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Les maires veulent être au centre du jeu

Lors d'une conférence de presse qu'elle a tenue ce 24 novembre, l'Association des maires de France a souhaité que le gouvernement associe davantage les édiles locaux à ses décisions et politiques, dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, mais pas seulement. Les maires vont notamment proposer leur participation pour la mise en place de la vaccination de la population contre le coronavirus. Déplorant la "recentralisation sans précédent" à l'oeuvre depuis trois ans, les élus ont appelé à lui tourner le dos en engageant une réforme "audacieuse" de la répartition des pouvoirs.

Les responsables de l'Association des maires de France (AMF) ont appelé ce 24 novembre le chef de l'Etat et le gouvernement à associer davantage les maires aux décisions publiques et à leur mise en œuvre, notamment s'agissant du déconfinement, de la relance de l'économie, ou encore de l'organisation de la campagne de vaccination à venir. Ils ont souligné que leur proximité à l'égard des Français et leur connaissance du terrain sont des atouts indispensables pour la réussite des politiques publiques.
C'est lors d'une conférence de presse exceptionnelle que le trio installé à la tête de la puissante association a défendu la voix des maires et présidents d'intercommunalité. Par le passé, à cette époque, le rideau se levait pour les trois journées du congrès annuel de l'AMF, à la porte de Versailles à Paris. Mais cette année, l'événement a été annulé, crise sanitaire oblige.
De la situation sanitaire, il a été bien sûr beaucoup question. Alors que le président de la République devait dévoiler dans la soirée les premiers assouplissements du déconfinement, l'AMF a regretté une nouvelle fois que le second confinement n'ait pas été davantage organisé en collaboration avec les maires. L'association avait "alerté" l'Etat sur "le sentiment d'iniquité" occasionné par la décision unilatérale de fermer tous les commerces non-essentiels. "Il faut corriger cela", a répété François Baroin. "Dans une discussion" entre le préfet et le maire, de manière "coordonnée" et "intelligente", il peut être décidé par exemple d'une réouverture des commerces "dans certaines rues", a-t-il déclaré. En estimant que "tout ne peut être réouvert en même temps". "Secteur par secteur, type de commerce par type de commerce, le maire est en mesure de dire "ce qui peut être fait localement, en respectant bien entendu les principes essentiels de précaution sanitaire", a confirmé le premier vice-président délégué de l'AMF, André Laignel. Alors que l'Etat prend des décisions "à portée générale" relevant d'un "esprit de système", les maires incarnent "l'esprit de finesse", a-t-il fait remarquer. Une belle complémentarité qui mériterait de s'illustrer sur bon nombre de sujets de la vie locale, donc bien au-delà de la question du déconfinement, a estimé le maire d'Issoundun.

Organiser la vaccination avec les maires

C'est sur l'organisation de la vaccination des Français contre le coronavirus que le concours des communes pourrait s'avérer précieux au cours du premier semestre 2021, a embrayé le président de l'AMF. "L'Etat n'est pas en situation, sur la base de ses locaux, de mener une campagne de vaccination sans les communes", a-t-il pronostiqué. "Sans les maires, ce rendez-vous là sera un échec." Ce diagnostic, l'AMF va le porter à la connaissance du gouvernement et du président de la République. L'association demandera à "être un des acteurs de l'organisation" de la campagne de vaccination. Pour l'heure, le ministère de la Santé "travaille tout seul" à ce chantier, a-t-il dit. Finalement, c'est un courrier signé à la fois de l'AMF, l'Assemblée des départements de France et Régions de France qui a été adressé dès ce 24 novembre à Olivier Véran pour proposer que les collectivités soient le "QG opérationnel" de la vaccination.
L'AMF sera-t-elle écoutée ? Pas sûr. "Sur les grandes décisions qui touchent à la vie quotidienne des Français, nous constatons que nous sommes impuissants pour obtenir un dialogue", a déploré le président de l'AMF. "Ça s'est dégradé à la fin de l'été", pointe-t-il. Mais davantage qu'être écoutée, l'AMF demande à être entendue. L'exécutif national y aurait tout intérêt souligne-t-elle, car les maires ont souvent mis le doigt très tôt sur des problèmes. Cela fait par exemple déjà trois ans que l'AMF "alerte" sur le risque de baisse de production de logements, du fait de la politique menée par le gouvernement dans ce domaine, a rappelé François Baroin. Or, ce risque serait en train de se réaliser.

Préserver l'autofinancement du bloc communal

L'AMF a aussi lancé un véritable cri d'alarme sur la relance économique. Si l'autofinancement - c'est-à-dire les recettes de fonctionnement qui restent après le paiement des charges - n'est pas sanctuarisé, les collectivités n'auront pas les moyens de participer au plan voulu par l'exécutif. A cause de la crise, la ville de Paris, par exemple, accuse une perte de 800 millions d'euros. Sa maire, Anne Hidalgo, qui était présente à la conférence de presse, a expliqué que la collectivité a donc "puisé dans son épargne brute". A l'échelle nationale, la perte financière des collectivités, estimée à 6 milliards d'euros, conduirait à une baisse de la capacité d'autofinancement brute de 20%, selon les chiffres avancés par André Laignel. En face, le soutien de l'Etat pour le bloc communal ne s'élève qu'à 630 millions d'euros (230 millions d'euros du "filet de sécurité" et 400 millions d'euros de crédits de la dotation de soutien à l'investissement local, sur le milliard promis par l'Etat), a calculé le président du comité des finances locales.
En outre, en prenant la décision de ne pas compenser pour l'heure les pertes de recettes que le bloc communal enregistrera en 2021, le gouvernement prend le risque que les maires n'aient pas beaucoup de visibilité sur l'avenir, a estimé Philippe Laurent, président de la commission finances de l'AMF. Il s'agit là pourtant d'un facteur déterminant dans les décisions d'investissement. Dans ces conditions, le maire de Sceaux assure que ses collègues seront nombreux à renoncer à la réalisation de projets d'équipements dans les années à venir.

Défense de la laïcité : les maires s'estiment "stigmatisés"

D'autant que les impôts locaux subissent "une nationalisation à marche forcée", a critiqué André Laignel. Celui-ci proteste aussi contre un Etat qui décide des priorités des dotations destinées à soutenir l'investissement du bloc communal. Ce sont des évolutions qui, avec les contrats de maîtrise des dépenses – auxquels il a été mis fin à cause de la crise – illustrent "le retour des tutelles mettant les collectivités dans une dépendance presque totale vis-à-vis de l'Etat". La libre administration des collectivités "est devenue un fantôme", a soutenu le premier vice-président délégué de l'AMF. Certes, le gouvernement prépare le projet de loi 3 D (décentralisation, déconcentration, différenciation). Mais plus qu'une réforme technique, il faudrait "un projet de société" qui "rapproche le pouvoir du citoyen", a-t-il dit. François Baroin a de son côté estimé que la loi de décentralisation est l'occasion d'"acter l'impasse dans laquelle l'Etat se trouve aujourd'hui" et de "réorganiser les pouvoirs publics" pour "plus d'efficacité".
André Laignel s'en est également pris à l'avant-projet de loi "confortant les principes républicains". Plus exactement à son article 2 qui entend permettre au préfet de se substituer à une collectivité lorsqu'une décision de son responsable est de nature à "porter gravement atteinte au principe de neutralité des services publics" (voir notre article du 18 novembre 2020). On "instille le soupçon" à l'égard des maires, alors que ce sont eux qui portent au quotidien le vivre-ensemble, les principes républicains et (…) la laïcité", a-t-il tempêté.
Au total, l'AMF partage avec le gouvernement "des désaccords profonds", comme l'a formulé François Baroin. Qui a toutefois mis en avant "la main tendue" des maires.