Précarité - Les Français de plus en plus inégaux face aux dépenses énergétiques
Dans sa dernière lettre d'information "Stratégie et études", l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) constate un accroissement important des inégalités des ménages en matière de dépenses énergétiques. "La part des dépenses d'énergie dans le budget des ménages varie de façon importante selon leur lieu de résidence et leur revenu" et "ces disparités ont beaucoup augmenté sous l'effet de la croissance du prix des combustibles fossiles au cours des cinq dernières années", affirme l'Agence. Les prix des combustibles fossiles ont crû de 3% par an en euros constants depuis 1995 et "il est envisageable de voir cette tendance se prolonger jusqu'en 2020", voire "d'observer une croissance exponentielle au-delà de cette date", selon l'Ademe.
Globalement, la part des dépenses d'énergie dans le revenu des ménages les plus pauvres est passée de 10 à 15% entre 2001 et 2006, tandis que cette part a diminué dans le revenu de la population la plus aisée, selon l'Ademe. La part des dépenses énergétiques des 20% de ménages les plus pauvres est 2,5 fois plus élevée que celle des 20% de ménages les plus riches, rappelle l'Agence, en citant une enquête 2006 de l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques). Les dépenses en combustibles fossiles des plus aisés représentent moins de 4% de leur revenu total alors que les ménages les plus défavorisés consacrent presque 9% de leur revenu total à l'achat de gaz et de produits pétroliers. De même, les dépenses en électricité des ménages à fort pouvoir d'achat représentent seulement 2% de leur revenu contre 6% pour les plus pauvres.
Trois facteurs expliquent cette hausse des inégalités, selon l'Ademe. Tout d'abord, le revenu de la population la plus aisée a augmenté plus vite que le prix des combustibles. Ensuite, les ménages les plus fragiles occupent souvent les logements les plus dégradés et les moins performants sur le plan énergétique. Enfin, du fait du coût de l'immobilier en centre-ville, beaucoup de familles modestes sont contraintes de se loger dans des zones très excentrées et se trouvent dans une situation de totale dépendance à la voiture pour leurs déplacements.
Aux inégalités liées aux revenus s'ajoutent donc celles tenant au lieu de résidence, la part des dépenses énergétiques dans le budget d'un citadin restant inférieure de près d'un quart à celle d'un habitant de territoire rural. Un Parisien, qui dispose d'un réseau de transport en commun très dense et qui vit en habitation collective, a une facture énergétique inférieure de 44% à celle d'un habitant d'une commune rurale. Selon l'Ademe, "la part des achats de combustibles fossiles dans le revenu des ménages peut être multipliée par six entre un riche citadin et un rural pauvre".
"Seuls les ménages qui réaliseront de substantiels investissements de maîtrise de l'énergie à la maison, qui choisiront des modes de déplacement et des véhicules performants échapperont à une hausse très sensible du poids de leur facture énergétique", conclut l'Agence. Alors que les ménages à faible revenu sont les plus durement touchés par la hausse inexorable des coûts, elle recommande d'"accentuer les mesures ciblées sur la précarité énergétique dans les politiques publiques de maîtrise de l'énergie et de lutte contre l'effet de serre".
Anne Lenormand