Les élus locaux remontés contre le projet de décret relevant les cotisations retraites
C'est par la voie réglementaire que les cotisations vieillesse des employeurs territoriaux vont être accrues pour limiter le déficit du régime de retraite des fonctionnaires territoriaux, la CNRACL. Saisi du projet de décret, le comité des finances locales (CFL) a voté contre, lors de sa séance du 3 décembre. Les employeurs territoriaux dénoncent "l'augmentation massive de cotisations" prévue pour les quatre prochaines années.
Parmi les mesures budgétaires annoncées en octobre par le gouvernement Barnier, la hausse de 12 points des cotisations vieillesse dues par les employeurs territoriaux pour leurs agents affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) est de loin la plus lourde pour nombre de collectivités. Mais on ne la trouve pas dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, le texte sur lequel le Premier ministre a engagé la responsabilité de son gouvernement et qui pourrait faire tomber ce dernier ce 4 décembre, en cas d'alliance de la gauche et du RN sur le vote d'une motion de censure. Seule une annexe du projet de loi mentionne la hausse des cotisations entre 2025 et 2028. Pour cause : cette dernière doit en fait passer par un projet de décret, qui était au menu d'une séance plénière du comité des finances locales (CFL), ce 3 décembre.
Conformément aux annonces gouvernementales, le projet de texte accroît de trois points chaque année, sur la période 2025-2028, le taux de la cotisation d’assurance vieillesse applicable aux rémunérations versées aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Le taux fixé à 31,65% en 2024 serait ainsi progressivement relevé jusqu'à 43,65% en 2028. Cette trajectoire traduit la prise en compte de la concession faite par le Premier ministre en faveur d'un étalement de la hausse des cotisations sur quatre ans, au lieu de la période de trois ans, retenue au départ.
Une facture de plus de 4 milliards d'euros en 2028
Sans aucun ajustement, le déficit de la CNRACL grimperait de 2,5 milliards d'euros en 2023 à plus de 11 milliards en 2030. L'augmentation de 12 points des cotisations permettrait de le contenir à 4,3 milliards d'euros à cette échéance, "un niveau jugé soutenable", indique la fiche d'impact préparée par le ministère du Budget et des Comptes publics.
Il en coûterait un effort important pour les collectivités. Selon les prévisions de la Direction de la Sécurité sociale, une hausse de 3 points du taux de cotisations dues par les employeurs permet de générer 1,747 milliard de recettes supplémentaires au total, chaque année. Les employeurs territoriaux prendraient en charge 1,048 milliard d'euros (soit 60%), le restant correspondant à la contribution des employeurs hospitaliers (699 millions d'euros, 40%). La hausse des taux de cotisations ainsi programmée représenterait un effort de 2,095 milliards d'euros pour les collectivités en 2026 et de 3,143 milliards en 2027. Enfin, en 2028, la dépense supplémentaire mise à la charge des collectivités s'élèverait à 4,191 milliards d'euros.
"Mise en péril des finances locales"
"Cette augmentation massive de cotisations (…) qui s’inscrit dans un cadre budgétaire de plus en plus contraint", fait craindre à la Coordination des employeurs territoriaux (CET) "la mise en péril des finances publiques locales" (voir notre article). Les réactions des élus locaux présents à la réunion du CFL – notamment celle de Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse et président délégué de Villes de France – se sont naturellement inscrites dans le sillage de celle des associations d'élus locaux unies dans la CET. Et ont débouché, sans surprise, sur un vote unanime des représentants des collectivités contre le projet de décret. Ce résultat intervient quelques jours après une réunion du conseil national d'évaluation des normes (CNEN) au cours de laquelle les élus locaux avaient déjà rejeté le projet de texte à l'unisson (voir le relevé d'avis de la séance du 28 novembre). Mais l'exécutif peut passer outre les avis des deux instances de concertation, compte tenu du caractère seulement consultatif de leurs délibérations.
Reste qu'il pourrait ne pas survivre au bras de fer engagé avec les oppositions sur le PLFSS. De son sort peut donc en partie dépendre celui du projet de décret, qui doit s'appliquer aux cotisations dues à compter du 1er janvier prochain.
Philippe Laurent : "Sur les retraites, on veut une vraie discussion avec l'exécutif"En comptant la hausse d'un point des cotisations vieillesse payées par les employeurs territoriaux intervenue au 1er janvier dernier - qui ne sera plus compensée à compter de 2025 -, les collectivités sont amenées à faire face à une hausse des cotisations retraites de 13 points sur 5 ans, rappelle Philippe Laurent, maire de Sceaux, porte-parole de la CET et membre du CFL. Qui ne décolère pas. Après une publication "très tardive" du rapport des inspections de l'Etat sur la situation de la CNRACL, "on n'a jamais eu, malgré nos demandes, la moindre réunion avec quiconque de l'exécutif ou même de l'administration", déplore-t-il. Interrogé par Localtis, l'élu qui préside aussi le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) met en exergue le paquet de mesures préconisées par les hauts fonctionnaires de l'Etat pour limiter immédiatement, mais aussi à plus long terme, la hausse des cotisations des employeurs : la diversification des sources de financement de la CNRACL, l'arrêt de la participation de cette dernière au financement des autres régimes de retraite, l'allègement des frais financiers qu'elle supporte… "On veut une vraie discussion, avec un plan de sauvetage à long terme de la CNRACL", déclare Philippe Laurent. Qui réclame avec les employeurs territoriaux "une remise à plat du système". "Aujourd'hui, quand vous êtes employeur territorial, vous avez quatre régimes de retraite différents en fonction du statut des agents - la CNRACL, l'Ircantec, le Régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) et le régime général géré par la Cnav). Il faut voir ce qu'on paie, nous et nos agents, par rapport aux pensions versées sur les quatre régimes. On a besoin que l'Etat dise : 'on fait ce travail-là'" estime l'élu. |