Les engins de déplacement personnel entrent dans le code de la route
Particulièrement attendu, le décret réglementant les engins de déplacement personnel a été publié au Journal officiel ce 25 octobre. Il entre pour l’essentiel en vigueur immédiatement. L’usage de ces engins, notamment via des services de free-floating, fait également l’objet de mesures dans le cadre de la loi LOM, qui sera à nouveau examinée en séance par le Sénat le 5 novembre prochain.
Annoncé il y tout juste un an (lire notre article), le décret réglementant l’usage des engins de déplacement personnel (EDP) vient enfin d’être publié. C’est peu de dire qu’il était attendu, tant le développement exponentiel de ces engins est source d’insécurité – les accidents se multiplient – et de difficultés pour les collectivités, qui tentent tant bien que mal de réglementer leur usage. Un exemple particulièrement aigu est celui de la ville de Paris, qui après avoir adopté en novembre 2018 "7 mesures visant à éviter une occupation chaotique des rues et des trottoirs", a annoncé en mars dernier sa volonté d’instituer une redevance pour les opérateurs d’engins en free-floating ou, plus récemment encore, d’encadrer davantage ce service , en limitant en outre le nombre d’opérateurs, comme à Marseille . En mars dernier, la maire de Paris avait d’ailleurs écrit au Premier ministre afin de "lui signifier l’urgence de trouver un nouveau cadre législatif et réglementaire".
Pour le cadre réglementaire, c’est donc chose faite puisque le décret entre pour l’essentiel en vigueur ce 26 octobre, à l’exception de quelques dispositions relatives aux caractéristiques de ces engins. Si le texte traite à la fois des engins motorisés (trottinettes électriques, monoroues, gyropodes ou autres hoverboards) et non motorisés (trottinettes, rollers, skate-boards…), les dispositions relatives aux seconds sont assez sommaires. À commencer par leur définition – "un véhicule de petite dimension sans moteur" (code de la route, art. R. 311-1, 6.16 nouveau) – qui, seule, pourrait prêter à confusion. Le cycle, par exemple, pourrait répondre à la définition ; mais il est par ailleurs précisé à la rubrique 6.10 du même article.
Logiquement, c’est bien l’engin motorisé qui concentre l’attention et l’essentiel des dispositions.
EDP motorisés : des caractéristiques précises
L’engin de déplacement personnel motorisé est défini comme un "véhicule sans place assise, conçu et construit pour le déplacement d'une seule personne et dépourvu de tout aménagement destiné au transport de marchandises, équipé d'un moteur non thermique ou d'une assistance non thermique et dont la vitesse maximale par construction est supérieure à 6 km/h et ne dépasse pas 25 km/h. Il peut comporter des accessoires, comme un panier ou une sacoche de petite taille", l’article disposant toutefois qu'"un gyropode, tel que défini au paragraphe 71 de l'article 3 du règlement (UE) n°168/2013 […], peut être équipé d'une selle" et que "les engins exclusivement destinés aux personnes à mobilité réduite sont exclus de cette catégorie" (C. route, art. R. 311-1, 6.15 nouveau).
À compter du 1er juillet 2020, sa largeur ne devra pas excéder 0,90 m et sa longueur 1,35 m. Il devra en outre être muni d'un dispositif de freinage "efficace" (dont les caractéristiques seront fixées par arrêté à paraître) ainsi que de feux de position avant et arrière (qui devront être utilisés la nuit, ou le jour lorsque la visibilité est insuffisante), d'un ou plusieurs catadioptres arrière, de catadioptres orange visibles latéralement, d'un catadioptre blanc visible de l'avant et d'un avertisseur sonore constitué par un timbre ou un grelot dont le son peut être entendu à 50 mètres au moins (dont l’utilisation risque d’être malaisée sur les monoroues ou gyropodes…).
Ne nécessitant pas la délivrance d’un certificat d’immatriculation, il n’a pas besoin d’être équipé de plaque d’immatriculation – ce qu’avait d’ailleurs déploré le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN, 9 mai 2019, délib. n°19-05-09-01979). Ni, par ailleurs, de dispositif antivol. En revanche, il devra être assuré, aucune dérogation n’étant prévue en la matière par le texte.
Son conducteur doit être âgé d’au moins douze ans (une autorisation dès huit ans avait été un temps envisagée) et être seul sur l’engin. La nuit, ou le jour lorsque la visibilité est insuffisante, il doit porter un gilet de haute visibilité ou un équipement rétro-réfléchissant et peut en outre porter un dispositif d'éclairage complémentaire non éblouissant et non clignotant. Sauf exception, le port du casque n’est pas obligatoire mais "fortement recommandé" par les ministères de l’Intérieur et de la Transition écologique.
Des conditions de circulation aménageables localement
En agglomération, ces engins devront circuler sur les bandes ou pistes cyclables (sur les trottoirs, ils devront être conduits à la main). En l'absence de ces dernières, ils pourront également circuler :
- sur les routes dont la vitesse maximale autorisée est inférieure ou égale à 50 km/h, et jamais de front sur la chaussée ;
- sur les aires piétonnes, à la condition de conserver l'allure du pas et de ne pas occasionner de gêne aux piétons, et sur les accotements équipés d'un revêtement routier.
Hors agglomération, leur circulation est autorisée uniquement sur les voies vertes et les pistes cyclables.
Le décret offre par ailleurs aux autorités locales la possibilité d’adapter certaine dispositions – marges de manœuvre qui avaient d’ailleurs été saluées par le CNEN. Ainsi, l'autorité investie du pouvoir de police de la circulation peut, par décision motivée, interdire la circulation des engins sur certaines sections, eu égard aux nécessités de sécurité et de circulation routières, de fluidité et de commodité de passage ou, au contraire, l’autoriser sur le trottoir, à condition qu'ils respectent l'allure du pas et n'occasionnent pas de gêne pour les piétons, ou encore sur les routes dont la vitesse maximale autorisée est inférieure ou égale à 80 km/h, sous réserve que l'état et le profil de la chaussée ainsi que les conditions de trafic le permettent. Dans ce dernier cas, le conducteur devra toutefois être coiffé d’un casque conforme, porter un gilet de haute visibilité ou un équipement rétro-réfléchissant, et devra aussi porter sur lui un dispositif d'éclairage complémentaire non éblouissant et non clignotant et circuler, de jour comme de nuit, avec les feux de position de son engin allumés.
À noter également que le conducteur ne pourra ni pousser ou tracter une charge ou un véhicule, ni se faire remorquer. Comme pour les vélos, pour l’ensemble des EDP, il est dans tous les cas interdit de conduire sous l’influence de l’alcool ou après usage de stupéfiants, d’utiliser le téléphone tenu en main ou porter à l'oreille des écouteurs ou tout appareil susceptible d’émettre du son. Enfin, leur stationnement sera possible sur les trottoirs, en double-file et dans les aires piétonnes.
Sanctions
L’absence des éléments de signalisation (feu, catadioptre, avertisseur sonore) et de freinage est puni d’une amende forfaitaire de 1re classe (11 euros) ; le non-respect des règles de circulation (ou transport de passager) d’une amende forfaitaire de 2e classe (35 euros), la circulation sur un trottoir ou le fait de disposer d’un dispositif lui permettant de dépasser les 25 km/h est puni d’une amende forfaitaire de 4e classe (135 euros) et celui de circuler au-dessus de cette limite est puni d’une amende de 5e classe (1.500 euros). Dans ces deux derniers cas, l’immobilisation, la mise en fourrière ou la confiscation sont également possibles.
S’agissant du cadre législatif, rappelons que le projet de loi LOM, qui doit à nouveau être examiné par le Sénat en séance publique le 5 novembre prochain, contient en l’état plusieurs dispositions relatives à ces engins, notamment dans le cadre de services de free-floating. Elle dispose également la possibilité pour le maire, "par arrêté motivé, de fixer des règles dérogatoires à celles prévues par le code de la route pour la circulation des engins de déplacement personnel sur tout ou partie des voies sur lesquelles il exerce son pouvoir de police ainsi que sur leurs dépendances".
Référence : décret n° 2019-1082 du 23 octobre 2019 relatif à la réglementation des engins de déplacement personnel, JO n°0249 du 25 octobre 2019, texte n° 19 |