Les élus considérés comme impuissants face aux crises que traverse la France
Face aux multiples crises (sanitaire, politique, budgétaire, écologique…), les Français se sentent "désemparés" et estiment que les élus sont impuissants. La troisième édition du Baromètre des territoires, publiée le 14 janvier 2025 par Elabe, avec l'Institut Montaigne et le groupe SNCF, met aussi en avant les inégalités territoriales quant à la capacité d'adaptation des citoyens.
Les Français se sentent vulnérables dans cette nouvelle ère de "polycrise" et les collectivités locales leur paraissent impuissantes pour les accompagner dans les adaptations nécessaires. C'est en tout cas ce qui ressort de la troisième édition du Baromètre des Territoires, publiée le 14 janvier 2025 par Elabe avec l'Institut Montaigne et le groupe SNCF. L'enquête, réalisée tous les deux ans auprès de 10.000 personnes dans les 12 régions métropolitaines, décrit sous tous ses aspects (pouvoir d'achat, santé, sécurité, événements climatiques extrêmes, logement, travail, mobilité) le quotidien des femmes et hommes qui vivent en France.
Après "La France en morceaux" pendant la crise des gilets jaunes et une "France convalescente, une France du proche" en sortie de covid, le rapport montre une "France désemparée en quête de tranquillité", dans un contexte de crises sociale, sanitaire, budgétaire, écologique, politique, géopolitique, et entend dessiner à quel avenir les citoyens aspirent dans cette période de bouleversements. Premier constat : "Cette situation a entraîné un effacement inédit des fractures socio-économiques et territoriales historiques comme clés de lecture, de diagnostic et de recherche de solutions dans notre pays, signale le document, le statut social, le niveau de diplôme ou le lieu d'habitation ne protègent plus contre les vulnérabilités et les Français se retrouvent massivement dans des sentiments d'insécurité combinés".
60% des habitants d'Occitanie trouvent difficile d'accéder à un emploi
L'insécurité socio-économique, et la crainte du déclassement, sont parmi les premières préoccupations des Français. 54% d'entre eux craignent de devoir changer leur façon de vivre à cause d'une baisse de leur pouvoir d'achat (alimentation, logement, loisirs, vacances) et tous les groupes sociaux sont concernés. Des différences sont toutefois perceptibles en fonction des régions : 60% des habitants d'Occitanie et 57% des Hauts-de-France trouvent difficile d'accéder à un emploi contre 36% en Pays de la Loire et 38% en Bretagne.
Deuxième difficulté : l'insécurité physique. 46% des Français se sentent exposés au risque d'une agression physique et 59% redoutent la même chose pour leurs enfants. "Un tiers des habitants des grands centres urbains voient la tranquillité de leur quartier perturbée par les trafics de drogues, voire leur sécurité mise en danger (52% à Marseille, 45% en Seine-Saint-Denis, 36% à Paris et dans le Val-d'Oise)", indique le baromètre.
Les Français subissent aussi l'insécurité climatique, avec des conséquences sur leurs conditions de vie et l'activité économique. "Un Français sur deux redoute de subir des conditions de vie plus rudes à cause du dérèglement climatique (canicules, inondations…), quatre sur dix de subir des dégâts liés aux catastrophes naturelles sur leur habitation et/ou les infrastructures autour de chez eux (routes, lignes électriques, …)". Dans ce domaine, il y a de fortes disparités régionales : 56% des habitants de Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) et 48% d'Occitanie jugent vivre dans un lieu exposé aux risques climatiques contre 28% des Bretons et des Normands. Ce sont les mêmes qui s'inquiètent davantage des conséquences du dérèglement climatique sur l'économie de leur région, par rapport notamment aux Pays de la Loire et à l'Ile-de-France.
Les Français très attachés à la France et encore plus à leur région
Enfin, l'insécurité sanitaire, alimentée par le sentiment de la dégradation de notre modèle de santé, fait des inquiets. 43% des Français craignent de tomber malades à cause des pollutions (davantage en Ile-de-France "49%", qu'en Bretagne, "36%"), et 41% craignent d'être confrontés à des problèmes de santé mentale. "En 2025, la difficulté financière de l'accès aux soins (41%) et la difficulté d'accès aux soignants (46%) portent à 54% au total la part des Français redoutant de ne pas pouvoir se soigner en cas de problème", souligne le baromètre.
Et si les Français sont largement attachés à la France (80%) et à leur région d'habitation (85% pour la Bretagne, 78% pour la Nouvelle-Aquitaine, 77% pour Paca), ils sont 61% à considérer que leur pays est en déclin, et qu'il a perdu sa puissance économique (52%). Un pays dans lequel, selon eux, il est difficile d'entreprendre (56%).
Et face à ce constat de déclin, les pouvoirs publics leur paraissent impuissants : moins de la moitié des Français estiment ainsi que le président de la République a les moyens de faire changer la vie des gens (45%). A l'échelon local, on retrouve les mêmes proportions (48% pour le maire). A noter, les entreprises ont un crédit d'action plus élevé (52%) et un capital de confiance supérieur aux différents élus (46%). Ce sentiment d'impuissance des élus nourrit l'abstention. "Trois Français sur dix estiment qu'aucun politique ne se soucie de l'amélioration de la vie des citoyens, ni de résoudre les problèmes de la France, quatre sur dix qu'ils ne s'intéressent pas au quotidien et aux aspirations des gens, cinq sur dix qu'ils ne savent pas mettre leur ambition personnelle de côté pour se mettre au service de l'intérêt général", affirment les auteurs du document.
Des inégalités territoriales quant à la capacité d'adaptation
Par ailleurs et contrairement à l'image du "Gaulois réfractaire", le baromètre indique que les Français sont ouverts aux changements, même s'ils sont inégaux dans leurs possibilités d'adaptation aux évolutions économiques et climatiques. Exemple : le territoire peut être une barrière, lorsqu'il est éloigné des grandes infrastructures, notamment de transports. Ainsi, 69% des habitants de l'agglomération parisienne peuvent privilégier le train à la voiture quand ils le souhaitent, contre 43% des ruraux. 77% des Franciliens et 61% des habitants du sud de la région Paca estiment vivre dans un lieu bien desservi par les transports en commun, contre seulement 45% des habitants de Nouvelle-Aquitaine, de Bourgogne-Franche-Comté et du Centre-Val de Loire. Et ces freins financiers ou territoriaux dans la capacité d'adaptation créent un sentiment d'injustice (40%) ou de la colère (23%).
Sur le plan géographique, on peut aussi noter que certaines régions (Bretagne, Ile-de-France, Pays de la Loire, Paca et Nouvelle-Aquitaine) s'en sortent mieux que les autres sur un bon nombre d'items testés : la Bretagne pour l'attachement à la région, le bien-être de ses habitants, l'optimisme quant à l'avenir de la région, l'Ile-de-France pour les transports en commun, les commerces, les services publics et l'emploi, ou encore Paca pour les transports en commun, les services publics et l'attachement à la région.