Grenelle 1 - Les députés adoptent les mesures de réduction des consommations d'énergie dans le bâtiment
Le 9 octobre, les députés ont examiné les articles 3 et 4 consacrés respectivement à l'amélioration de la performance énergétique des constructions et à l'instauration de nouvelles normes thermiques dans les bâtiments neufs. La rédaction du premier article a été revue pour mettre en avant la double dimension énergétique et thermique du plan de rénovation à engager dans le secteur du bâtiment et pour prendre en compte l'accessibilité des bâtiments aux handicapés dans les travaux à mener.
Bâtiments neufs : une norme de consommation d'énergie modulable
La discussion de l'article 4 a donné lieu à des débats nettement plus animés, notamment autour d'un amendement de Patrick Ollier, président UMP de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée, visant à moduler la norme de consommation d'énergie primaire des constructions neuves à partir de 2012 et, par anticipation, de 2010, pour les bâtiments publics et ceux du tertiaire.
Dans la version initiale du projet de loi, cette norme devait être inférieure à 50 kilowattheures par mètre carré et par an (kWh/m2/an) en moyenne. Pour les énergies présentant un bilan avantageux en termes d'émissions de gaz à effet de serre (GES), l'amendement Ollier a proposé de relever ce seuil "à raison inverse des émissions de gaz à effet de serre générées par l'énergie utilisée" et de le moduler en fonction de la localisation, des caractéristiques et de l'usage des bâtiments. Les députés Yves Cochet (Verts) et François Brottes (PS) sont montés au créneau pour défendre la rédaction initiale du projet de loi mais son rapporteur, Christian Jacob, a défendu l'amendement Ollier et le ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo, l'a également soutenu, tout en rappelant son attachement à l'objectif des 50 kWh/m2/an en énergie primaire. "Les décrets ne s'éloigneront pas de ce chiffre", a-t-il prévenu. Au final, la rédaction de l'amendement Ollier a été en partie modifiée et le texte indique désormais que "pour les énergies qui présentent un bilan avantageux en termes d'émissions de gaz à effet de serre, ce seuil sera modulé afin d'encourager la diminution des émissions de gaz à effet de serre générées par l'énergie utilisée".
Un amendement du député Yves Albarello (UMP, Seine-et-Marne) faisant référence au bois énergie dans la quantité d'énergie renouvelable produite pour les constructions neuves a été adopté, de même qu'un amendement d'Yves Cochet incluant l'utilisation du bois matériau, notamment certifié, et celle des "biomatériaux sans conséquence négative pour la santé des habitants et des artisans" dans la nouvelle norme sur la consommation énergétique des bâtiments neufs.
400.000 logements à rénover chaque année à partir de 2013
Dans l'article 5 concernant la réduction de la consommation d'énergie des bâtiments publics, des logements sociaux et des logements anciens, les députés ont d'abord voulu compléter l'objectif de réduction des consommations d'énergie des bâtiments existants d'au moins 38% d'ici à 2020. Ils ont ainsi adopté un amendement défendu par Bertrand Pancher (UMP, Meuse) fixant comme objectif à l'Etat "la rénovation complète de 400.000 logements chaque année à compter de 2013", faisant ainsi directement référence à ce qu'avait annoncé le président de la République dans son discours de clôture du Grenelle. A propos de la rénovation des bâtiments de l'Etat et des établissements publics, les députés ont voté un amendement défendu par Daniel Paul, député communiste de Seine-Maritime, consistant à supprimer la mention selon laquelle cette rénovation serait modulée selon un programme adapté à chaque administration. Ils ont aussi voulu que les objectifs de réduction d'au moins 40% sur les consommations d'énergie et d'au moins 50% sur les émissions de gaz à effet de serre de ces bâtiments soient atteints dans un délai de huit ans et non de dix.
Ils ont en outre ajouté une disposition permettant de prendre en compte, dans la mesure de la consommation d'énergie et des émissions de GES, les gains d'énergie et le stockage de carbone réalisés grâce à la plantation d'arbres et de végétaux pérennes.
Les collectivités seront incitées à engager un programme de rénovation de leurs bâtiments dans les mêmes conditions et au même rythme que celles que l'Etat s'impose pour son propre parc, souligne le texte.
Autre décision prise dans le cadre de l'examen de l'article 5 : "il peut être fait appel" de façon privilégiée à des contrats de partenariat public-privé pour réaliser les travaux de rénovation en matière d'économie d'énergie "lorsque les conditions définies par l'ordonnance 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat sont satisfaites".
Les députés ont également voulu que les collectivités d'outre-mer, "confrontées à la double contrainte de l'économie énergétique et des risques sismiques" puissent bénéficier d'un soutien spécifique pour leurs travaux de rénovation énergétique.
En matière de commande publique, ils ont aussi autorisé "le pouvoir adjudicateur à recourir à un contrat de performance énergétique notamment sous la forme d'un marché global regroupant les prestations de conception, de réalisation et d'exploitation ou de maintenance, dès lors que les améliorations de l'efficacité énergétique sont garanties contractuellement".
Un amendement a précisé que les travaux de rénovation énergétique dans le parc de logements sociaux "concernent en particulier 180.000 logements sociaux situés dans des zones définies par l'article 6 de la loi 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine".
Des audits énergétiques confiés à des professionnels
Les députés ont aussi adopté un amendement pour inciter le secteur des assurances à "développer une offre de produits visant à faciliter et à garantir le bon résultat des travaux de rénovation des bâtiments résidentiels en matière d'économies d'énergie". Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi Grenelle 1, ils ont demandé au gouvernement d'informer le Parlement de l'état de la concertation entre bailleurs et associations de locataires pour déterminer les modalités de partage des économies d'énergie générées par les travaux de rénovation. Les dispositifs d'incitation financière que l'Etat s'engage à mettre à l'étude pour encourager les travaux de rénovation lourde s'adresseront aussi aux propriétaires - et pas seulement aux syndicats de copropriétaires -, ont tenu à préciser les députés, et ces dispositifs viseront les logements anciens aux caractéristiques thermiques et énergétiques très dégradées. Enfin, Jean-Yves Le Déaut (PS, Meurthe-et-Moselle) a obtenu l'adoption d'un amendement pour que les audits énergétiques prévus pour les bâtiments publics soient réalisés par des professionnels ou des sociétés agréés.
Quant à l'article 6 consacré à la formation professionnelle et à la recherche, il a été largement amendé. Ainsi, les députés ont réécrit le premier alinéa en expliquant que "l'Etat incitera les acteurs de la formation professionnelle initiale et continue à engager un programme pluriannuel de qualification et de formation des professionnels du bâtiment et de l'efficacité énergétique dans le but d'encourager l'activité de rénovation du bâtiment dans ses dimensions de performance thermique et énergétique, acoustique et de qualité de l'air intérieur". Parmi les orientations des programmes publics de recherche dans le domaine du bâtiment, les députés ont ajouté la production d'énergie "à partir de sources renouvelables". Ils ont aussi décidé que le diagnostic de performance énergétique sera adapté à l'outre-mer "afin de tenir compte des critères propres à ces territoires". Enfin, ils ont introduit dans le texte la participation de la France à la création d'une plate-forme européenne sur l'éco-construction destinée à "développer les recherches et promouvoir les différentes filières de bâtiments faiblement consommateurs d'énergie".
Anne Lenormand