Décentralisation - Les acteurs de l'habitat pour la prise en compte des spécificités territoriales
Au réseau des acteurs de l'habitat, on ne s'émeut pas outre mesure de la dernière version en circulation de l'avant-projet de loi sur la décentralisation, celle datée de février 2013 et destinée à la concertation avec les associations d'élus (voir ci-contre). On attend de voir ce qui ressortira plus généralement des "feux croisés des politiques publiques et des textes législatifs" au milieu desquels se situent les questions de l'habitat, comme le soulignait la politologue Brigitte Fouilland.
Une attente autant porteuse de craintes que d'espoirs : tel est le sentiment qui se dégageait à la sortie de la matinée "Quoi de neuf, acteurs ?", où cinq élus ont débattu de la gouvernance de l'habitat après l'acte III de la décentralisation, dans le cadre de la journée d'actualités organisée par le réseau des acteurs de l'habitat, jeudi 7 février.
Ne rien imposer
Chacun était dans son rôle, à défendre son point de vue, son institution et son expérience, mais sans jamais vouloir l'imposer aux autres. C'est qu'indubitablement, dans le réseau des acteurs de l'habitat, on est respectueux des spécificités territoriales. Frédéric Bierry, vice-président du conseil général du Bas-Rhin, dit que son département a fait preuve d'efficacité dans la mise en œuvre de la délégation des aides à la pierre. Qu'il aille plus loin en bénéficiant d'un transfert de compétence, s'il souhaite s'affranchir des zonages nationaux et exercer un pouvoir réglementaire !
Emmanuelle Cosse, vice-présidente de la région Ile-de-France, présidente de la commission logement de l'ARF, argumente sur le fait que, en l'absence d'intercommunalités efficientes, une instance régionale doit être aux manettes des politiques de l'habitat franciliennes, sur un périmètre qui couvre la zone dense et les franges périurbaines de la région capitale. Pourquoi pas ?
Une future métropole serait prête à se voir transférer les compétences habitat, mais sans l'hébergement d'urgence, ni les Dalo, ni les demandeurs d'asile... Ca se défend… Un élu breton considère que sa collectivité doit prendre toutes ses responsabilités en matière de logement et ne pas laisser à l'Etat ce dont on ne veut pas. Il n'a pas tort non plus.
Au fait, c'est quoi un "chef de file" ?
Pour autant, il ne faut plus parler de gouvernance "à la carte" : aujourd'hui, on dit "spécificités territoriales", fil rouge de la future loi de décentralisation. C'est que les mots ont leur importance, ainsi que l'a souligné Philippe Méjean, enseignant chercheur à l'université d'Aix-en-Provence, en invitant les participants et les intervenants en tribune à rédiger la définition qu'ils se font du "chef de file", et la différence avec la notion d'autorité organisatrice.
Pour Jean-Philippe Motte, vice-président de Grenoble Alpes Métropole en charge de l'habitat, les deux notions se rejoignent : "dans un lieu où les acteurs locaux décident ensemble d'une politique locale de l'habitat traduite en termes d'objectifs et de moyens, le chef de file est celui qui organise ce collectif d'acteurs". Et d'ajouter : "pour nous, c'est la communauté d'agglomération".
Selon Sylvain Tranoy, vice-président de la communauté d'agglomération de Cambrai en charge de l'habitat, et représentant de la Fédération des villes moyennes, le chef de file est nécessairement "une collectivité territoriale qui a une vocation opérationnelle". "A la FVM, nous estimons que c'est l'EPCI et s'il ne le peut pas, c'est le département."
"Faisons une boîte à outils qui permettra au terrain de trouver la solution pour résoudre ses problèmes", résume à sa manière Jean-Louis Dumont, député de la Meuse, président de l'USH.
Un chef d'orchestre ?
Du côté de l'Etat central, Jean-Marc Michel, DGALN (directeur général de l'aménagement, du logement et de la nature, ministère de l'Egalité des territoires et du Logement), a usé de la métaphore en comparant le chef de file au chef d'orchestre. "Dans un orchestre, rien n'empêche le premier violon de jouer solo, y compris hors orchestre quand il le souhaite ; mais quand les musiciens sont ensemble, il faut quelqu'un pour aider la mise en œuvre de la partition (quand un chef d'orchestre pilote mal, ça s'entend)." Et s'il y a des couacs, "ce n'est pas forcément le chef d'orchestre qui doit rendre des comptes", précise Jean-Marc Michel, qui ne dit mot, dans son allégorie, du compositeur de la partition…
Pour ceux qui auraient encore des doutes, il leur reste à "espérer", comme Frédéric Bierry, en "la sagesse des territoires pour trouver un mode de gouvernance".