Sport et animation / Emploi - Les diplômes du sport et de l'animation pèchent par leur complexité et leurs "logiques concurrentielles"
"Une complexité croissante", une gestion "de plus en plus lourde", "un déficit d'articulation et de complémentarité". Le diagnostic de la mission relative à l'évaluation de la politique ministérielle de formation et de certification aux métiers du sport et de l'animation, rendu public en décembre 2013, n'est pas tendre pour le ministère des Sports et de la Jeunesse. Certes, la synthèse met en lumière "la pertinence du dispositif […], construit sur le principe de l'alternance, au regard des objectifs de professionnalisation et d'insertion sociale de ses bénéficiaires", mais cela ne suffit pas à relever un tableau d'ensemble qui s'est assombri au cours des années. En cause, notamment, le trop grand nombre d'acteurs aux "logiques divergentes, voire concurrentielles".
Ce rapport de diagnostic fait suite à la lettre de mission que la ministre des Sports, de la Jeunesse, de l'Education populaire et de la Vie associative, Valérie Fourneyron, a adressée le 25 avril 2013 à l'inspection générale de la Jeunesse et des Sports (IGJS). Son but ? "Définir les axes de réflexion à partir desquels une nouvelle lettre de mission sera adressée par la ministre à l'IGJS, afin d'examiner les différents scénarios d'organisation possibles de la politique ministérielle de formation et de certification."
Une architecture complexifiée
Dans leur démonstration, les rapporteurs reviennent sur le remplacement progressif, à partir de 1999, des brevets d'Etat d'éducateur sportif (BEES) au profit des brevets professionnels, notamment le brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport (BPJEPS), diplôme de niveau IV commun aux champs de l'animation et du sport de loin le plus délivré.
S'ils se félicitent que les diplômes délivrés par le ministère constituent aujourd'hui "des diplômes reconnus par les employeurs, et appréciés le plus souvent, par leurs titulaires", les rapporteurs notent que "l'architecture s'est complexifiée au prix d'une inflation réglementaire et au point de devenir difficilement lisible pour l'usager et parfois même pour les agents du ministère, la technique ajustée à l'expression de besoins épars, ayant pris le pas sur le sens et les objectifs poursuivis". Et de citer, à titre d'exemple, le cas du BPJEPS qui se décline en 18 spécialités, 57 mentions, 67 unités de certifications complémentaires et 114 certificats de spécialisation… alors même que la réforme de 1999 entendait pallier la trop grande spécialisation des BEES 1er degré (au nombre de 69).
"Une concurrence s'est progressivement instaurée"
Outre cette complexification des diplômes ministériels, les rapporteurs notent qu'en insérant le dispositif de formation et de certification dans l'évolution du système français de la formation professionnelle, la rénovation des qualifications a par ailleurs mis un terme à la position de monopole du ministère. Aujourd'hui, certificats de qualification professionnelle (CQP) délivrés par les branches professionnelles et titres à finalité professionnelle (TFP) délivrés par les fédérations sportives, complètent, avec les diplômes de l'enseignement supérieur, le paysage des certifications relatives à l'encadrement du sport et de l'animation.
Si les CQP doivent en principe répondre aux besoins non couverts par les titulaires de diplômes d'Etat, les rapporteurs pointent la dérive qui n'a pas manqué d'apparaître : "Une concurrence s'est progressivement instaurée entre des CQP de la branche sport et certains diplômes du ministère, en particulier des BPJEPS." Pour illustrer ce chevauchement, notons que le BPJEPS spécialité activités équestres, qui vise à la conduite de séances et de cycles d'initiation, de découverte et d'animation sportive dans toutes les activités équestres, est en concurrence avec le TFP assistant animateur d'équitation et le CQP enseignant animateur d'équitation qui ont les mêmes visées.
Une réforme dans la loi de modernisation du sport ?
Dans ce paysage singulier, 2013 aura par ailleurs vu la disparition du Centre d'analyse des formations, des métiers de l'animation et du sport (Cafemas). A propos de la suppression de ce groupement d'intérêt public, qui constituait "un lieu partenarial de production d'études et d'analyses", les rapporteurs notent que "les représentants des branches professionnelles, du mouvement sportif et des mouvements d'éducation populaire ont fait part, lors de leurs auditions, de leurs désaccords sur cette décision". Et ils suggèrent "que des travaux conjoints puissent être rapidement engagés afin de remettre en route une action réellement partagée en matière d'observations en lien avec les producteurs de données statistiques".
Ce rapport sur l'état des lieux des diplômes et certifications dans les champs du sport et de l'animation n'est qu'une première phase des travaux. La seconde devra conduire à "formuler des propositions pour adapter l'activité des services et des établissements, ainsi que des procédures de certification, à la réduction d'effectifs déjà constatée au plan déconcentré". Toutefois, des pistes de réflexion et/ou d'amélioration sont d'ores et déjà esquissées par le présent document. Parmi celles-ci, notons l'amélioration des modes et des méthodes d'intervention des directions du ministère ; le réexamen de l'architecture et des conditions de création des BPJEPS de façon à développer l'employabilité sur les territoires ; le développement des articulations entre les différentes certifications pour créer de véritables filières et un dispositif plus lisible ; la réaffirmation du rôle des DRJSCS en matière de pilotage régional ; la prise en compte des conséquences du transfert programmé des EPN (établissements publics nationaux) aux régions dans le cadre de l'acte III de décentralisation, tout en proposant des dispositions permettant de garantir l'identification, au plan territorial, de l'offre de formation de l'Etat sur la base d'une programmation nationale.
Les nouveaux scénarios de la politique ministérielle de formation et de certification pourraient voir le jour dans les tout prochains mois. La logique voudrait en effet que ce pan primordial de la politique sportive soit intégré dans le futur projet de loi de modernisation du sport, texte-phare de Valérie Fourneyron attendu en 2014.