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Sports - Les patinoires souhaitent glisser vers un nouveau modèle économique

L'été et ses plages bondées. L'été et ses piscines débordantes de nageurs. Et si l'été était la saison idéale pour réfléchir à l'avenir… des patinoires françaises, la tête froide ? L'actualité de ces derniers mois - de l'adoption du règlement fédéral commun aux deux fédérations sportives concernées (patinage et hockey) au changement de format de la Ligue Magnus (première division de hockey) en passant par les travaux des dernières Rencontres nationales des patinoires - nous y invite. Et cela alors que les gestionnaires de patinoires militent désormais ouvertement pour un nouveau modèle économique.
Avant d'envisager un tel changement, Chris Dupoux, président du Syndicat national des patinoires (SNP) et directeur des grands équipements de Grenoble-Alpes Métropole, dresse un portrait des patinoires françaises : "Le parc d'équipements n'est pas très vaste, entre 120 et 140 sites, mais il a une caractéristique : il est aux deux tiers ancien et majoritairement composé d'équipements publics." 13% des patinoires françaises ont ainsi été construites avant 1970, 32% datent de la décennie 1971-1980 et 20% sont sorties de terre entre 1981 et 1990. Tandis que la propriété publique des patinoires s'élève à 95% des équipements.

Déséquilibres géographiques

Le parc des patinoires est également "restreint" géographiquement, pointe Chris Dupoux : "Sa répartition géographique n'est pas uniforme, loin s'en faut. C'est un équipement à la fois montagnard, alpin, et urbain." Sans surprise, Auvergne-Rhône-Alpes totalise 46 équipements, tandis que Provence-Alpes-Côte- 'Azur et Ile-de-France en comptent 22 et l'Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne 16. A l'opposé, la Bretagne ne possède que cinq patinoires, les Pays de la Loire huit et l'Aquitaine-Poitou-Charente-Limousin neuf. Côté géographie toujours, 77% des patinoires sont implantées en zones urbaines (hors région parisienne) et 17% dans une station touristique. Seuls 21% des équipements sont implantés dans des zones de moins de 30.000 habitants.
A ces déséquilibres géographiques, Chris Dupoux avance des explications : "Les patinoires restent des projets d'initiative locale, à la différence de grands plans en faveur des piscines, par exemple. Le patinage ne bénéficie pas du levier réglementaire de la natation, avec le savoir-nager qui est une obligation notamment au collège, et n'a pas la même place dans le paysage éducatif."

Des équipements monopolisés par les clubs

Pour le président du SNP, il existe donc "un écosystème restreint autour des patinoires, mais un écosystème tout de même" : "La patinoire n'est pas un équipement anecdotique. Il existe un vrai poids économique, avec un nombre d'utilisateurs et de visiteurs d'environ 10 millions par an, ce qui n'est pas neutre." En termes économiques, encore, le responsable met en avant des coûts de construction abordables : "Aujourd'hui, il est possible de construire une patinoire pour moins de dix millions d'euros, même si, pour une patinoire double piste avec une capacité d'accueil pour les spectateurs, on est difficilement en dessous de 20-25 millions." Surtout, Chris Dupoux note que "les technologies ont évolué et les patinoires ne sont plus les équipements énergivores qu'on a eu l'habitude de décrire, bien moins que les piscines en tout cas".
Malgré ces coûts abordables et une vraie mission d'intérêt général de développement du sport, notamment dans les quartiers de la politique de la ville, on ne construit pas de patinoire chaque année en France. "Il n'y a pas de modèle économique", tranche Chris Dupoux. Au centre des interrogations des gestionnaires de patinoires se trouve donc la question de l'attractivité d'un secteur "difficile à soutenir parce que les occupants ne contribuent pas assez", explique le directeur des grands équipements de l'agglomération grenobloise. En termes d'utilisateurs, les clubs (hockey sur glace, patinage artistique, etc.) monopolisent ainsi en moyenne 50% des heures d'ouverture des patinoires, contre 33% pour le grand public et 17% pour les scolaires. En région parisienne, le temps d'utilisation des clubs monte même à 61%.

Appel à contribution

Or, les recettes globales des patinoires dépendent pour les deux tiers du grand public, tandis que les clubs ne contribuent qu'à hauteur de 10% des rentrées. Si l'on ajoute que l'ensemble des recettes ne couvrent que la moitié des charges, on comprend pourquoi le SNP en vient à imaginer un nouveau modèle économique…
Pour réduire la facture, les dernières Rencontres nationales des patinoires ont mis en avant, d'une part, la hausse des créneaux d'ouverture au grand public, qui génère le plus de recettes, d'autre part, la facturation d'une redevance aux clubs amateurs ou professionnels. Un point qui constituerait, pour les amateurs, une véritable révolution culturelle, mais que Chris Dupoux défend : "La question est de savoir qui supporte les coûts. Si le club ne paie pas, ce sera le contribuable. Dans le modèle du sport à la française, les mairies mettent les équipements gratuitement à disposition des clubs. Désormais, ce modèle est bousculé par un certain nombre d'exemples où il y a un appel à contribution à l'occupation. Cela ne signifie pas payer le coût réel, mais cela implique une responsabilisation."
Bien entendu, une réforme des conditions de mise à disposition des patinoires devrait tenir compte du type d'activité des clubs : intérêt général ou activités marchandes. "La privatisation de l'usage des équipements pose problème", déclare Chris Dupoux, avant de conclure : "Il faut s'interroger sur les capacités contributives et tenir compte du coût d'usage. Quand un producteur de spectacle loue un Zénith, il paie un loyer. Je n'ai pas de religion en disant qu'il faut faire payer tout le monde. Mais se réfugier derrière de fausses pudeurs, c'est, je le répète, faire assumer la charge à la collectivité et au contribuable."