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Les régions au chevet d’une Europe en manque d’incarnation

Les Français sont "les derniers de la classe" quand on les interroge sur leur vision de l'Union européenne. La faute, entre autres, à un manque d'incarnation favorisé par le retour à une circonscription unique aux élections européennes. Un défi de "communication" que les nouveaux exécutifs régionaux devront relever, notamment avec l'arrivée des crédits de la relance, comme l'a montré une nouvelle "controverse" organisée par Régions de France à l'approche des élections régionales.

Au moment où est lancée la conférence sur l’avenir de l’Europe, le désamour entre les Français et l’Union européenne reste patent. Si l’Union européenne bénéficie globalement d’une bonne image en Europe – il faudrait même remonter à 2009 pour trouver un aussi bon score –, le niveau de satisfaction des Français "est très inférieur", de l’ordre de 40%, a indiqué Isabelle Coustet, chef du bureau du Parlement européen en France, mardi 11 mai, dévoilant dans les grandes lignes les tendances du futur eurobaromètre qui sera diffusé au mois de juin. "On est les derniers de la classe", a-t-elle amèrement constaté lors d’une quatrième "controverse" organisée par l’association Régions de France sur le thème du "rôle des régions dans le concert européen". Une entrée en matière qui pose la question du manque d’incarnation de l’UE. En effet, derrière le pacte tacite passé entre Bruxelles et les régions, "l’Europe des régions" a encore du mal à prendre corps en France. Témoin, seulement 35% des Français se montrent satisfaits de la manière dont l’UE a géré la crise, contre 48% dans le reste de l’Europe.

Une décentralisation incomplète de la gestion des fonds

Yves Bertoncini, président du Mouvement européen-France (une association qui travaille à mieux faire connaître l’Union européenne), a son explication. "Les Français sont insatisfaits de manière générale, la France fait en effet partie des derniers de la classe si on regarde factuellement le taux de chômage, le taux de croissance, la dette, les déficits, le commerce extérieur ; la France est un pays qui ne va pas très bien." À cela s'ajoute un défaut de communication sur la provenance des fonds, "des autorités nationales ou régionales qui préféreraient dire que c’est leur argent". À cet égard, estime-il, le plan de relance constituera un "grand défi au moment où les fonds arriveront, y compris dans les régions, au niveau local, pour voir s’ils sont suffisamment valorisés du point de vue de la communication politique". C’est aussi vrai pour la politique régionale et la politique agricole commune "à forte dimension territoriale", même si la France a tardé à confier la gestion d’une grande partie des fonds structurels aux régions en 2014, avec la loi Maptam. "Dans les grands pays comparables à la France, notamment l’Allemagne, l’Espagne et Italie, c’est très décentralisé. La France a suivi ce mouvement tardivement." Mais la bascule n’est pas complète. Plus que la politique régionale et ses 2,5 milliards d’euros annuels, la PAC, avec 9 milliards d’euros par an dévolus à la France (ce qui en fait le premier bénéficiaire), "a des retombées territoriales très importantes". "Or on n'entend que de la communication négative. (..) Je suis étonné d’ailleurs que le gouvernement central ait repris une partie du Feader (le deuxième pilier de la PAC consacré au développement rural, ndlr) et que le FSE reste au moins aux deux-tiers géré par l’État central." Selon Yves Bertoncini, "le sens de l’histoire est de donner aux régions la pleine maîtrise des fonds européens".

Un lien territorial rompu avec le retour à une circonscription nationale

Les régions ont avec le Parlement européen un allié de taille. "Il y a historiquement au Parlement un soutien à l’idée de subsidiarité, de construction qui part par le bas", a rappelé Isabelle Coustet, "une espèce de solidarité entre le Comité des régions" (l’instance représentative des collectivités qui n’a que valeur consultative). "La politique régionale est une politique de rattrapage. C’est ce que le Parlement défend. C’est aujourd’hui un tiers du budget de l’UE et le Parlement européen est très réticent à y mettre de la conditionnalité économique comme le pacte de stabilité. Pour lui, la politique régionale est le garant de l’homogénéité du système européen", a-t-elle affirmé.

Yves Bertoncini a regretté le retour à une circonscription nationale unique pour les élections européennes (par la loi du 25 juin 2018), privant les députés "d’un lien territorial qui auraient pu les conduire à faire un peu de communication et surtout à incarner l’Europe en région". Il faudrait une "circonscription calquée sur les nouvelles régions", a-t-il plaidé. Autre effet de cette réforme : la moindre représentation des élus ultramarins, même si la commission politique régionale est présidée par le Réunionnais Younous Omarjee. En attendant, ce sera aux futurs élus départementaux et régionaux de se retrousser les manches, car "c'est eux l'incarnation de l'Europe sur les territoires".

 

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