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Développement des territoires - Les conseils de développement peinent toujours à trouver leur place

La plupart des conseils de développement sont en cours de renouvellement. Créés il y a près de dix ans pour associer la société civile aux stratégies territoriales, rares sont ceux qui ont su s'imposer. Tour d'horizon à la veille de leur prochaine réunion de coordination, le 23 mai.

En 1999, la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire (Loaddt) instaure les conseils de développement. Les pays et agglomérations sont invités à se doter d'une telle instance qui regroupe les représentants de l'ensemble des acteurs civils intervenant dans la vie économique, sociale, culturelle, associative du pays. Objectif : associer la population à la définition des grandes orientations d'aménagement et de développement de son territoire. Mais la loi donne peu d'informations sur les modalités de fonctionnement et le poids de ces conseils dans les décisions publiques, qui sont laissées au libre-arbitre des élus. Conséquence : des conseils à géométrie variable. Certains se sont largement développés au fil des années pour devenir une instance quasiment incontournable dont les élus se servent. D'autres peinent encore à rassembler les moyens nécessaires à leur bon fonctionnement. "Sur les 200 conseils de développement en activité, et sur 450 au total, 20 seulement ont vraiment les moyens de fonctionner et de produire des avis, avec en moyenne une à deux personnes permanentes, explique Valérie Grémont, animatrice du conseil de développement de Plaine-commune. A l'inverse, certains disposent seulement d'un mi-temps qui est alors au four et au moulin." Au delà du projet de territoire ou du schéma de cohérence territoriale (Scot), les conseils sont rarement saisis par leur communauté d'agglomération. "Elles s'en tiennent alors au minimum syndical inscrit dans la loi", déplore Valérie Grémont.

Le plus souvent, l'implication des conseils dans les décisions politiques dépend des personnalités des élus. C'est le cas du conseil de développement de Lille métropole, créé par Pierre Mauroy en 2002. A l'époque, l'ancien président de l'agglomération donne au conseil un an pour réussir avec 112 membres, dont un collège d'élus. Au bout de cinq mois d'existence, le conseil est déjà saisi sur le schéma directeur et sur le projet d'agglomération. Après une auto-évaluation, il améliore son fonctionnement. "Nous avons décidé, d'un commun accord, que le conseil ne comporterait plus d'élus, explique Séverine Flahaut, du conseil de développement de Lille métropole. C'était difficile pour eux d'être à la fois juge et partie." Autre modification apportée : le conseil sera renouvelé tous les deux ans par moitié, le dernier renouvellement ayant eu lieu en février 2008.

"La communauté peut nous oublier mais ce serait mal vu"

La plupart des conseils sont actuellement en cours de renouvellement. Certains ont choisi, comme Lille, d'effectuer la tâche avant les élections municipales. D'autres ont préféré attendre la fin de cette période électorale. "Il faut redemander aux bénévoles s'ils souhaitent renouveler leur engagement, souligne Valérie Grémont. C'est l'occasion pour certaines communautés de revoir leur façon de travailler avec les conseils et parfois, mais c'est rare, de se poser la question de leur utilité." La définition de leur mission dans la loi étant très succincte, les conseils de développement ont tout à inventer. Le conseil de développement de la Plaine-commune intervient ainsi sur des thèmes variés, au delà du projet de territoire : les services à la personne, le codéveloppement, les déplacements. "En trois ans, nous avons franchi une marche ; la communauté peut nous oublier mais ce serait très mal vu, assure Valérie Grémont. Mais il faut poursuivre notre action pour transmettre plus largement notre avis." Même démarche pour le conseil de Lille métropole qui a notamment décidé de s'emparer de la question des jeunes. En 2004, grâce à un questionnaire envoyé aux jeunes de 15 à 30 ans (20.000 envois, 5.700 réponses), le conseil leur a donné la parole. 120 jeunes ont ainsi émis des propositions. A la clé : un guide web du logement, mis en ligne par la communauté urbaine, des préconisations sur l'entreprenariat des jeunes, une journée de l'engagement, dont la dernière édition a eu lieu en février 2008, et des "speeddatings" organisés avec les élus. Objectif : donner aux jeunes l'envie de s'engager dans la vie locale, la communauté, le travail et les aider à trouver leur place. Le conseil de développement de Lille s'intéresse aussi aux questions relatives à l'habitat, au développement économique et aux Scot.

Un complément d'avis et non un contre-pouvoir

"C'est le rôle du conseil de développement de donner des avis approfondis sur les sujets essentiels pour le développement du territoire, explique Séverine Flahaut. Mais il doit aussi initier des manifestations et des événements pour donner de la visibilité à un certain nombre d'acteurs et leur donner envie d'aller plus loin." Des manifestations comme le marathon organisé par le conseil entre Lille et Lens, la route du Louvre, qui réunit 10.000 participants et 20.000 spectateurs. Pour rester force de propositions et toujours "innover sur les méthodes", le conseil de Lille a aussi décidé de créer une commission d'évaluation qui fonctionne en veille. Il va prochainement créer une commission des suites pour constater si les avis du conseil ont été pris en compte dans les décisions politiques. "Le conseil doit apporter un éclairage différent de ce qu'apportent les élus, assure Séverine Flahaut. C'est un complément et non un contre-pouvoir ; les élus doivent s'en servir pour puiser des idées et des personnes ressources et pour connaître la vision de la société civile sur leurs décisions." Un rôle qui est d'autant plus efficace qu'il est intégré en amont des processus de décision. "Il faut en moyenne un an pour produire un avis avec six à sept réunions. Le temps d'expliquer la question du conseil, d'échanger et d'établir l'avis en assemblée plénière, explique Valérie Grémont. Il faut donc être sollicité très en amont." Pour favoriser leur implication, les conseils de développement ont décidé en novembre 2007, lors de la huitième édition des Rencontres nationales des conseils de développement, de créer une coordination nationale. Mise en oeuvre le 28 mars dernier, elle permettra d'échanger autour de leur pratique, de leur organisation et d'augmenter leur visibilité au plan national. La prochaine réunion de la coordination doit se tenir le 23 mai 2008. Elle sera notamment consacrée à l'élaboration de la communication des conseils de développement.

 

Emilie Zapalski

 

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