Réforme territoriale - Les régions ne veulent pas d'un nouveau changement de calendrier électoral
La voie de la réforme territoriale est loin d'être un long fleuve tranquille. Les régions, qui auraient dû en sortir vainqueurs, sont à présent vent debout contre le nouveau calendrier électoral que l'exécutif envisage. Le projet de loi sur la fusion des régions, actuellement en cours d'examen au Parlement, prévoit de reporter les élections régionales (comme les élections départementales) au mois de décembre 2015 au lieu de mars. Or le gouvernement examinerait à présent l'hypothèse d'organiser ces mêmes élections avant l'été, probablement en juin 2015. Il redoute en effet que la date de décembre ne soit censurée par le Conseil constitutionnel, au motif que le mandat des conseillers généraux, élus en 2008, se trouverait prolongé de vingt et un mois.
En coulisse, on explique que la majorité préférerait en réalité se limiter à une déculottée électorale, plutôt que deux.
"Un embrouillamini que je n'ai jamais connu"
Quoi qu'il en soit, avancer la date des élections conduirait à accélérer la création des 13 grandes régions, prévue actuellement au 1er janvier 2016. Pour les régions, qui tenaient leur conférence de presse de rentrée ce mercredi, le délai n'est pas tenable, tant pour organiser des élections à partir d'un nouveau périmètre que pour mettre en place ces futures régions avec tous les transferts qu'elles impliquent. Elles soulèvent un autre problème juridique. "La loi de 1990 [organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, ndlr] dit qu'il ne peut y avoir moins d'un an entre la définition d'une règle et la géographie de l'élection (qui suit). On est à neuf mois", argue Alain Rousset, le président de l'Association des régions de France (ARF). Selon lui, "il est totalement impossible de concevoir aujourd'hui une élection en juin 2015". "Nous alertons le gouvernement et le président de la République pour laisser le temps à la démocratie politique", a-t-il déclaré. René Souchon, le président de la région Auvergne, a souligné le travail mené avec son homologue de Rhône-Alpes. "Nous sommes d'accord pour coconstruire une grande région en 2015... Mais nous ne pouvons pas dans ce délai arriver à cette conconstruction."
Opposé pour sa part à une fusion avec la Lorraine, le président de l'Alsace, Philippe Richert, est allé plus loin dans l'invective. Il a qualifié les intentions du gouvernement d'"absurdes" et ce calendrier à marche forcée de "monstrueux". "Je ne comprends plus rien, on est entré dans un embrouillamini que je n'ai jamais connu", a-t-il lancé, évoquant une autre rumeur, selon laquelle le gouvernement, prétextant l'urgence déclarée du texte, souhaiterait raccourcir le délai d'examen du projet de loi au Parlement en le privant d'une deuxième lecture pour aller directement en commission mixte paritaire. Sur ce point, Alain Rousset s'est dit convaincu "qu'il y aurait bien un deuxième examen au Sénat" (le texte a pour l'heure été adopté en première lecture au Sénat puis à l'Assemblée). "La carte peut encore bouger, dans l'Est notamment", a-t-il souligné.
Alors pour se prémunir d'un risque de censure du Conseil constitutionnel et donner le temps aux régions de s'organiser, l'ARF est favorable à un "découplage" entre les élections départementales, qui pourraient se tenir en mars, et les régionales, en décembre.
Contrats de plan
Ce pataquès intervient au pire moment pour la nouvelle génération des contrats de plan Etat-région 2015-2020, qui ont déjà pris un an de retard, notamment en raison de l'abandon de la taxe poids lourd initiale, dans le sillage du mouvement des bonnets rouges, l'an dernier. Les préfets sont en effet censés démarrer ce mois-ci les négociations avec les exécutifs régionaux sur les périmètres de ces contrats et leur montant financier. Comment entamer ces négociations alors que les périmètres des régions ne seront plus forcément les mêmes dans un an ? Le gouvernement a prévu une clause de revoyure en 2016, justement pour tenir compte des fusions. Mais la grande interrogation tient aux montants financiers. Alors que les régions appellent l'Etat à relancer l'investissement par le biais de la commande publique, le gouvernement serait prêt à élargir son enveloppe. Après avoir annoncé, au mois de juillet, qu'il contribuerait à hauteur de 9,6 milliards d'euros sur six ans (2015-2020), il serait aujourd'hui prêt à monter jusqu'à 12 milliards d'euros, selon un proche du dossier. Soit quasiment le montant affiché au démarrage de l'ancienne programmation 2007-2013. Seulement, le gouvernement a ajouté les routes dans le périmètre de ces contrats, contre le souhait des régions. Des routes qui pourraient absorber à elles seules plusieurs milliards d'euros. Et puis, "les crédits sont soumis à la loi de finance et sont ainsi rabotés chaque année. Le bilan en 2021 ne sera pas de 12 milliards d'euros", assure la même source. Les régions, qui pour le moment restent dans le flou, attendent avec impatience une réunion interministérielle qui se tiendra à Matignon, ce vendredi. En attendant, Alain Rousset a appelé l'Etat à ne pas baisser l'effort. "Le bâtiment a perdu entre 10 et 12% de son activité (...). La partie investissement va immanquablement payer un lourd tribut [au vu de la situation budgétaire], ce qui fait courir un risque de déflation, d'augmentation du chômage (…) Il y a urgence."