Politiques publiques - Les politiques partagées entre l'Etat et les collectivités, "angles morts" de l'évaluation
Un rapport remis à la ministre de la Cohésion des territoires juge que l'évaluation des politiques relevant des compétences communes de l'Etat et des collectivités est délaissée. Ses 21 recommandations se présentent comme autant de solutions concrètes pour corriger le tir.
Les politiques mises en œuvre de concert par l'Etat et les collectivités territoriales sont trop souvent "le parent pauvre" de l'évaluation, constate un rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA), qui a été remis récemment à la ministre en charge de la Cohésion des territoires.
L'évaluation recouvre "les démarches qui ont pour objet d'interroger la pertinence des politiques publiques au regard des besoins identifiés, l'adéquation des moyens mobilisés aux objectifs fixés et leur impact effectif sur le territoire et les usagers", précise ce rapport commandé peu avant le début de la crise sanitaire.
D'après l'IGA, les administrations centrales et les grandes collectivités, qui disposent de moyens parfois conséquents pour mener des travaux en la matière, investissent peu le champ des politiques publiques communes à l'Etat et aux entités publiques locales, qui pourtant n'a cessé de s'élargir ces dernières années.
Pour modifier la donne, les hauts fonctionnaires préconisent la mise en place d'une démarche organisée d'évaluation des politiques partagées, dotée d'un cadre méthodologique. Cela passe, selon eux, par la définition d'un programme national, à laquelle les élus locaux seraient pleinement associés. Le sujet devrait figurer à l'ordre du jour de la conférence nationale des territoires – laquelle, on le sait, sera réactivée à la fin de ce mois.
Observatoire des politiques territoriales
L'IGA recommande par ailleurs d'enrichir les données territoriales qui permettraient de mieux connaître les politiques publiques partagées. Il s'agirait de reprendre les choses en main dans ce domaine : "Suite à la décentralisation, expliquent les auteurs, le système de remontées par les collectivités territoriales des données indispensables au pilotage national des politiques publiques a beaucoup perdu en précision et en exhaustivité". Par exemple, "la connaissance agrégée" du réseau routier géré par les collectivités locales, en particulier les communes et leurs groupements, serait très incomplète.
L'observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) aurait la mission de redresser la barre. Transformée en "observatoire des politiques territoriales" doté de moyens renforcés, la petite structure créée en 2016 auprès du comité des finances locales serait aussi chargée de coordonner l'élaboration d'un "référentiel national d'évaluation des politiques partagées".
Le dispositif serait décliné dans chaque région. Les élus locaux membres de la conférence territoriale de l'action publique (CTAP) et le préfet auraient ainsi à définir un "programme territorial" et "une charte de l'évaluation partagée".
Des évaluations prises en compte dans les décisions
L'IGA recommande une forte implication des collectivités "dans le suivi, voire la mise en œuvre des évaluations" qui seraient menées de manière partenariale, dans le champ des politiques partagées. A l'échelon national, les travaux seraient ainsi conduits, à chaque fois que possible, par les inspections générales de l'Etat et le concours de représentants des collectivités. Toujours côté méthode, les hauts fonctionnaires conseillent d'associer les citoyens au processus d'évaluation et de rendre public le rapport auquel il aboutit. En outre, afin que les évaluations ne restent pas lettre morte, ils préconisent de "mieux caler" leur calendrier sur celui de la décision politique. Il faut, insistent-ils, "inscrire les résultats de l'évaluation dans le processus de décision".
Les auteurs appellent par ailleurs à mutualiser les moyens d'expertise en matière d'évaluation entre les collectivités d'un même territoire qui le souhaiteraient. Ces synergies bénéficieraient aux collectivités de petite taille. Il est aussi préconisé d'utiliser davantage les ressources dont disposent les acteurs locaux, tels les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser) et les universités.
L'IGA prône globalement un renforcement de la place de l'évaluation dans la conduite des politiques publiques. Parmi les priorités qu'elle pointe, figure la nécessité d'évaluer les nombreux contrats de territoire signés par l'Etat et les collectivités territoriales. On relèvera également, à l'heure où le gouvernement entend faciliter les expérimentations, la proposition de rendre systématique l'évaluation de celles-ci. Cette étape serait obligatoire – ce qu'elle n'est pas toujours, actuellement, dans les faits – et jouerait un rôle décisif dans la décision d'abandonner une expérimentation ou de la pérenniser.