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Les enfants doivent être assis dans les transports qui leur sont destinés, y compris sur une ligne de bus ouverte à tous

Un arrêt de la cour d'appel administrative de Bordeaux oblige les autorités organisatrices de la mobilité de mettre à disposition des enfants des places assises dans les véhicules de transport qui leur sont principalement destinés. Cela est notamment valable pour les lignes urbaines régulières et ouvertes à tous les usagers.

Oui, les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) ont bien l'obligation de mettre à disposition des places assises dans les véhicules des lignes de "transport en commun d'enfants", y compris si ceux-ci font partie du réseau de transports réguliers et ouverts à tous. La cour administrative d'appel de Bordeaux a tranché la question dans un arrêt publié le 7 avril 2022.

L'affaire débute à la rentrée 2017, quand la communauté d'agglomération de Rochefort Océan (Caro) récupère la compétence en matière de transports scolaires et remplace les cars de ramassage par un service de bus ouverts à tous. Un parent d’élève mineur demande alors à la Caro d'appliquer la réglementation concernant le transport en commun d'enfants afin que ces derniers ne soient pas transportés debout sur la ligne I du réseau de transport urbain. En l'occurrence, l'article R. 411-23-2 du code de la route dispose que "dans les véhicules de transport en commun d'enfants, les enfants sont transportés assis". Le transport debout des enfants n'étant autorisé que "dans une situation imprévue, de façon limitée et à titre exceptionnel".

"Ligne régulière et ordinaire"

Par un courrier du 27 octobre 2017, confirmé par une décision du 9 mars 2018, le président de la Caro refuse de faire droit à cette demande. Saisi par le parent d'élève, le tribunal administratif de Poitiers, par un jugement du 23 mai 2019, annule la décision du président de la communauté d'agglomération et enjoint à ce dernier de modifier le cahier des charges techniques de la délégation de service public portant sur le réseau urbain afin d'y prévoir le recours à des véhicules permettant le transport assis des mineurs utilisant la ligne I.

La communauté d'agglomération fait alors appel de ce jugement. Son principal argument met en avant le fait que la ligne I du réseau urbain constitue une ligne régulière ordinaire et que, partant, elle ne peut être regardée comme assurant le transport en commun d'enfants au sens de l'article R. 411-23-2 du Code de la route. Pour la cour administrative d'appel de Bordeaux, toute la question était donc de savoir si les véhicules transportant les élèves dans le cadre du réseau de transport urbain avaient ou non le caractère de transport en commun d'enfants.

Ligne scolaire "à titre principal"

La cour va raisonner en trois temps. Tout d'abord, en rappelant les dispositions de l'article R. 3111-5 du code des transports : "Les transports scolaires sont des services publics réguliers de transports routiers créés pour assurer principalement à l'intention des élèves la desserte des établissements d'enseignement." Ensuite, en arguant que si la communauté d'agglomération "n'a pas organisé un service spécial de ramassage scolaire et s'est bornée à passer une convention de délégation de service public avec une entreprise privée en vue d'assurer la desserte des établissements d'enseignement, elle n'était pas pour autant exonérée de l'obligation qui lui incombe de prendre les mesures nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de ce service public, notamment en ce qui concerne la sécurité des élèves". Enfin, et surtout, en s'appuyant sur la définition issue de l'arrêté du 2 juillet 1982 relatif aux transports en commun de personnes : "Par transport en commun d'enfants, on entend le transport en commun de personnes […] organisé à titre principal pour des personnes de moins de dix-huit ans, quel que soit le motif du déplacement."

La cour va ensuite confronter ces points de droit aux circonstances de l'espèce. Elle relève ainsi que, selon les pièces du dossier, et notamment le contrat de délégation de service public et les documents d'information à destination des usagers, la ligne I du réseau urbain dessert quatre établissements d'enseignement et ne fonctionne qu'en semaine et hors périodes de vacances scolaires. De plus, elle est qualifiée de "ligne scolaire" par l'autorité organisatrice des transports elle-même. Pour la cour, cette ligne "revêt donc le caractère d'une ligne de transport en commun d'enfants".

Quant à la circonstance, invoquée par l'agglomération, que cette ligne est accessible à l'ensemble des passagers sans distinction, elle est jugée par la cour "sans incidence sur cette qualification dès lors qu'elle est organisée à titre principal pour des personnes de moins de dix-huit ans". "Il en est de même, ajoute-t-elle, du fait que les enfants de moins de douze ans bénéficient de lignes dédiées de ramassage scolaire ou qu'aucun tarif spécifique n'a été mis en place à destination des élèves des établissements scolaires qui se voient appliquer le tarif des jeunes de moins de vingt-six ans." En conséquence, la cour enjoint au président de l'agglomération de modifier les conditions d'organisation de la ligne I du réseau urbain dans un délai de quatre mois.

Vers un "service dégradé" ?

Cet arrêt a été salué par l'Anaatep (Association nationale pour les transports éducatifs de l'enseignement public) qui juge que "cette décision en appel est une très bonne nouvelle car elle va faire jurisprudence". En septembre 2021, sa présidente, Nicole Bonnefoy, sénatrice de la Charente, avait adressé un courrier au ministre des Transports dans lequel elle s'inquiétait "de la généralisation du transport debout d'élèves dans les transports scolaires" et dénonçait la "dérive de certaines AOM de contourner la réglementation en déniant la qualité de services à titre principal scolaires (SATPS) à des services qui le sont manifestement (horaires calés sur ceux des établissements scolaires, services non effectués pendant les vacances scolaires, …)". Elle déplorait enfin le manque de "valeur contraignante" du "Guide pour la sécurité des transports scolaires à l'usage des décideurs locaux" récemment mis à jour.

L'arrêt de la cour d'appel administrative de Bordeaux, lui, devrait s'imposer à tous… à condition que le Conseil d'État, devant lequel la communauté d'agglomération s'est pourvue, n'invalide pas sa décision. Interrogé sur une radio locale, le président la Caro, Hervé Blanché, estime qu'on ne peut pas rester dans "une telle situation". Selon lui, "il y a des enjeux nationaux. Beaucoup de réseaux fonctionnent comme le nôtre, dans de très bonnes conditions. Remettre en cause cette manière de procéder peut entraîner de graves conséquences pour ces réseaux, certains vont peut-être disparaître, et un impact financier non négligeable". Hervé Blanché évoque un coût de 1,2 million d'euros si l'agglomération devait remettre des cars de ramassage sur l'ensemble du réseau. Un investissement qu'il n'est visiblement pas disposé à faire puisqu'il annonce d'ores et déjà "un service dégradé dans quelques mois".