Coopération décentralisée - Les régions contribuent aux deux tiers de l'aide au développement des collectivités
A l'occasion du sommet de New York sur la pauvreté dans le monde qui s'est achevé le 22 septembre, des associations d'élus françaises* ont adopté une délibération type à destination des collectivités qui souhaitent s'engager dans les objectifs du millénaire pour le développement (OMD). "Il est aujourd’hui inenvisageable de mener des actions concernant la santé, l’environnement ou l’éducation sans s’adresser aux collectivités territoriales", a déclaré le président de l'Assemblée des départements de France (ADF), Claudy Lebreton, lors de la présentation de cette initiative, le 14 septembre dernier (voir ci-contre notre article du 14 septembre 2010). Pourtant, le niveau d'intervention des collectivités reste modeste et il n'est pas toujours aisé de l'évaluer. Ainsi, sur les 10.000 collectivités étrangères avec lesquelles des partenariats ont été tissés, près de 80% appartiennent aux pays de l’OCDE et 2.570 sont des communes allemandes. Et entre l'ADF qui estime l'aide au développement des collectivités à plusieurs milliards et l'Association des maires de France (AMF) qui l'évalue à quelques centaines de millions d'euros, la réalité pourrait être encore en-deçà. Du moins si l'on en juge par le montant de l'aide déclarée. Celle-ci était de l'ordre de 61 millions d'euros en 2009 (même si elle n'englobe pas les communes de moins de 100.000 habitants), comme le montre une étude de l'agence Coop DEC Conseil. Entre 2007 et 2009, l'aide des collectivités a augmenté de 5,2 millions d'euros, soit de 9,26% en trois ans. Compte tenu de la crise financière, ces résultats sont plutôt encourageants mais ils masquent des tendances diamétralement opposées selon le niveau de collectivité. Ainsi les régions regroupent à elles-seules 65% de l'aide des collectivités. Et leur intervention, qui s'établit à 39,6 millions d'euros, a progressé de 11 millions d'euros depuis 2007. L'aide des départements en revanche, a suivi le cheminement inverse : de 17 millions d'euros en 2007, elle est aujourd'hui de 11 millions d'euros. Sa part dans le total est passée de 30% à 18%. "Dans une phase politique tendue, dans une phase de crise, l'affichage sur l'international peut être délicat. De fait, certains départements ont arrêté", analyse Yannick Lechevallier, directeur général de Coop DEC Conseil.
Loi Oudin : un effet négligeable
En volume, les premières régions contributrices sont Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur, le Nord-Pas-de-Calais, l'Ile-de-France et la Picardie avec une aide supérieure à 4 millions d'euros. Ramené à la population, c'est la Picardie qui porte le plus gros effort avec 2,13 euros par habitant et par an. S'agissant des départements, deux ont déclaré une aide supérieure à un million d'euros : les Yvelines et le Val-de-Marne. Suivent les Bouches-du-Rhône, le Nord, l'Ille-et-Vilaine, les Hauts-de-Seine, la Loire-Atlantique et la Seine-Saint-Denis.
Reste les villes de plus de 100.000 habitants dont l'aide est à peu près stable et tourne autour de 10,2 millions d'euros (17% du total). Mais si l'on exclut Paris du lot, la baisse dépasse les 30%. D'ailleurs, avec plus de 6,6 millions d'euros déclarés en 2009, Paris contribue pour les deux tiers au budget des grandes villes. Marseille et Nantes arrivent loin derrière avec 840.000 et 756.000 euros.
Selon Yannick Lechevallier, la loi Oudin, qui depuis 2005 permet aux communes, intercommunalités, syndicats mixtes et agences de l’eau d’affecter 1% de leur budget eau et assainissement à l'aide au développement, a eu un effet négligeable. "Les fonds affectés à l’aide au développement imputés sur les budgets eau selon la loi Oudin sont inférieurs à 10 millions d'euros actuellement dont 60% issus des agences de l’eau. Les avancées de la loi Oudin concernent 3 à 4 millions d'euros issus principalement de 4 à 5 collectivités dont Paris et Lyon qui affectaient déjà ces sommes avant 2005", indique-t-il.
Réciprocité
L'aide des collectivités françaises reste par ailleurs très localisée vers l'Afrique subsaharienne qui concentre aujourd'hui 45 millions de leurs crédits, avec une hausse de près de 70% depuis 2006. L'augmentation est encore plus nette pour les pays méditerranéens avec un bond de 140%, à 10 millions d'euros, devant l'Asie, l'Amérique du Sud, l'Amérique centrale où elle est en forte progression, certains pays d'Europe (Albanie, Biélorussie, Bosnie, etc.). L'intervention en direction de l'Océanie est nulle. "Beaucoup d'élus n'ont pas saisi que nous avions changé de paradigme, lorsque nous discutons avec des élus latino-américains, la séparation Nord-Sud n'existe plus pour eux." Certaines collectivités se placent pourtant dans un cadre de "coopération partagée", c'est-à-dire dans une logique de réciprocité. Il en est ainsi du conseil général de l'Hérault qui, en échange de son aide, a pu bénéficier de l'expérience de Djerba (Tunisie) pour répondre à un problème d'adduction d'eau en zone touristique.
Michel Tendil
*Afccre, AMF, ADF, ARF et Cités unies-France