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Santé / Environnement - Les députés veulent bien éradiquer l'ambroisie, mais pas seulement...

Le 28 novembre, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale avait adopté la proposition de loi visant à lutter contre l'ambroisie, présentée en avril dernier par Alain Moyne-Bressand et Damien Abad, députés de l'Isère et de l'Ain, et par une trentaine de leurs collègues du groupe UMP (voir notre article ci-contre du 24 avril 2013). L'adoption en commission de cette proposition de loi émanant de l'opposition - les députés de la majorité ne s'y étant pas opposés - laissait augurer la poursuite de son parcours parlementaire.

Un redoutable pouvoir allergénique

Mais, lors de l'examen en séance publique, le 5 décembre 2013, les députés ont finalement adopté une motion de renvoi en commission. Le motif ? : le souhait d'englober la question de l'ambroisie dans un texte plus large. Selon Dominique Bertinotti (qui remplaçait la ministre de la Santé, Marisol Touraine, lors du débat), "il est regrettable que cette proposition de loi ne concerne que la lutte contre les ambroisies. Si celle-ci doit pouvoir être rapidement organisée, elle ne peut être menée que dans le cadre plus large d'un combat contre l'ensemble des espèces végétales ou animales nuisibles pour la santé humaine. Je pense notamment aux chenilles processionnaires, aux papillons de cendre, aux puces de lit et à d'autres espèces qui touchent directement la santé des Français".
L'ambroisie est pourtant, à elle seule, un réel sujet de santé publique et ses effets sur la santé et sur l'agriculture semblent plus délétères que ceux des puces de lit... L'ambroisie en question n'a en effet rien à voir avec le nectar des dieux grecs. C'est en l'occurrence une plante introduite - on ne sait trop comment - il y a moins d'un siècle en provenance des Etats-Unis. Elle a pour caractéristique de disperser un pollen au pouvoir allergénique très élevé, principal responsable du "rhume des foins". Mais l'ambroisie peut aussi provoquer des allergies sévères, y compris sur des personnes normalement non sujettes : conjonctivites, rhinites, asthmes, dermatoses, trachéites, eczémas et autres urticaires.
Première région touchée, Rhône-Alpes est aujourd'hui la plus atteinte avec 10 à 20% de la population allergique au pollen d'ambroisie. Il n'est donc pas étonnant que les deux auteurs du texte soient députés en région Rhône-Alpes, de même qu'une bonne partie des autres signataires de la proposition. Mais la plante se diffuse aujourd'hui dans d'autres régions, notamment Paca (voir notre article ci-contre du 30 juillet 2012).
L'agence régionale de santé (ARS) et la région Rhône-Alpes ont certes pris des mesures pour lutter contre la dissémination et la prolifération des différentes formes d'ambroisie (à feuilles d'armoise, trifide et à épis lisses). Mais ces actions se heurtent à l'absence de base juridique, indispensable pour dépasser les réticences et l'inaction de certains particuliers ou de certaines collectivités.

L'ambroisie déclarée "végétal nuisible pour la santé publique" ?

La proposition de loi - légèrement amendée par la commission - prévoyait en premier lieu que l'ambroisie à feuilles d'armoise "est déclarée végétal nuisible pour la santé publique" et "est inscrite sur la liste des organismes nuisibles aux végétaux et aux produits végétaux contre lesquels la lutte est obligatoire, de façon permanente, sur tout le territoire national, dès leur apparition et quel que soit leur stade de développement".
La conséquence de ce classement est que "tout propriétaire, tout locataire ou tout occupant, à quelque titre que ce soit, d'une parcelle avec la présence d'Ambrosia artemisiifolia [ambroisie à feuille d'armoise, ndlr] est tenu de procéder, à ses frais, à la destruction de cette plante, avant sa floraison". A défaut de réaction - et après mise en demeure par recommandé -, les agents désignés par les autorités administratives procèdent à une exécution d'office aux frais de cette personne publique ou privée.

Un agent référent dans chaque commune

La lutte devait être coordonnée par le préfet du département et chaque maire devait désigner un agent référent, élu ou fonctionnaire, chargé d'"organiser et coordonner, sur le territoire de la commune, la lutte avec les services compétents de l'Etat".
D'autres articles de la proposition de loi prévoyaient la mise en place de mesures préventives : fixation d'un niveau maximal de graines d'ambroisie dans les aliments pour oiseaux, précautions à prendre par les maîtres d'ouvrage et les maîtres d'œuvre lors de travaux afin d'éviter la dispersion des graines, mise en place par le ministère de la Santé de mesures de suivi épidémiologique et lancement de campagnes d'information, de communication et d'alerte sur les risques liés à l'ambroisie à feuilles d'armoise, "destinées aux services de l'Etat, aux collectivités locales ainsi qu'aux populations concernées".
Le paradoxe est que la proposition de loi relative à la lutte contre l'ambroisie se trouve ainsi renvoyée à une date inconnue, mais sans doute lointaine, alors que l'idée de passer à la vitesse supérieure fait consensus au sein de l'Assemblée et que la lutte contre cette plante allergène est inscrite - mais sans cadre juridique - dans le deuxième Plan national santé environnement (PNSE), au sein de l'action 22 : "Prévenir les allergies". Lors du débat à l'Assemblée, Dominique Bertinotti déclarait d'ailleurs elle-même que "dans ce domaine, il n'y a pas de fatalité : plusieurs pays européens, asiatiques et américains touchés par l'ambroisie ont déjà pris, avec succès, de telles décisions...".

Référence : proposition de loi visant à lutter contre l'ambroisie à feuilles d'armoise, l'ambroisie trifide et l'ambroisie à épis lisses (adoptée par commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale, le 28 novembre 2013).