Les drones bientôt utilisés pour contrôler les mouvements de population ?
Plus d'un an après la loi responsabilité pénale et sécurité intérieure, le décret autorisant l'usage des drones par les forces de l'ordre (hors police municipale) est publié au Journal officiel le 20 avril.
Utilisés sans cadre juridique pour faire respecter le confinement pendant la crise sanitaire (voir notre article du 19 mai 2020), les drones sont désormais officiellement autorisés pour les forces de l'ordre. Un décret du 19 avril 2023 autorise en effet policiers nationaux, gendarmes, douaniers et militaires déployés sur le territoire national, à mettre en œuvre des "traitements d’images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs pour des missions de police administrative". Pris en application de la loi responsabilité pénale et sécurité intérieure du 24 janvier 2022 (article 15), le texte définit les contours d'utilisation des drones par ces fonctionnaires. Cette même loi prévoyait d'étendre leur usage aux policiers municipaux avant que le Conseil constitutionnel n'en décide autrement (voir notre article du 21 janvier 2022).
Six cas de figure
Policiers, gendarmes et militaires déployés sur le territoire national pourront utilisés les drones dans six cas de figure :
- la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés, en raison de leurs caractéristiques ou des faits qui s'y sont déjà déroulés, à des risques d'agression, de vol ou de trafic d'armes, d'êtres humains ou de stupéfiants, ainsi que la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords immédiats, lorsqu'ils sont particulièrement exposés à des risques d'intrusion ou de dégradation ;
- la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public ainsi que l'appui des personnels au sol, en vue de leur permettre de maintenir ou de rétablir l'ordre public, lorsque ces rassemblements sont susceptibles d'entraîner des troubles graves à l'ordre public ;
- la prévention d'actes de terrorisme ;
- la régulation des flux de transport, aux seules fins du maintien de l'ordre et de la sécurité publics - la surveillance des frontières, en vue de lutter contre leur franchissement irrégulier ;
- le secours aux personnes.
S'agissant des douaniers, les drones auront pour finalité "la prévention des mouvements transfrontaliers de marchandises prohibées". A noter que la loi du 24 janvier 2022 donnait aussi la possibilité au sapeurs-pompiers d'utiliser les drones dans le cadre de leurs interventions, ce qui s'est traduit dans un précédent décret du 27 avril 2022 (voir notre article du 28 avril 2022).
"Les casseurs surveillent les gendarmes"
On retiendra dans le nouveau décret l'allusion expresse aux rassemblements de personnes. Lors de son audition devant la commission des Lois, le 5 avril dernier, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait regretté que, lors des affrontements liés au chantier de construction de bassines à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), les gendarmes n’aient "pas pu faire voler les drones. En revanche, les casseurs en ont fait usage". "C’est donc une sorte de renversement de l’usage de l’outil médiatique et de surveillance. Les casseurs surveillent les gendarmes mais les gendarmes, de par la loi, ne pouvaient pas surveiller les casseurs", avait-il dit. "Dès cet été, nous pourrons faire voler des drones en renseignement, grâce au travail collectif que nous avons fait", s'était-il réjoui, après approbation du décret par la Cnil dans sa délibération du 16 mars.
Le décret précise les modalités de collecte, de visionnage et de conservation des images. Celles-ci sont conservées dans un délai de sept jours "sans que nul ne puisse y avoir accès, sauf pour les besoins d'un signalement à l'autorité judiciaire". "Au terme de ce délai, ces données seront effacées, à l'exception de celles conservées pour être utilisées à des fins pédagogiques et de formation." Dans ce cas, elles sont anonymisées. Dans le cadre du respect de la vie privée, les drones ne peuvent filmer les intérieurs et entrées des domiciles. Si "l'interruption de l'enregistrement n'a pu avoir lieu compte tenu des circonstances de l'intervention", les images sont alors supprimées sous 48 heures.
Un nombre maximal de caméras en fonction des départements
L'information du public sur l'emploi des caméras installées sur des aéronefs est délivrée "par tout moyen approprié, sauf si l'urgence ou les conditions de l'opération l'interdisent".
La mise en oeuvre de ces dispositifs doit être signalée à la Cnil respectivement "par la direction générale de la police nationale, la direction générale de la gendarmerie nationale, la préfecture de police, la direction générale des douanes et des droits indirects et le ministère des Armées pour les services qui leur sont rattachés".
Le décret est accompagné d'un arrêté publié le même jour qui fixe le nombre maximal de caméras installées sur des drones pouvant être simultanément utilisées dans chaque département et collectivité d'outre-mer. Ainsi, 100 caméras peuvent être branchées simultanément dans les 18 départements parmi lesquels les plus peuplés ou comprenant une métropole (les départements d'Ile-de-France, les Bouches-du-Rhône, le Rhône, la Haute-Garonne, la Loire-Atlantique…). 70 peuvent l'être dans des départements intermédiaires et 40 dans les départements plus ruraux et en outre-mer.
Références : décret n°2023-283 du 19 avril 2023 relatif à la mise en œuvre de traitements d'images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs pour des missions de police administrative, arrêté du 19 avril 2023 relatif au nombre maximal de caméras installées sur des aéronefs pouvant être simultanément utilisées dans chaque département et collectivité d'outre-mer, JO du 20 avril 2023. |