Les consultations se poursuivent à l'Élysée, la "loi spéciale" est prête
Emmanuel Macron a continué ce lundi à consulter les formations politiques en vue de nommer au plus vite un Premier ministre. Une possible réunion en vue d'établir une "plateforme programmatique" est évoquée. La loi de finances spéciale sera présentée dès ce mercredi 11 décembre en conseil des ministres.
Après la courte trêve consacrée à Notre-Dame, Emmanuel Macron a repris ce lundi 9 décembre ses consultations politiques à l'Élysée, cinq jours après la censure de Michel Barnier, afin de nommer un nouveau Premier ministre.
Après les socialistes et les Républicains (LR) vendredi, le chef de l'État a reçu tour à tour lundi matin les représentants des députés indépendants Liot, du parti communiste et des écologistes. Et aurait annoncé son intention de réunir toutes les forces politiques, hors Rassemblement national, pour former un nouveau gouvernement, selon la patronne des Écologistes, Marine Tondelier. Cette "nouvelle méthode" pour construire le futur gouvernement passerait par l'organisation d'une "réunion des différentes forces politiques pour échanger sur une plateforme programmatique", ont indiqué les responsables des Écologistes en sortant de l'Élysée. Une telle réunion pourrait avoir lieu dès ce mardi.
"On a fait un pas ce matin", a de même affirmé à la sortie le patron du PCF, Fabien Roussel, venu avec la "volonté de trouver des solutions" mais sans "mettre des préalables". Pas même celui d'un Premier ministre de gauche, seulement "préférable", ou d'une abrogation de la réforme des retraites - qui pourrait être renvoyée à une "conférence sociale". Les députés Liot ont seulement demandé "quelque chose qui regroupe les différentes sensibilités", et surtout "que ça soit rapide, parce que le pays est dans une situation d'urgence", a résumé leur vice-président Christophe Naegelen.
Aller vite
Toutes les forces politiques souhaitent que les choses aillent vite, sachant qu'il avait fallu 51 jours cet été pour choisir Michel Barnier, et plusieurs semaines dans le cas de ses prédécesseurs Gabriel Attal et Élisabeth Borne. La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a ainsi plaidé pour avancer "rapidement" et désigner un nouveau chef de gouvernement "dans les prochaines heures". Son calcul : "additionner" les députés du "socle commun" (Renaissance, LR, MoDem, Horizons), de Liot et du parti socialiste pour obtenir une majorité absolue au palais Bourbon afin qu'il n'y ait "plus de censure possible".
"Si ce n'est pas un Premier ministre de gauche, nous ne participerons pas à ce gouvernement", a averti le chef des députés socialistes, Boris Vallaud, sur France Inter. Le numéro un du PS, Olivier Faure, avait pourtant proposé vendredi des "concessions réciproques" au président de la République. Mais ce début d'ouverture a réveillé l'ire des Insoumis, qui ont refusé l'invitation au Palais.
À l'autre bout de l'échiquier, le Rassemblement national reste à l'affût. Pas convié à l'Élysée, son président, Jordan Bardella, demande déjà "à être reçu avec Marine Le Pen" par le futur Premier ministre "de manière à pouvoir exprimer très clairement (leurs) lignes rouges". Côté LR, la "préférence" de Laurent Wauquiez va de nouveau vers un Premier ministre issu de son parti, déclarant ne pas juger "crédible" l'hypothèse d'un Premier ministre socialiste. LR reste cependant flou sur les moyens d'avoir une majorité stable à l'Assemblée, ne semblant pas trancher entre rechercher la non-censure du PS ou obtenir la neutralité du RN.
En attendant, les noms continuent de s'égrener pour Matignon. Sébastien Lecornu jeudi, François Bayrou vendredi, Catherine Vautrin voire Jean-Yves Le Drian ce lundi…
Une loi spéciale pour reconduire l'existant
La volonté d'aller vite tient notamment au calendrier budgétaire, avec l'objectif de pouvoir présenter une loi de finances spéciale d'ici la mi-décembre, échéance donnée par Emmanuel Macron lors de son allocution télévisée de jeudi soir. Cette loi devant permettre à l'appareil d'État de fonctionner en l'absence de loi de finances ordinaire est "prête", a assuré lundi le ministre du Budget démissionnaire, Laurent Saint-Martin. "Cela fait cinq jours que je suis au travail depuis la censure de ce gouvernement pour préparer cette loi spéciale qui pourrait être présentée dès le prochain conseil des ministres, il suffit de le réunir pour qu'elle soit présentée", a-t-il déclaré sur TF1. Le texte pourrait être porté par "le gouvernement démissionnaire ou par un nouveau gouvernement", a-t-il ajouté.
Ce sera finalement par le gouvernement démissionnaire... et dès ce mercredi 11 décembre, a fait savoir l'Elysée mardi. Le texte comprendra trois articles, selon une source ministérielle. La principale mesure consistera, comme le prévoit la loi organique aux lois de finances, à autoriser le gouvernement "à continuer à percevoir les impôts existants" jusqu'au vote d'un budget en bonne et due forme. Ce cadre prévoit également la reconduction des dépenses de l'Etat à leur niveau de 2024, via "des décrets ouvrant les crédits applicables". Les deux autres dispositions devraient permettre à l'Etat et à la Sécurité sociale d'emprunter sur les marchés financiers, via leurs agences dédiées (AFT et Acoss), afin d'éviter de se retrouver en cessation de paiements. Selon des sources parlementaires, ce projet de loi sera examiné à l'Assemblée le 16 décembre et son examen est envisagé au Sénat le 18.
Son vote fait peu de doute, la plupart des forces politiques représentées au Parlement ayant déjà fait savoir qu'elles ne s'y opposeraient pas. "Il faut garantir une continuité budgétaire", a ainsi expliqué le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, sur France 2. Les députés Insoumis entendent toutefois déposer un amendement pour "mettre dans cette loi spéciale l'indexation du barème de l'impôt sur le revenu", a-t-il précisé. Cette disposition, prévue dans le PLF pour 2025 avant sa censure, éviterait à "18 millions de Français" de payer plus d'impôts l'an prochain. Mais les avis divergent sur la possibilité de la faire passer via un amendement à la loi spéciale. Le ministre démissionnaire des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, a ainsi mis en garde lundi contre une impossibilité constitutionnelle.