Les élèves allophones, une réalité mal connue et mal évaluée
Selon un rapport de la Cour des comptes, la réalité des élèves allophones en France est mal connue et mal évaluée. Les enseignants seraient par ailleurs peu formés pour l'enseignement du français comme seconde langue et de nombreux jeunes allophones en âge d'aller au collège ou au lycée ne seraient pas scolarisés.
Les données sur les élèves allophones nouvellement arrivés (EANA) dans notre système scolaire sont mal connues, l’accès aux dispositifs de soutien qui leur sont réservés est difficile et les enseignants sont insuffisamment formés, nous apprend la Cour des comptes dans son récent rapport sur la scolarisation des élèves allophones.
Les statistiques sont ainsi jugées "irrégulières, incomplètes et des discordances subsistent entre données académiques et nationales", écrit la Cour. Malgré ces réserves, au cours de l’année scolaire 2020-2021 (dernier chiffre connu), 64.564 EANA étaient scolarisés en France. Un nombre qui a augmenté "compte tenu des enfants réfugiés ukrainiens scolarisés", soit près de 18.000 au moment du dépôt du rapport. Autre trou dans la raquette statistique : "Le ministère ne dispose d’aucun moyen d’identifier le nombre de jeunes allophones n’ayant fait aucune démarche […] de scolarisation."
Les métropoles en tension
Le rapport note encore que la répartition des EANA est "relativement équilibrée" sur le territoire, même si certaines académies se distinguent par un pourcentage particulièrement élevé d’élèves allophones dans la population scolaire : Paris et Lyon pour la métropole, la Guyane et Mayotte en outre-mer.
Par ailleurs, si l'inclusion dans les classes ordinaires doit constituer la modalité principale de la scolarisation de ces élèves, en 2020-2021, parmi les 91% qui ont bénéficié d’un accompagnement linguistique, seuls 19% étaient inclus en cursus ordinaire, 70% étant scolarisés dans des unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A). La Cour des comptes insiste également sur un phénomène "plus préoccupant" : au bout de six mois, 9,3% des EANA relevant du collège et 17,3% de ceux relevant du lycée ne sont pas scolarisés. Avec ici encore des académies en tension : les grandes métropoles, les zones frontalières ainsi que Mayotte et la Guyane.
Ces tensions ont lieu sur fond d'"insuffisante formation des enseignants" : seuls 8% des enseignants français se sentent "bien préparés" ou "très bien préparés" pour enseigner en milieu multiculturel ou plurilingue et de nombreux enseignants en UPE2A ne disposent pas d’une certification français langue seconde (FLS).
Échec scolaire
La Cour relève enfin que les données d’évaluation des enseignements sont "très parcellaires et parfois anciennes", alors même que nombre d’élèves concernés se trouvent au "bout du compte en situation d’échec scolaire" et que les moyens spécifiques aux dispositifs mis en place s’élèvent à environ 180 millions d'euros, en plus de ce que l’Éducation nationale met à disposition pour les EANA comme pour tout autre élève.
Parmi les recommandations de la Cour des comptes, on retiendra particulièrement celle visant à mettre en œuvre au primaire un soutien spécifique pour les EANA au-delà de la première ou des deux premières années de présence sur le territoire, celle visant à généraliser la certification (FLS) pour les enseignants en UPE2A et à l’encourager pour les autres enseignants, et enfin celle visant à évaluer le niveau en français des EANA à la sortie des UPE2A.