Etat civil - Les premières cartes d'identité électroniques délivrées dès la fin de l'année
Après la plupart des pays européens, dont la belgique (photo ci-contre), la France va se doter d'ici la fin de l'année d'une carte nationale d'identité électronique. Le budget de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) est "provisionné pour délivrer 2 millions de cartes à partir d'octobre ou novembre", a confié à Localtis le directeur de l'établissement, le préfet Raphaël Bartolt. "Nous nous alignons derrière l'ANTS pour que le système soit prêt au quatrième trimestre 2011", a confirmé le président de l'Imprimerie nationale, Didier Trutt, lors d'une conférence ce 8 mars à Paris.
La carte nouvelle génération pourrait toutefois ne faire son apparition qu'au début de l'année 2012 si le processus juridique nécessaire à sa création devait prendre du retard. Celui-ci repose sur la proposition de loi relative à la protection de l'identité déposée l'été dernier par les sénateurs UMP Jean-René Lecerf et Michel Houel. Un texte que le Sénat pourrait examiner le 27 avril prochain, dans le cadre d'une niche parlementaire. A partir de là, l'examen parlementaire pourrait être rapide, puisque le texte pourrait être adopté avant la fin du mois de juillet. Ce calendrier tient beaucoup au soutien que le ministère de l'Intérieur - en tout cas lorsque celui-ci était dirigé par Brice Hortefeux – a apporté à la proposition de loi. Il a eu, il est vrai, de bonnes raisons de le faire.
Lutter contre la fraude
Lors de la discussion sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2), l'ancien ministre a dissuadé certains parlementaires de déposer des amendements visant à introduire la création d'une carte nationale d'identité électronique. Favorable au projet, le gouvernement n'a pas, en fait, voulu faire resurgir, à l'occasion d'un texte assez critiqué dans l'opinion pour ses aspects sécuritaires, les craintes d'une surveillance généralisée des citoyens - craintes qui avaient fait échouer les premiers projets de carte à partir de 2004. Le ministère de l'Intérieur a préféré soutenir une initiative parlementaire portée par un sénateur, Jean-René Lecerf, qui, affirme l'intéressé lui-même, passe plutôt pour "un défenseur des libertés publiques".
Ce sont bien pourtant des préoccupations de sécurité qui fondent la création de la carte nationale d'identité électronique. Celle-ci serait en effet une réponse aux 200.000 usurpations d'identité qui ont lieu chaque année. Les médias ont récemment révélé le phénomène au grand public : en subtilisant une carte d'identité, puis en en changeant la photo, un fraudeur peut ouvrir des comptes bancaires à l'insu du véritable détenteur du titre d'identité. Il épuise vite les comptes, crée des découverts. Et lorsque les banques réclament leur dû, elles s'adressent à celui dont l'identité a été volée, lequel est ainsi doublement victime...
Comme le passeport biométrique, la nouvelle carte enregistrerait donc les empreintes digitales de son détenteur. Et une base centrale regrouperait les données biométriques contenues dans chaque carte. Selon les experts, la biométrie ne va pas sans l'existence de ce fichier, sinon elle s'avère vaine. Les auteurs de la proposition de loi ont suivi leur avis. Mais ils prévoient plusieurs garde-fous. Les droits d'accès à la base de données seraient encadrés et les données pourraient être rectifiées à la demande du détenteur du titre. Enfin, la base serait soumise au contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Des garanties supplémentaires, non requises par la loi, seraient par ailleurs prévues, "telles que la fixation d'une durée maximale de conservation des données ou la traçabilité des consultations de la base".
Or, c'est précisément sur la création de ce fichier central que la Cnil pourrait concentrer ses critiques, comme cela avait été le cas à l'occasion de l'examen en décembre 2007 du projet de passeport biométrique, sur lequel elle avait émis un avis défavorable (délibération en lien ci-contre). Pour la carte d'identité, la Cnil rendra son avis après le vote de la loi. En sachant que même en cas d'avis négatif, le projet sera mis en œuvre – comme ce fut le cas pour le passeport biométrique.
Une carte associée à des services en ligne
La conservation d'empreintes digitales sur une base centrale pose toujours des difficultés à la Cnil, a révélé, en clôture de la conférence, Sophie Vulliet-Tavernier, directrice des études, de l'innovation et de la prospective de l'instance. Mais des "évolutions" ne sont pas impossibles, a-t-elle ajouté. La Cnil va en effet de nouveau examiner la question, notamment à la lumière des exemples étrangers.
De leur côté, les responsables du projet affichent leur confiance. "L'argument selon lequel on se trouve face à 'Big Brother' est de moins en moins convaincant depuis que le phénomène de l'usurpation d'identité a été médiatisé", affirme Jean-René Lecerf. De son côté, le directeur de l'ANTS assure que depuis la mise en place du passeport biométrique, le recueil et la conservation des empreintes digitales ne sont plus du tout un objet de débat.
De plus, les craintes sur les risques d'atteinte à la liberté seront probablement mises en balance avec le développement des services électroniques que la carte va favoriser. Celle-ci comportera en effet une ou deux puces distinctes : une portant les données d'identité et une autre, facultative, permettant de s'authentifier en ligne et de signer électroniquement. Ainsi, la carte pourrait aussi bien servir à s'inscrire sur les listes électorales qu'à payer la crèche, ou encore à entrer à la piscine, analyse Georges Liberman, président de Xiring, une société informatique spécialisée dans la sécurité des transactions électroniques. A terme, aussi, la nouvelle carte pourrait offrir le moyen de s'authentifier et d'avoir accès à son dossier médical personnalisé sur internet.
Ces nouvelles possibilités très séduisantes ne coûteront rien aux Français, puisque la carte sera gratuite, en plus d'être facultative. Elle sera délivrée par les quelque 2.070 communes où l'on peut aujourd'hui obtenir un passeport biométrique.