paca – ont concentré 60% de l’effort total de recherche. Aujourd’hui, la part de chaque région dans cet effort varie de 0,9% pour la Corse à 16,2% pour l’Île-de-France, avec une dépense moyenne de 118 millions d’euros. La Nouvelle-Aquitaine vient en deuxième position (12,5%) devant les Pays de la Loire (10,7%). Mais ce qui compte, c’est surtout la part dans les dépenses totales. En moyenne, celle-ci est de 2,8%, mais plusieurs régions font mieux que 3% : les Pays de la Loire (5,8%), la Nouvelle-Aquitaine, la Bretagne, la Normandie et le Centre-Val de Loire. Et malgré son effort important, l’Île-de-France est légèrement en dessous de la moyenne, à 2,7%.
Et pourtant les régions "ont bien souvent le sentiment de ne pas être pleinement associées à la politique de recherche menée par l’État", constate Jean-François Rapin.
Il préconise de "renforcer la concertation entre les instances nationales et régionales" et de "développer des programme État-région sur le plan européen". Le sénateur, par ailleurs vice-président de la commission aux affaires européennes, déplore les "résultats décevants de appels à projets européens" où les financements obtenus par les participants français ne cessent de diminuer. "L’efficacité des dispositifs régionaux pourrait être décuplée si, en parallèle, les régions menaient davantage d’actions conjointes et échangeaient plus régulièrement au sujet de leur stratégie européenne", estime-t-il.