Les régions leaders dans l’aéronautique veulent prendre le virage de la décarbonation
Quelques jours seulement avant l’inauguration du salon du Bourget, Emmanuel Macron a eu l’occasion de réaffirmer le soutien de l’État au secteur aéronautique et plus particulièrement à "l’avion vert", version décarbonée d’une industrie régulièrement pointée du doigt pour son impact en termes d’émissions de CO₂. Déçues par les montants engagés, les régions en pointe dans l’aéronautique s’engagent pour soutenir ce "verdissement" indispensable du secteur.
En visite sur le site Safran Aircraft Engines de Villaroche en Seine-et-Marne le 16 juin dernier, le président de la République a voulu rappeler l’importance d’un secteur au cœur des enjeux de souveraineté économique et qui doit désormais "participer aux efforts de réduction de nos émissions". Il a ainsi saisi l’occasion de cette visite pour annoncer le triplement des aides de l’État à la filière aéronautique, portées à 300 millions d'euros par an ainsi qu’un soutien spécifique aux "acteurs émergents" (200 millions d'euros) dans le domaine des petits avions électriques ou à hydrogène. Il a également mis l’accent sur la nécessité d’augmenter la part des "carburants durables" qui sont une étape nécessaire vers la décarbonation du transport aérien.
Une enveloppe "en deçà ses besoins réels exprimés par les industriels"
Présidente de la région Occitanie et première représentante de Régions de France, Carole Delga a rapidement réagit pour, d’une part, saluer ces annonces mais tout en les jugeant insuffisantes face à la concurrence internationale venant essentiellement des États-Unis et de la Chine. "La décarbonation est un enjeu majeur de souveraineté industrielle pour notre pays" qui doit se traduire, explique-t-elle, par la production d’avions plus verts, plus légers et consommant moins de carburants. Un défi industriel à l’aune duquel les 300 millions d'euros annuels promis par Emmanuel Macron restent "en deçà des besoins réels exprimés par les industriels", insiste la présidente de Régions de France qui estime qu’il faudrait au bas mot que l’État investisse 150 millions d'euros de plus chaque année dans cette filière émergente.
Présidente d’une région qui se revendique comme "la première région aéronautique française", Carole Delga a d’ailleurs profité du salon du Bourget pour annoncer une rallonge de 50 millions d'euros au plan Avion vert de la région déjà abondé à hauteur de 100 millions d'euros. Un plan qui ambitionne de "permettre aux acteurs aéronautiques de réussir la décarbonation" de leurs activités à travers des aides à l’implantation d’usines de production de carburants durables, notamment, ou encore en soutenant l’innovation. Près de 45 millions d'euros sont d’ores et déjà fléchés vers la réalisation du Technocampus, un centre d’essai entièrement dédié à l’avion vert et qui pourrait ouvrir ses portes dès 2025.
Une usine de production de carburants durables en Occitanie à horizon 2029
L’Occitanie a également été la première région française à signer le protocole d’accord européen "Clean Aviation" qui vise à "accélérer les synergies par le développement de technologies et démonstrateurs en lien avec l’aviation zéro émission d’ici 2035". Et toujours sur le terrain de la décarbonation, la région travaille actuellement à l’implantation à horizon 2029 d’un site de production de carburants durables dont les volumes (100.000 tonnes par an) pourraient couvrir les besoins de l’ensemble des aéroports régionaux d’ici 2050. Enfin, la région Occitanie prévoit d’investir 70 millions d'euros dans les cinq années à venir pour soutenir les recrutements et la formation dans le secteur de l’aviation.
Priorité à la décarbonation de la chaîne de production
Président de la filière Normandie AéroEspace, Philippe Eudeline a eu l’occasion de présenter lors du salon du Bourget un démonstrateur, Demotech, sur lequel planchent une dizaine de PME normandes qui ambitionnent de rétrofiter un moteur d’avion léger fonctionnant aux énergies fossiles en moteur à hydrogène. Une contribution certes modeste, mais qui témoigne à la fois de l’engagement et du sens de la mesure des industriels régionaux qui préparent "les moteurs de demain" tout en ayant conscience que le chemin est encore long avant de parvenir à un vol long courrier ne fonctionnant pas au kérosène. "La première étape passera évidemment par l’augmentation de la part des SAF (carburants durables) mais si l’on considère l’hydrogène, tant en matière d’industrialisation que pour des questions de sécurité, l’horizon reste assez lointain", estime le représentant de la filière normande. "La question aujourd’hui est davantage de décarboner la chaîne de production elle-même en modernisant le parc machine et les process". Un chemin emprunté notamment par Safran Nacelles qui a lancé récemment un programme d’installation de 4 hectares de panneaux photovoltaïques sur son site du Havre.