Les députés votent le maintien des guichets de services publics
Les députés ont voté jeudi une proposition de loi LFI visant à ce qu’aucune démarche administrative "ne soit accessible uniquement par voie dématérialisée". Un texte en "décalage" avec la politique gouvernementale et le déploiement du réseau France services, a tenté de faire valoir le gouvernement qui s'est opposé au vote.
Les députés ont voté jeudi 30 novembre, en première lecture, une proposition de loi LFI tendant "à la réouverture des accueils physiques dans les services publics" (avec 122 voix pour et 29 contre).
Le texte déposé par la députée de Paris Danièle Obono pose le principe que "nul ne peut se voir contraint de recourir à des procédures dématérialisées dans ses relations avec l’administration". Celle-ci se voit ainsi dans l'obligation de proposer "plusieurs modalités d’accès aux services publics pour qu’aucune démarche administrative ne soit accessible uniquement par voie dématérialisée".
"Concurremment à la mise en place d’un téléservice", l’administration "garantit à l’ensemble des usagers le droit de s’adresser à et d’être reçu par une personne physique". A chaque étape de toute démarche, elle doit assurer "pour tout usager de demander un traitement par courrier".
13 millions de Français en "difficulté numérique"
Pour la députée, la dématérialisation peut être source de progrès mais résulte aussi de choix politiques, à travers le "logiciel néolibéral du new public management" qui "a fait du numérique, depuis maintenant trente ans, un outil de démantèlement, de désorganisation et de réduction des services publics" (comme l'avait montré un rapport parlementaire en 2019). "Lorsqu’elle s’inscrit dans une politique de restriction budgétaire et s’accompagne du recul des implantations territoriales, la numérisation des services publics conduit à des ruptures d’accès aux droits pour une part non négligeable de la population", a-t-elle soutenu, lors de l'examen, rappelant que 13 millions de personnes sont "en difficulté avec le numérique en France". "Quelle égalité quand 22% de la population ne dispose ni d’un ordinateur ni d’une tablette à domicile et que15% n’a pas de connexion internet ?", a-t-elle souligné.
"Non, la création d’un guichet dès lors qu’une démarche est possible par voie dématérialisée n’est pas une bonne idée", a rétorqué la secrétaire d'Etat chargée de la citoyenneté et de la ville Sabrina Agresti-Roubache, voyant dans la proposition de loi "un retour en arrière".
France services
"La stratégie du gouvernement en la matière est simple : continuer à dématérialiser pour rendre les Français qui le souhaitent autonomes dans leur démarche", a-t-elle ajouté, dénonçant un texte en "décalage" avec l'ambition du gouvernement qui se traduit notamment dans le déploiement des maisons France services. "7.000 agents France services exercent dans près de 2.700 espaces du même nom partout en France. (…) 95% des Français ont une maison France services à moins de vingt minutes de chez eux, et 99% à moins de trente minutes", a-t-elle affirmé. D'ailleurs les débats ont largement porté sur les maisons France services et le rôle des "conseillers numériques" qui ont pour mission "d’accompagner les usagers vers l’autonomie en leur donnant les clés nécessaires à la réalisation de leurs démarches en ligne", a fait valoir le député Renaissance Guillaume Gouffier Valente. En séance, les députés ont voté un amendement LFI visant à renforcer le niveau de formation des agents d'accueil des services publics qui doivent bénéficier "de parcours de formation convenablement dimensionnés, financés et adaptés aux impératifs et aux périmètres de son exercice". Ils ont également demandé à ce que le gouvernement remette au Parlement "un rapport sur l’impact de la dématérialisation des démarches sur l’efficacité et le délai de traitement des demandes du Trésor public et des bureaux de poste".
Le texte doit à présent être examiné par le Sénat qui ne devrait pas être insensible aux arguments des députés en matière d'aménagement du territoire.