Les professionnels de l'eau réclament une relance des investissements
À l'occasion de son assemblée générale qui s'est tenue ce 4 juillet à Paris, la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E) a organisé une table-ronde présentant ses propositions dans le cadre des Assises de l'eau. Elle appelle notamment à relancer les investissements et à relever légèrement le prix de l'eau.
"Nous devons hiérarchiser les priorités et nous essayons d'avoir un rôle constructif dans le cadre des Assises de l'eau", a déclaré Frédéric Van Heems, le nouveau président de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E), en ouverture d'une table-ronde organisée ce 4 juillet, dans le cadre de l'assemblée générale qui a donné lieu à sa nomination. "Nous sommes arrivés à un diagnostic commun : il y a aujourd'hui un sous-investissement chronique dans les infrastructures d'eau, a-t-il pointé. Six milliards d'euros sont investis chaque année mais il manque 1,5 à 2 milliards d'euros pour être à niveau. Il est nécessaire de renouveler chaque année 1,5% des canalisations alors que nous sommes aujourd'hui à 0,6%."
Investir dans la qualité de l'eau
Mais selon lui, les investissements ne doivent pas se résumer à un plan anti-fuites. "Deux tiers des consommateurs sont d’accord pour augmenter le prix de l’eau, en échange de deux conditions : une meilleure qualité et une prise en compte des intérêts de la planète et de la protection des ressources", affirme le président de la FP2E, qui est également directeur général Eau France de Veolia. "Il faut répartir l’effort pour que tout le monde apporte sa contribution : l’État, qui doit faire des arbitrages budgétaires prochainement, les services d’eau, qu’ils soient gérés par le public ou par le privé, et enfin les consommateurs". Aujourd'hui, a-t-il rappelé, le prix moyen du m³ s'élève à 4 euros (2 pour l'eau potable, 2 pour l'assainissement). "Si l'on passe à 4,40 euros dans les prochaines années, soit l'équivalent d'un pack de six bouteilles d'eau par mois, cela n'aura pas d'impact sur le pouvoir d'achat", a affirmé Frédéric Van Heems. Adrien Morenas, député LREM du Vaucluse et président de la mission parlementaire sur la ressource en eau, a lui aussi estimé cette hausse soutenable : "Une légère augmentation du prix de l’eau n’est pas un problème pour le consommateur, et permettrait d’investir beaucoup plus."
Améliorer la tarification sociale
Cette hausse des prix devrait cependant s’accompagner d’un dispositif de tarification sociale pour les plus précaires, nécessaire pour "maintenir le principe d’égalité". Sur ce point, "il y a deux écoles", soutient le député, comme en atteste le rapport de la mission parlementaire présenté le 20 juin dernier : "l'eau gratuite, avec une surtaxation au-delà des m³ vitaux" et "le tarif social sous la forme d'un droit d'entrée avec une grille évolutive". Mais il y a selon lui urgence à mieux communiquer sur les aides disponibles et pour plus de facilité, "on pourrait fusionner chèque énergie et chèque eau", appuie-t-il. Frédéric Van Heems juge, lui, nécessaire d'améliorer la loi Brottes, qui interdit les coupures d’eau. Pour les entreprises de l'eau, elle aurait produit deux effets pervers : une envolée des taux d’impayés (de 0,7% à 2%) et un moindre recours aux aides sociales.
"Système vertueux" des comités de bassin
En cas d’augmentation du tarif de l’eau, il faudra en tout cas miser sur la "communication" et la "pédagogie" pour "restaurer le dialogue" et la confiance entre tous les acteurs, a plaidé Frédéric Van Heems. Cela suppose "une bonne gouvernance, avec de la transparence, de la contractualisation, de la responsabilité et de la solidarité entre les différentes parties de la population et les différents territoires". "En fonction du territoire où l'on est, la politique ne peut pas être la même et il faut mener la réflexion à cette échelle en s'appuyant sur les comités de bassin", a ajouté Adrien Morenas. Thierry Burlot, président du comité de bassin Loire-Bretagne, a justement vanté le "système vertueux" sur lequel reposent ces comités de bassin qui "travaillent sur des programmes", "connaissent les territoires", et "sont un exemple de démocratie participative". Mais il a aussi fait part de ses inquiétudes face aux ponctions qu'opèrent les pouvoirs publics depuis plusieurs années sur les recettes des agences de l’eau. Il estime notamment qu'il faut "arrêter le plafond mordant" sur le produit des redevances sur l'eau qui "affaiblit tout le système". Il préconise aussi de réfléchir à la transposition du système de redevance du petit cycle vers le grand cycle, ainsi qu’à "un nouveau système de solidarité entre l’amont et l’aval, et entre les villes et les campagnes".
Enfin, pour Frédéric Van Heems, les Assises de l'eau doivent aussi être l'occasion de "libérer l'innovation" et d'en finir avec "la guerre de tranchées entre le public et le privé". "Ces barrières doivent définitivement tomber car, dans tous les domaines de l'eau et de l'assainissement, notre métier va devenir de plus en plus technique. L'innovation doit être à la fois locale et bénéficier de la force de frappe des grands groupes".