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Les personnes âgées contribuent de plus en plus à leur protection sociale

"Protection sociale : qui paie le coût du vieillissement de la population ?" La question est posée par une étude originale de France Stratégie qui montre la très forte progression, entre 1979 et 2009, de la contribution des personnes âgées au financement de leur protection. Le taux d'effort pour le financement de la protection sociale est en effet passé de 12 à 26% pour les 60-79 ans et de 7 à 23% pour les plus de 80 ans, alors qu'il n'a progressé que de 4 ou 5 points pour les 20-39 ans.

Dans une étude quelque peu iconoclaste mais passionnante, France Stratégie pose la question suivante : "Protection sociale : qui paie le coût du vieillissement de la population ?". La question est d'actualité car elle intervient alors que la crise sanitaire a favorisé l'apparition d'un antagonisme, ou du moins sa mise en scène, entre "les jeunes" et "les vieux", incitant les pouvoirs publics et les collectivités à réagir (voir notre article du 5 octobre 2021). Selon une petite musique qui instille un peu plus chaque jour, les jeunes auraient été sacrifiés durant la crise sanitaire au profit des personnes âgées et la jeunesse d'aujourd'hui devrait se serrer la ceinture au profit des "nantis" du Baby Boom qui arrivent à l'âge de la retraite et bientôt à celui de la perte d'autonomie.

Une étude qui démonte les images toutes faites

L'étude de France Stratégie est iconoclaste en ce qu'elle met à bas cette image toute faite. Elle rejoint d'ailleurs les conclusions d'une précédente étude de l'organisme, remontant à 2016 et qui s'intitulait "Les jeunes sont-ils sacrifiés par la protection sociale ?". Bien sûr, les plus de 60 ans représentent aujourd'hui les trois quarts des dépenses de protection sociale (santé et retraite). Si on additionne toutes les dépenses sociales (santé, maternité, famille, logement, chômage, insertion, prime d'activité, retraite, vieillesse, APA, handicap...), un individu de 30 ans "reçoit" environ 5.000 euros de prestations annuelles, quand une personne de 90 ans en "perçoit" environ 33.000. Bien sûr également, les jeunes connaissent davantage de difficultés pour s'installer dans la vie active que n'en a connues la génération du Baby Boom.

Mais de nombreux chiffres infirment, ou à tout le moins nuancent, cette vision simpliste. Pour étayer sa démonstration, qui prend en compte la période 1979-2019, France Stratégie s'appuie notamment sur les comptes de transferts nationaux (CTN), qui "permettent de décomposer l'évolution des dépenses dont bénéficie un groupe d'âge en un facteur démographique, lié au poids de ce groupe dans la population, et un facteur 'politique', lié au choix du niveau moyen de dépense par tête à âge donné".

Depuis dix ans, stabilisation des dépenses et hausse de la contribution des seniors

L'étude met en évidence que "si les plus de 60 ans restent bénéficiaires nets de la protection sociale, les transferts qu'ils reçoivent en moyenne individuellement, nets de leurs contributions à son financement, ont diminué significativement au cours de la dernière décennie. Cela a permis, en retour, de limiter pour les actifs la hausse des coûts associés au vieillissement de la population". Par exemple, les transferts nets moyens de protection sociale rapportés au PIB par tête pour les 60-79 ans sont passés de 62% en 1979 à 43% en 2019. Ce transfert net correspond à ce qu'un individu reçoit de la protection sociale moins ce qu'il paie pour la financer. Ce taux de 43% pour les 60-79 ans est très proche du taux moyen pour l'ensemble de la population, soit 47% du PIB par tête. Il est en revanche plus élevé – vieillissement et dépendance obligent – pour les plus de 80 ans (environ 70% en 2019), mais on observe également une tendance à la baisse depuis une dizaine d'années.

Plusieurs éléments expliquent cette évolution. C'est le cas de la relative stabilisation des dépenses de protection sociale sur la dernière décennie (autour de 31-32% du PIB, alors qu'elles étaient passées de 15% du PIB au début des années 1960 à près de 32% au début des années 2010). Mais c'est aussi la conséquence d'une plus grande contribution des personnes âgées au financement de la protection sociale. Ceci s'explique notamment par la généralisation de la CSG et son relèvement en 2018. Même si la majeure partie du financement de la protection sociale (y compris les cotisations de l'employeur) repose sur les 20-39 ans (environ 14.300 euros par an) et les 40-59 ans en pleine maturité professionnelle (près de 20.000 euros par an), la contribution des 60-79 ans s'est accrue (8.000 euros), de même que celle des 80 ans et plus (5.000 euros).

Une taux d'effort qui progresse beaucoup plus vite chez les seniors

Alors que la contribution moyenne au financement de la protection sociale rapportée au PIB par tête s'est stabilisée depuis dix ans, voire décline très légèrement, elle est passée de 10% en 1979 à 21% en 2019 chez les 60-79 ans et de 5% à 14% chez les 80 ans et plus. À noter : pour la "génération sacrifiée" des 20-39 ans, la contribution moyenne au financement de la protection sociale rapportée au PIB par tête est passée, à l'inverse, de 42% en 1979 à 40% en 2019.

Enfin, et même si l'étude apporte de nombreuses autres informations, on retiendra un dernier élément significatif : l'évolution du taux d'effort pour le financement de la protection sociale, autrement dit la part des revenus (du travail, du capital, des revenus de substitution, des transferts publics...) prélevée pour financer la protection sociale. Sur la période 1979-2019, ce taux d'effort est passé de 33% à 38% pour les 20-39 ans (+5 points) – pour une protection sociale qui s'est par ailleurs améliorée depuis 40 ans – et de 29% à 37% chez les 40-59 ans (+8 points). Mais, dans le même temps, ce taux d'effort est passé de 12 à 27% pour les 60-79 ans (+15 points) et de 7% à 23% chez les 80 ans et plus (+16 points) avec, dans le deux cas, une nette accélération depuis 10 ans.

Autant de données et de chiffres qui tranchent avec les idées reçues, mais qui cachent également une bonne nouvelle : si les plus de 60 ans contribuent davantage au financement d'une protection sociale dont ils sont les principaux bénéficiaires, c'est aussi parce que leurs revenus ont progressé. Les revenus moyens d'un retraité de 2019 n'ont en effet plus grand-chose à voir avec ceux d'un retraité de 1979.

 

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