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Marchés publics - Les clauses Molière doivent être considérées comme illégales

Dans une instruction interministérielle datée du 27 avril 2017, le gouvernement a pris position sur la légalité des clauses imposant l’usage du français dans les conditions d’exécution des marchés publics passés par les collectivités. Ces clauses, dites "clauses Molière", sont considérées comme illégales et les préfets sont donc appelés "à les traiter comme telles", dans le cadre du contrôle qu'ils opérent sur les actes de ces dernières.

Le 27 avril 2017, pas moins de quatre ministres (Economie et Finances, Travail, Collectivités territoriales, Intérieur) ont signé une note visant à mettre les choses au clair sur le sujet de la "clause Molière", instaurée par plusieurs collectivités dans leurs marchés au motif de lutter contre le travail détaché (voir nos articles ci-dessous).

Rappel du cadre juridique existant

Dans cette note adressée aux préfets, que l'Apasp s'est procurée, le gouvernement a tout d’abord rappelé les textes, principes et jurisprudences de l’Union européenne qui encadrent la question des travailleurs détachés. La position est claire : d’une part, la libre prestation des services implique qu’une entreprise d’un Etat membre puisse exercer librement son activité dans un autre Etat membre. D’autre part, les mesures visant à protéger les travailleurs ne doivent pas engendrer de discrimination directe ou indirecte à l’égard des travailleurs d’autres Etats membres. En d’autres termes, les critères de sélection d’un marché public ne doivent jamais aboutir à une discrimination fondée sur la nationalité.

Une protection jugée suffisante

Cette instruction interministérielle rappelle également les mesures existantes en droit national en matière de lutte contre le travail illégal. Elle détaille notamment les obligations qu’impose le code du travail à l’employeur qui détache en France ses salariés. Aussi, trois lois promulguées respectivement en 2014, 2015 et 2016 renforcent l’attention que doit porter le maître d’ouvrage dans la lutte contre le travail illégal : la loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances et économiques, et enfin la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. A ce titre, le gouvernement estime que le dispositif de lutte contre l’emploi irrégulier de travailleurs détachés est aujourd’hui suffisant.
Certaines pratiques propres à la commande publique, comme  la demande du maître d’ouvrage aux candidats de fournir une attestation sur l’honneur de non recours au travail détaché, n’ont donc pas lieu d’être. En tout état de cause, ce document ne fait pas partie de la liste de ceux pouvant être demandés au stade de l’examen des candidatures (arrêté du 25 mars 2016) et sa sollicitation à l’égard de l’attributaire d’un marché ne paraît pas plus utile selon le gouvernement.

La clause Molière, un dispositif excédant la volonté du législateur

Concernant la clause Molière plus particulièrement, la note interministérielle prend appui sur l’article L. 5221-3 du code du travail selon lequel les travailleurs étrangers n’ont aucune obligation de parler ou de comprendre le français. De plus, l’article L. 1262-4-5 du même code impose au maître d’ouvrage une obligation d’information dans la langue officielle parlée par les salariés détachés présents sur le chantier. Dès lors, le gouvernement estime que la clause Molière est un dispositif qui va au-delà de la volonté du législateur et, imposer systématiquement l’usage du français sur les chantiers présente alors un caractère discriminatoire.
L’argument avancé par les collectivités selon lequel la clause Molière permettrait d’améliorer l’accès des PME à la commande publique est également rejeté par cette note, cette dernière précisant que des mécanismes existent déjà à cette fin. Une petite porte est laissée ouverte pour certains marchés publics qui, de par leur objet nécessitent la maîtrise de la langue française : c’est notamment le cas pour les marchés de prestations de formations.
Pour conclure, le gouvernement prescrit aux préfets, dans le cadre de leur contrôle de légalité, de "traiter comme illégales" les délibérations des collectivités prévoyant l’utilisation de clause Molière et les contrats contenant de telles clauses.

Référence : Instruction ministérielle du 27 avril 2017 relative aux délibérations et actes des collectivités territoriales imposant l'usage du français dans les conditions d'exécution des marchés.
NOR : ARCB1710251J