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Les politiques sportives de demain dépasseront largement le cadre sportif

Le forum Sports et territoires proposait le 30 juin 2021 une table ronde sur les nouvelles politiques publiques sportives. Où l'on a appris que le sport dépassait désormais son cadre traditionnel et devait, pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés, construire des politiques centrées sur les bassins de vie.

La question des nouvelles politiques publiques sportives était au programme du forum Sports et territoires, tenu à Lyon le 30 juin. Sa simple formulation permet de s'interroger sur l'ensemble des termes qui la composent : nouvelles ? politiques publiques ? sportives ? Autrement dit, il était intéressant de savoir de quand datent les actuelles politiques sportives. Mais aussi de se demander qui en sont les acteurs. Et encore, de façon sans doute plus inattendue, si ces actions relevaient bien de la sphère sportive au sens traditionnel…

Publiques, les politiques sportives le sont par la nature même des acteurs qui les mènent. Gilles Vieille-Marchiset, professeur de sociologie à l'université de Strasbourg, a rappelé que si "souvent le sport se qualifie d'apolitique, depuis longtemps, à l'échelon local, il a été utilisé, voire instrumentalisé". L'engagement associatif sportif a parfois constitué un marchepied vers des responsabilités politiques. Dans un autre ordre d'idées, le mouvement sportif et la politique locale ont toujours eu un lien très fort, et ce d'autant plus que l'on avait affaire à de grands clubs, solidement implantés sur leur territoire.

Pourtant, aujourd'hui, ce couple fort est remis en question par de nouveaux acteurs. Depuis une vingtaine d'années, le mouvement sportif auto-organisé, non affilié à un club et a fortiori à une fédération, a pris de l'importance, notamment autour de la question des équipements sportifs en libre accès. L'écosystème s'est complexifié et, paradoxalement, a fait apparaître un sport de l'entre-soi où chacun avance ses propres revendications.

"Pandémie de sédentarité"

Plus récemment, ce sont les acteurs du sport-santé et ceux de l'insertion sociale qui ont fait leur apparition dans les politiques sportives locales. De nouvelles missions ont bien été assignés au sport. Et les questions d'éthique et de développement durable pointent déjà le bout de leur nez. Au point que Gilles Vieille-Marchiset se demande si l'appellation de "service des sports" chère aux collectivités est toujours pertinente… et le chercheur de lancer : "C'est le bon moment de réfléchir aux politiques sportives locales de demain."

Ces politiques sportives de demain, le député de la Loire Régis Juanico, membre du conseil d'administration de l'Agence nationale du sport, les a déjà imaginées. Et les axes qu'il a retenus épousent parfaitement les nouvelles tendances : priorité doit être donnée "à l'urgence de santé publique, pour faire face à la pandémie de sédentarité, et à l'urgence climatique".

L'urgence de santé publique s'appuie notamment sur les dernières données alarmantes de l'Onaps (Observatoire national de l'​activité physique et de la sédentarité) faisant état de la perte de 20% des capacités physiques et de 40% des capacités cognitives chez les élèves de CE2, et plus généralement de l'augmentation des situations de surpoids et d'obésité. "Le défi sanitaire est le plus important. Nous allons vers une perte d'espérance de vie en bonne santé", a lancé Régis Juanico.

Pour lui, les politiques en faveur des activités physiques et sportives doivent désormais s'articuler avec tous les milieux : scolaire, universitaire, entreprise, médicosocial, etc. Et passent, à terme, par une prise en charge financière du sport par ordonnance, mais encore par une adaptation de l'environnement par le biais du design actif (1). Les collectivités territoriales ont donc un rôle essentiel à jouer pour favoriser la mobilité active au quotidien en développant la sécurité autour de mode de déplacements comme le vélo, la marche, etc.

Le bassin de vie, la bonne échelle

En termes d'urgence climatique, le député a pointé l'organisation des événements sportifs et estimé que "nous avons besoin d'un modèle tempérant". S'il a évoqué Paris 2024 et les grands événements sportifs internationaux, il a rappelé que 2,5 millions d'événements sportifs locaux et régionaux se déroulaient chaque année en France. À leur intention, il convient donc de réfléchir à des cahiers des charges, de diffuser des bonnes pratiques et de les décliner jusqu'aux clubs à travers l'action, là encore, des collectivités locales. "Il faut aider les collectivités qui ont des plans ambitieux dans ce domaine", a martelé Régis Juanico, avant de synthétiser : "Tout cela fait une politique cohérente."

Si les grandes lignes d'une politique sportive élargie aux questions de santé de d'environnement peuvent se penser au niveau national, leurs déclinaisons locales posent la question de l'échelle de mise en œuvre la plus pertinente. Alain Hamida-Pisal, président d'Asporta (Association sport et agglomération) est venu à Lyon avec une solution : la déclinaison par bassin de vie. À travers l'exemple de la communauté d'agglomération du Grand Dôle, dont il est directeur des sports, il a décrypté la démarche visant à "garantir une vie sportive sur chaque bassin de vie", à savoir l'analyse des éléments indispensables que sont les équipements, les acteurs du sport et l'accompagnement public. Un diagnostic qui vise bien entendu les élus, décisionnaires en matière d'équipements et de subventions, mais aussi les pratiquants, fédérés ou non, car aujourd'hui une bonne gouvernance locale ne peut se faire sans eux.

La démarche du Grand Dôle a offert à Gilles Vieille-Marchiset sa conclusion : "Pour une pratique au quotidien sécurisée, il faut un accès facile. Et c'est à l'échelle d'un bassin de vie qu'on développera de bonnes habitudes."

(1) Le design actif est une approche du développement urbain qui identifie des stratégies reconnues en aménagement du territoire, urbanisme, design urbain et architecture pour soutenir des collectivités en santé, et plus spécifiquement pour favoriser un mode de vie physiquement actif.