Réforme de l'intercommunalité - Les directeurs généraux des communautés appellent le législateur à plus d'audace
Le sénateur PS Yves Krattinger a appelé les parlementaires à plus d'"ambition" concernant le volet intercommunal du projet de loi de réforme des collectivités territoriales adopté au Sénat en première lecture, le 4 février dernier. Le 4 mars, à l'occasion d'un colloque, celui qui fut le rapporteur de la mission sénatoriale sur l'organisation et l'évolution des collectivités, a souhaité qu'une "véritable perspective" pour les "douze" prochaines années soit donnée à l'intercommunalité. "Il ne faut pas reculer devant tous les conservateurs qui ne veulent rien bouger", a-t-il lancé, en critiquant un texte qui "ne renforce pas la puissance" de l'intercommunalité, notamment parce qu'il ne procède à aucun nouveau transfert de compétences et "parle de manière marginale" de "la question des moyens humains".
Cette position est partagée par un bon nombre de directeurs généraux de communes et communautés, qui ont détaillé leur point de vue à l'occasion de ce colloque organisé à Paris par leurs deux principales associations, le Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDG) et l'Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF).
"Si on cale la loi sur toutes les exceptions de France, jamais on ne fera une loi", a notamment critiqué Jean-Paul Vogel, président délégué de l'ADGCF. "Il faut fixer un cap" et, seulement ensuite, traiter les exceptions, a-t-il indiqué. C'est dans cet esprit que le DGS de la communauté d'agglomération du Grand Besançon a critiqué le seuil minimum de 3.000 habitants fixé par les sénateurs comme condition pour la constitution des intercommunalités. Il souhaite que soit conservé le seuil de 5.000 habitants, qui figurait dans le projet de loi initial, quitte à ce que des exceptions soient accordées à certains territoires ruraux.
La mise en œuvre de la réforme sera plus brève
Autre regret exprimé, cette fois, à l'unanimité : la complexité introduite par la création de nouvelles catégories d'établissements publics de coopération intercommunale venant s'ajouter à une liste déjà longue. Les directeurs généraux des deux associations plaident pour une plus grande harmonisation, conformément à l'objectif de simplification qui était à l'origine du projet de loi. Ceux de l'ADGCF précisent qu'il faudrait regrouper l'ensemble des communautés sous le label "communauté territoriale", ce qui évidemment offrirait plus de lisibilité, d'autant que le corpus de compétences et le régime fiscal serait le même pour toutes ces communautés. L'Assemblée des communautés de France avance cette proposition depuis longtemps.
Qu'il s'agisse de l'élaboration des plans locaux d'urbanisme ou, d'un sujet très différent comme l'élection des délégués au suffrage universel direct, il faudrait, là encore, plus d'audace, a estimé Jean-Paul Vogel – même si pour l'élection au suffrage universel, on serait parvenu quand même à un "bon compromis".
Aller plus loin serait fatal aux communes, a répondu Jean-Patrick Courtois, rapporteur UMP du projet de loi, l'un des principaux instigateurs des amendements sénatoriaux qui ont visé à préserver la place et le rôle des communes. "Sur l'objectif d'une intercommunalité plus forte, nous sommes tous d'accord. Nous différons simplement sur le chemin", a-t-il expliqué. L'une des raisons d'avancer avec prudence tient, a-t-il confié, au renouvellement partiel du Sénat en 2011 - les sénateurs sont, rappelons-le, élus par les conseillers régionaux, les conseillers généraux et les délégués des conseils municipaux. "Si l'on veut avancer, il est impossible de ne pas toucher aux communes", a plaidé, de son côté, Jean-Paul Vogel. "Le débat qui opposait les communes à l'intercommunalité est révolu", a lancé quant à lui un participant à la rencontre. "Reconnaître le bassin de vie n'est pas incompatible avec l'idée que la commune est la cellule de base de la République."
N'en déplaise au président délégué de l'ADGCF, le sénateur-maire de Mâcon a annoncé qu'il voulait, en seconde lecture, encore abaisser le seuil minimum de population des communautés – fixé à ce stade de l'examen du projet de loi à 3.000 habitants. Son intention de raccourcir le calendrier de l'achèvement et de la rationalisation de la carte intercommunale correspond, elle, à une attente partagée par les directeurs généraux de communautés.
Thomas Beurey / Projets publics