Statut - Les CDI dans la fonction publique : abus, rigidités... Le dispositif est à revoir
La loi du 26 juillet 2005 qui a introduit le contrat à durée indéterminée (CDI) dans la fonction publique, "n'a pas résolu tous les problèmes de précarité", constatent les députés Bertrand Pancher et Bernard Derosier dans un rapport d'information qu'ils viennent de rendre public. L'une des mesures phares du texte limite à six ans maximum le renouvellement des contrats à durée déterminée (CDD), les contrats arrivant au terme de cette période ne pouvant être reconduits qu'à durée indéterminée. Trois ans après sa promulgation, la loi n'a en fait que très imparfaitement atteint ses objectifs. En effet, "plus de 60% des agents non-titulaires ne sont pas recrutés sur des emplois permanents, mais en vertu d'autres dispositions statutaires concernant les besoins temporaires des personnes publiques", expliquent les députés. Or, beaucoup de ces agents qui devraient être employés pour quelques mois, le sont en réalité "pendant plusieurs années", en particulier dans les collectivités.
Les autres difficultés tiennent aux rigidités de la loi. Pour bénéficier d'une reconduction de son contrat en CDI, l'agent en CDD doit avoir occupé le même emploi pendant six ans, de manière continue. Or, beaucoup d'agents ne respectent pas ces conditions. "D'une part, les contrats successifs sont souvent discontinus", expliquent les députés et "d'autre part, les agents non-titulaires cumulent souvent des contrats différents et occupent successivement plusieurs postes dans la même administration".
Au total, la loi "a déçu une partie des agents", puisque certains, en particulier des collaborateurs de cabinet, n'ont pu bénéficier du dispositif. Et ceux qui ont décroché un CDI se sont trouvés face à de grosses difficultés pour changer d'emploi ou obtenir une hausse de leur salaire. En outre, la loi a "rendu perplexes les gestionnaires des ressources humaines". En l'absence de grilles de rémunération - qui d'ailleurs ne sont pas souhaitables selon les auteurs - sur quels critères en effet, peuvent-ils augmenter les rémunérations des agents en CDI ? Et comment peuvent-ils justifier ces hausses de salaires auprès du contrôle de légalité ?
Pour améliorer les conditions de travail des agents en CDI, les deux députés font neuf propositions. Ils suggèrent principalement de faciliter la mobilité de ces agents, qu'elle soit interne ou externe. Les intéressés pourraient notamment changer plus facilement d'employeur, car en retrouvant un emploi de non-titulaire, ils n'attendraient plus à nouveaux six ans pour bénéficier d'un CDI, comme c'est le cas aujourd'hui, mais seulement dix-huit mois. Par ailleurs, les collectivités n'auraient plus à justifier l'augmentation de la rémunération d'un agent employé en CDI "lorsque cette augmentation est inférieure à un seuil déterminé".
Les parlementaires concluent que "le cadre statutaire de la fonction publique n'est pas adapté à l'intégration d'agents en CDI dans les collectivités publiques et qu'une plus grande souplesse serait nécessaire". C'est pourquoi, il est "devenu nécessaire (...) de repenser la place des agents non titulaires dans la fonction publique". Une alternative se pose alors : soit les agents en CDI occupent "un poste unique correspondant à un besoin spécifique" et sont "licenciés lorsque le poste est supprimé", soit ils font "carrière au sein de l'administration".
Auditionné le 22 juillet par la commission des lois de l'Assemblée nationale, le secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique n'a pas indiqué quelle orientation il souhaitait prendre. Le rapport de Jean-Ludovic Silicani, qui sert de base de travail au projet de loi sur la fonction publique qui sera connu au premier semestre 2009, laisse cependant peu d'équivoque. Il entend "redéfinir la place et la nature du contrat dans la fonction publique" en "modernisant" son régime et "en facilitant le passage réciproque entre le statut et le contrat".
Thomas Beurey / Projets publics
Agents en CDI : un nombre "relativement marginal"
La création du CDI dans la fonction publique avait suscité en 2005 de très vifs débats au moment de la présentation de la loi finalement promulguée le 26 juillet de cette même année. Opposé à la réforme du gouvernement, Bernard Derosier, qui présidait déjà le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, avait estimé que "sous couvert de transposition de directives européennes", le gouvernement donnait son feu vert à "une remise en cause de l'égalité d'accès aux emplois publics". D'autres s'inquiétaient de la place prépondérante qu'allait prendre le contrat comme mode d'accès à la fonction publique. Fallait-il vraiment s'inquiéter ? Le bilan établi en 2008 par le député tend à dédramatiser la situation. La place des agents territoriaux employés en CDI apparaît aujourd'hui "relativement marginale". En 2005, la FPT comptait en effet 191.000 contractuels, soit 14% de ses effectifs et au 1er janvier 2006, seuls 0,8% des agents territoriaux non-titulaires bénéficiaient d'un CDI.
Un autre constat est tout aussi intéressant : il apparaît à présent que la transformation des CDD en CDI n'était pas à l'époque la seule solution. "La France aurait pu mettre en place d'autres types de mesures que le CDI pour lutter contre le recours abusif aux CDD, par exemple en instaurant des sanctions financières à l'encontre des employeurs publics qui laissent leurs agents enchaîner les CDD."