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Logement social - Les cinq lauréats de l'appel à projets sur l'architecture de la transformation entrent en incubation

Pierre-René Lemas et Jean-Louis Dumont ont dévoilé, le 8 mars, en présence de la nouvelle ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, les noms des cinq bailleurs sociaux lauréats de l'appel à projets pour une "architecture de la transformation" dans le logement social. Pour eux, débute la phase d'incubation des innovations techniques, sociales et de gouvernance qu'ils entendent mettre en œuvre. Pour le monde HLM, c'est peut-être le début d'une nouvelle ère.

"J'ai assez travaillé avec le monde HLM pour savoir qu'il y a parfois beaucoup de conservatisme, mais aussi beaucoup d'innovation", a déclaré Emmanuelle Cosse, lors l'annonce, le 8 mars, des cinq bailleurs sociaux lauréats de l'appel à projets pour une "architecture de la transformation", lancé en septembre dernier par la Caisse des Dépôts et l'Union sociale pour l'habitat, avec les ministères du Logement, de la Culture et de l'Environnement. La nouvelle ministre du Logement et de l'Habitat durable, ex-élue au logement du conseil régional d'Ile-de-France, a exprimé son "plaisir" - plus que sa surprise – à l'écoute de la présentation des projets d'Actis, Batigère Nord Est, Estuaire de la Seine, OPH 93 et SNI Sud-Ouest.

Un appel à projets bientôt européen ?

Plaisir non dissimulé également pour Pierre-René Lemas, directeur général du groupe Caisse des Dépôts, qui n'a jamais caché vouloir renouer avec l'innovation architecturale dans le logement social. "C'est notre vocation historique !" a-t-il rappelé, évoquant la belle époque des années 60 et 70 qui a vu naître "l'industrialisation du logement social" et "l'habitat moderne", sous l'impulsion des organismes HLM, de la Caisse des Dépôts et des ministères en charge de la construction et du logement.
Pierre-René Lemas a ainsi assuré que les cinq finalistes, mais aussi les 16 candidats présélectionnés en novembre dernier (voir notre article du 3 décembre 2015), seront "suivis" par les directions régionales de la Caisse des Dépôts. Il a également exprimé son souhait de renouveler l'exercice de l'appel à projets "tous les ans, ou tous les 2 ans", peut-être même au niveau européen.

Une "revanche envers ceux qui pensent que les HLM ne sont pas capables d'innover"

Jean-Louis Dumont, président de l'Union sociale pour l'habitat (USH), tient quant à lui sa "revanche envers ceux qui pensent que les HLM ne sont pas capables d'innover". Il met en avant les 52 projets déposés (sur 750 organismes HLM) et assure également de l'appui de l'USH pour tous ceux qui ont été "remarqués". Selon lui, "les propositions des cinq lauréats sont à la fois techniques ou technologiques, mais également d'usages et de processus. Elles vont pouvoir être testées, expérimentées sur des cas concrets avant d'en imaginer la diffusion auprès de tous les bailleurs".
Car débute en ce mois de mars la phase d'incubation pour une durée 8 mois. Elle se fera "dans un cadre d'expérimentation dédié et éprouvé : le Lab CDC (incubateur de projets innovants du groupe Caisse des Dépôts)". Les cinq lauréats bénéficieront ainsi de l'accompagnement (expertise, méthodologie…) et du soutien financier du groupe Caisse des Dépôts (Pierre-René Lemas s'était engagé en septembre dernier à un soutien financier "pouvant aller jusqu'à 100.000 euros" par projet), de l'USH et des partenaires et contributeurs de l'appel à projets (dont Action Logement et le CSTB).
A l'issue de cette incubation, les équipes emmenées par les bailleurs devront présenter, outre des innovations architecturales, les modalités de leur généralisation, techniques, méthodologiques et économiques au service de la transformation de logements sociaux, très sociaux ou intermédiaires.

Actis entend "concevoir l'habitat en bois et terre du 21e siècle"

Au palmarès, Actis se projette à l'horizon 2020 sur les enjeux écologiques, économiques et sociaux de leur développement, en construisant avec des matériaux biosourcés, naturels et locaux, ayant un impact carbone le plus faible possible. Il s'agit pour cet OPH de la région grenobloise de "concevoir l'habitat en bois et terre du 21e siècle construit avec les habitants".
Batigère Nord Est mènera une expérimentation sur le "comportement des bâtiments anciens" (en l'occurrence un ancien sanatorium) et cherchera à "proposer des solutions innovantes permettant d'assurer à la fois le confort des habitants, et une optimisation thermodynamique des édifices".

Estuaire de la Seine veut "proposer un habitat passif pour ses habitants actifs"

Estuaire de la Seine, au Havre, entend trouver des solutions pour "tendre vers le 'zéro charge' en modifiant la gouvernance des projets avec des habitants acteurs de la conception à l'usage" de leur logement. Il veut "proposer un habitat passif pour ses habitants actifs".
L'OPH 93 va "tester, puis rendre reproductible" une filière de production in situ de réemploi de béton dans les démolitions - reconstruction de logements sociaux d'un projet Anru.
La SNI Sud Ouest cherchera à Bordeaux les conditions pour "conjuguer, à l'échelle d'un immeuble urbain, les objectifs de la ville durable (densité, diversité fonctionnelle et sociale, sobriété) et la capacité d'évolutivité et de flexibilité maximales", tout en tirant parti des opportunités ouvertes par la mixité fonctionnelle (habitat, bureau, commerce) pour "renforcer simultanément la valeur d'usage de l'offre logement proposée et l'efficience économique et environnementale du projet".

Habitat 76 cherche à "améliorer le triptyque coût qualité délais"

Un prix spécial du jury a été délivré à Habitat 76 qui anticipe les enjeux du logement social en matière construction par la fabrication 3D, pour "améliorer le triptyque coût qualité délais" et à Osica qui cherche, à Sarcelles, la ville du président de l'Anru, à "inverser la courbe de la mixité sociale en secteur Anru".
Le jury a également délivré quatre mentions spéciales. L'une revient à Aquitanis qui veut, à Biganos (33), "lier urbanisme et matériaux bio-sourcés" pour construire 200 logements "innovants et contemporains" en utilisant les ressources locales d'un territoire. Un autre est attribué au bailleur "Boucle de Seine" qui entend aller, à Genevilliers (92), "vers une gestion plus locale de la production et de la demande en énergie". Habitat et Humanisme est également récompensé pour son projet de Malakoff (92) qui vise à développer un produit d'habitat mobile "qualitatif à haut potentiel", tout en valorisant le foncier temporairement vacant. La quatrième mention spéciale est attribué à Semader qui au Port (974) réfléchit à la réhabilitation d'un site occupé, sur les thématiques de la ventilation et du confort thermique en milieu tropical.

Des projets "extrêmement stimulants"

"L'initiative de la Caisse des Dépôts et de l'USH s'inscrit pleinement dans la direction que nous devons prendre en matière de logement et d'urbanisme, celle de l'habitat durable. Il s'agit d'inventer la ville de demain avec la volonté d'améliorer la cohésion sociale, le respect de l'environnement et de qualité de vie des habitants. Les projets innovants présentés aujourd'hui par les bailleurs sociaux sont à cet égard extrêmement stimulants : les idées et les savoir-faire de l'habitat durable sont déjà là, soutenons-les pour réussir ce pari d'avenir", estime Emmanuelle Cosse. La ministre a toutefois calmé les ardeurs des projets impliquant des dérogations réglementaires, alors qu'ils y avaient été invités dans l'appel à projets. "Il va falloir être prudent", a-t-elle prévenu. Et attendre certainement l'issue du projet de loi, toujours au Parlement, relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine qui prévoit que les collectivités et les organismes HLM pourraient à titre expérimental déroger à certaines règles de construction.