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Investissements - Les contrats de plan à la veille d'une renégociation

Malgré la création des grandes régions, l'Ile-de-France continue de faire la course en tête en termes de crédits alloués aux contrats de plan Etat-région. Avec 7,3 milliards, elle concentre le quart de l'enveloppe totale. L'encre de ces contrats est à peine sèche qu'il est déjà question de les renégocier pour tenir compte des nouveaux périmètres et nouveaux exécutifs. En l'état, l'aménagement ou l'égalité des territoires ne semble pas avoir primé.

La fusion des grandes régions n'aura pas bouleversé la hiérarchie des contrats de plan Etat-région (CPER). Avec 7.330 millions d'euros, l'Ile-de-France reste de loin la première région en termes de crédits alloués sur un total de 30 milliards d'euros mobilisés d'ici à 2020 : 14,3 milliards d'euros de l'Etat et 15,2 milliards d'euros des régions, auxquels s'ajoutent 900 millions d'euros des collectivités infrarégionales. C'est ce qui ressort d'une note du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), chargé de la coordination de ces contrats, publiée le 7 janvier. Des contrats à peine signés et négociés sur les anciens périmètres des régions et avec les précédents exécutifs. Or la cartographie du CGET permet de voir en cumulé quelles sont les régions qui vont injecter le plus de crédits dans leur économie. Très loin derrière l'Ile-de-France, on trouve la nouvelle grande région Nord-Pas-de-Calais/Picardie, dirigée par Xavier Bertrand (LR), au terme de son bras de fer avec Marine Le Pen. Elle totalise ainsi 2.940 millions d'euros (2.165 de Nord-Pas-de-Calais et 775 de la Picardie). Viennent ensuite le Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées, dirigé par Carole Delga (PS) avec 2.629 millions d'euros, l'Auvergne-Rhône-Alpes de Laurent Wauquiez (LR) avec 2.508 millions d'euros, l'Aquitaine/Limousin/Poitou-Charentes d'Alain Rousset (PS) avec 2.369 millions d'euros, l'Alsace/Champagne-Ardenne/Lorraine de Philippe Richert (LR) avec 2.120 millions d'euros. Quant aux deux dernières des grandes régions, la Bourgogne/Franche-Comté de Marie-Guite Dufay (PS) et la Normandie réunifiée d'Hervé Morin (UDI), elles ne totalisent respectivement "que" 1.172 millions d'euros et 1.169 millions d'euros, soit bien moins que la région Paca de Christian Estrosi (LR) – 1.685 millions d'euros – restée, elle, dans son ancien périmètre. La Bretagne présidée par le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian (PS), elle aussi inchangée, mobilise 1.196 millions d'euros, le Centre-Val de Loire de François Bonneau (PS) 831 millions d'euros, et les Pays de la Loire de Bruno Retailleau (LR) 808 millions d'euros. La Corse présidée par l'autonomiste Gilles Simeoni ferme la marche avec 158 millions d'euros.
Les enveloppes des 5 territoires ultramarins vont de 332 millions d'euros pour la Guadeloupe à 434 millions d'euros pour la Guyane pour un total d'1,9 milliard d'euros.

Profonds déséquilibres internes

Si la première des priorités des nouveaux exécutifs régionaux est à présent de trouver un nom à leur région, la mise en oeuvre des CPER ne va pas tarder à soulever des questions. Alors qu'ils ont en charge l'aménagement et l'égalité des territoires (au terme de la loi Notre du 7 août 2015, les conseils régionaux vont devoir élaborer un schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires), en l'état, la répartition des crédits est marquée par de profonds déséquilibres internes : l'enveloppe du Nord-Pas-de-Calais, par exemple, est trois fois plus importante que celle de la Picardie ; celle de Rhône-Alpes près de 4 fois plus importante que celle de l'Auvergne… On a la même situation dans l'Ouest : dans la même région, l'enveloppe allouée au Limousin (442 millions d'euros) est bien moindre que celle de l'Aquitaine (1.388 millions d'euros) ou de Poitou-Charentes (981 millions d'euros). D'ailleurs, lors de la première réunion de la nouvelle assemblée régionale, le 4 janvier, Alain Rousset a souligné l'enjeu que représentera l'aménagement du territoire dans ce vaste ensemble, évoquant la création d'une sorte de "Datar" régionale.
D'ailleurs, la note du CGET rappelle que la moitié des engagements financiers de ces contrats, soit environ 15 milliards d'euros, seront consacrés aux transports : modernisation des infrastructures, desserte des territoires dans une logique de mobilité multimodale : opérations routières, ferroviaires, fluviales et portuaires. Là encore, la logique d'aménagement du territoire n'est pas ce qui semble avoir primé dans les arbitrages puisque près d'un tiers de l'enveloppe transports – 4,5 milliards d'euros – seront mobilisés pour les seuls transports collectifs du Grand Paris.
Alors que la loi Maptam du 27 janvier 2014 a confié le numérique aux régions, les CPER consacreront un peu moins d'un milliard d'euros à la résorption des zones blanches de téléphonie mobile, à la "mise en place d'outils de mutualisation" et au "développement des usages et services numériques au profit des acteurs territoriaux (cloud, Open Data, télétravail, services publics en ligne, écoles connectées, e-santé, etc.)". Tous ces projets s'inscriront dans les stratégies de cohérence régionale pour l'aménagement numérique (Scoran), précise le CGET. Ils seront complémentaires au déploiement du très haut débit financé par le plan France Très Haut débit au titre du programme d'investissements d'avenir (PIA).

Renégociation

Par ailleurs, 5,6 milliards d'euros seront consacrés à la transition écologique et énergétique et 3,5 milliards d'euros à l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation, en supplément des crédits du plan Campus ou d'autres projets de recherche financés par le PIA. 0,5 milliard d'euros iront à des actions de formation, d'orientation, d'insertion, notamment en soutien du réseau des Carif-Oref ou des associations régionales pour l'amélioration des conditions de travail (Aract) et 0,4 milliard d'euros aux filières d'avenir et usines du futur.
Le volet territorial de ces contrats concentrera 4,6 milliards d'euros au profit des territoires infrarégionaux, notamment les plus vulnérables (territoires périurbains ou ruraux, quartiers prioritaires…), dont 600 millions d'euros au titre du Fnadt (Fonds national d'aménagement et de développement du territoire). Au programme : appui à l'ingénierie foncière et territoriale, accessibilité physique et numérique des services publics, équipements collectifs de nature à renforcer les fonctions de centralité des bourgs et des petites villes…
A noter enfin, le 1,4 milliard d'euros dédié aux contrats de plan interrégionaux (CPIER) au profit de massifs ou de vallées fluviales.
Les imperfections de ces contrats au regard des nouveaux périmètres des régions et des changements d'exécutifs vont cependant faire l'objet de nouvelles discussions avec l'Etat en début de l'année. Lors de ses vœux à la presse, ce vendredi, Christian Estrosi a ainsi annoncé une "renégociation" du contrat négocié par son prédécesseur, le socialiste Michel Vauzelle. Il a affirmé avoir obtenu le feu vert du Premier ministre pour y apporter un avenant.