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Projet de loi Notr - Les députés veulent redonner du souffle au volet intercommunal de la réforme

Examinant les 3 et 4 février le projet de loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République (Notr), notamment ses articles 14 à 23, la commission des lois de l'Assemblée nationale a voulu donner un nouvel élan à l'intercommunalité. Elle s'est ainsi assez nettement démarquée du texte élaboré par les sénateurs, lesquels demeurent majoritairement attachés à une intercommunalité veillant à ne pas remettre en cause les prérogatives et la place des maires.

En posant le principe de l'élection des conseils communautaires au suffrage universel direct - selon des modalités qui seraient fixées par la loi avant le 1er janvier 2017 - les députés ont décidé d'engager, en commission, une nouvelle étape dans la reconnaissance démocratique de l'intercommunalité (voir notre article du 5 février 2015). Au-delà, ils ont pris de nombreuses mesures visant à renforcer les intercommunalités, tout en favorisant leur développement.
Ils ont ainsi assoupli les conditions de l'adoption par le conseil communautaire et les conseils municipaux, quel que soit le régime juridique de l'EPCI à fiscalité propre, du principe de l'unification d'un ou de plusieurs impôts directs locaux (taxe d'habitation, taxe foncière sur les propriétés bâties, taxe foncière sur les propriétés non bâties). Aujourd'hui, les élus voulant s'engager dans de telles réformes doivent recueillir l'accord du conseil communautaire et de chacun des conseils municipaux (sauf les métropoles). Par une fiscalité unique sur les ménages, les communautés renforceront la péréquation intercommunale et faciliteront la modernisation de la fiscalité locale, avance l'exposé des motifs de cet amendement d'origine socialiste.
Les députés ont par ailleurs renforcé les compétences obligatoires des intercommunalités, dans l'esprit du texte initial. La promotion du tourisme devra ainsi être obligatoirement exercée par les communautés de communes et les communautés d'agglomération. Au titre de la compétence en matière de développement économique, les communautés de communes devront aussi systématiquement mener une politique locale du commerce et de soutien aux activités commerciales d’intérêt communautaire.
Les députés ont encore prévu que les décisions concernant la définition de l'intérêt communautaire pourraient être prises à la majorité simple des membres du conseil communautaire, alors qu'actuellement une majorité qualifiée est exigée.
La commission des lois a par ailleurs revu les conditions d'élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale en limitant un peu les super-pouvoirs du préfet. Surtout, elle a rétabli les délais initialement prévus par le texte : les schémas devront être arrêtés fin 2015 pour une mise en œuvre des nouveaux périmètres au plus tard un an après. Ce faisant, les députés ont apporté des garanties aux agents qui feront l'objet de transferts dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle carte.
En parallèle, ils ont sensiblement assoupli les conditions de création des communautés d'agglomération (en limitant dans le temps ces nouvelles possibilités) afin de permettre à davantage d'agglomérations d'obtenir ce statut plus intégré que celui de la communauté de communes. Logiquement, ils ont supprimé les dispositions introduites par le Sénat qui visaient à faciliter le retrait par les très petites communes (moins d'1% de la population de l'ensemble intercommunal) de la communauté d'agglomération à laquelle elles appartiennent.
Davantage pour accompagner les fusions de régions que pour véritablement promouvoir l'intercommunalité, les députés ont autorisé les agglomérations qui perdront leur titre de capitale régionale du fait de la nouvelle carte des régions (on pense par exemple à Châlons-en-Champagne, Metz, Amiens ou Poitiers) à bénéficier sur demande du statut de communauté urbaine. Le but : leur donner des atouts pour lutter contre le déclin qui les guette. Il s'agirait d'une dérogation à la règle prévoyant qu'une communauté urbaine doit regrouper au moins 250.000 habitants.
Pour favoriser le développement de la mutualisation, la commission des lois a décidé que les services communs pourront être créés pour "tous les services qui ne sont pas en lien direct avec l’exercice d’une compétence transférée". Avec toutefois des exceptions ressemblant à des garde-fous, puisque les missions confiées à un centre de gestion ne pourront "faire l’objet de ce type de mutualisation au sein du bloc local". La commission a aussi repoussé à mars 2016 l'échéance de l'élaboration des schémas de mutualisation des services, qui en l'état actuel du droit doivent être préparés avant fin 2015 (d'après la Direction générale des collectivités locales).
Les députés ont de plus rétabli une conception large de la mise en œuvre des schémas de cohérence territoriale (Scot), alors que les sénateurs voulaient autoriser les Scot s'arrêtant aux limites d'un unique EPCI à fiscalité propre.
Enfin, les députés ont apporté une plus grande sécurité au droit de l'intercommunalité en prévoyant un nouveau dispositif de rattachement d'office des communes se retrouvant isolées ou constituant une enclave ou une "discontinuité territoriale" dans un EPCI à fiscalité propre. Les précédentes dispositions sur ce sujet avaient été déclarées contraires à la Constitution en avril 2014. Ils ont aussi voté l'obligation pour les comités des syndicats intercommunaux et syndicats mixtes de prendre en compte la population pour procéder à la répartition des sièges entre leurs membres. Le but étant d'appliquer à ceux-ci la décision du Conseil constitutionnel du 20 juin dernier ("commune de Salbris").
En matière de démocratie locale, les députés ont maintenu – et affiné - les dispositions introduites par les sénateurs qui visent à créer dans les communes de 1.000 à 3.500 habitants un droit d'expression des conseillers de l'opposition dans les moyens de communication de la mairie. En plus, ils ont élargi le droit des conseillers municipaux à accéder à l’ensemble des documents qui intéressent la vie de la commune. L'amendement d'origine écologiste rend également possible la transmission par voie électronique des documents du conseil municipal, ce qui était attendu depuis plusieurs années par un certain nombre de communes. Par ailleurs, si une commune possède un site internet, elle devra y publier le compte rendu du conseil municipal.
Le projet de loi Notr sera débattu dans l'hémicycle en deux temps, d'abord du 17 au 20 février, et ensuite, après la pause des vacances d'hiver, du 3 au 5 mars.