Energie - L'éolien en quête d'un nouveau souffle...fiscal
"Nous devons veiller à maintenir l'effort dans les territoires pour développer les énergies alternatives. La réforme de la taxe professionnelle tuera certainement l'éolien si nous ne revenons pas dessus." Bruno Sido, sénateur UMP de Haute-Marne et co-rapporteur du projet de loi Grenelle 2, a fait figure de Cassandre lors d'un débat en séance publique sur la fiscalité des énergies renouvelables qui s'est tenu au palais du Luxembourg le 11 mai. Alors que les objectifs nationaux à atteindre sont de 23% d'énergies renouvelables en 2020, "on parle d'une diminution d'un facteur 4, à savoir des incitations quatre fois moins intéressantes qu'aujourd'hui. On constatera donc un arrêt des éoliennes et du photovoltaïque dans les années qui viennent", a prédit Jean-Paul Alduy, sénateur UMP des Pyrénées-Orientales.
Même pessimisme de la part de son collègue UMP de Haute-Marne, Charles Guené, chargé d'une mission, avec cinq autres parlementaires, sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle : "La fiscalité mise en place pour l'éolien risque d'avoir des conséquences désastreuses sur cette filière." "Le nouveau système [issu de la loi de finances pour 2010, NDLR] aboutit à distinguer deux catégories de collectivités, suivant que leur parc éolien a été mis en oeuvre avant 2009 ou après. Une petite ferme de cinq éoliennes produisant 2 MW aurait perçu 70.000 euros. Elle n'en percevra plus que 25.000", a-t-il illustré. "Comment un maire va-t-il pouvoir convaincre ses administrés alors que le gain attendu sera très faible ? Il est indispensable de rétablir un dispositif incitatif propre à relancer la filière", a prévenu le sénateur.
Dans le cadre des clauses de revoyure, il a indiqué que deux propositions avaient pour l'instant été arrêtées. La première distingue trois sortes de collectivités selon le point où elles en sont sur l'installation de l'éolien : celles qui n'en sont qu'aux préliminaires et disposent de toute latitude pour interrompre le processus d'implantation sans préjudice ; celles qui, ayant déjà perçu la taxe professionnelle en 2009, bénéficieront d'une compensation aux termes de la réforme et ne seront donc pas pénalisées ; enfin, celles qui seraient déjà titulaires d'un permis de construire à une date donnée et qui pourraient bénéficier de la même compensation dans la mesure où elles auraient atteint un point de non-retour. La date d'effet retenue pourrait être le 1er janvier 2010 ou la date de promulgation du texte de revoyure. Mais ces dispositions ont un inconvénient, a souligné Charles Guené : les collectivités qui obtiendront un permis de construire postérieurement seront soumises au régime nouveau. Dès lors, "on peut craindre que la filière de l'éolien ne soit pas promise à un grand avenir", a-t-il souligné.
D'où l'idée de rehausser, uniquement pour le secteur de l'éolien, le remplaçant de la taxe professionnelle pour les entreprises du secteur de l'énergie, l'Ifer (imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux) fixé à 2,9 euros du kilowattheure dans la loi de finances 2010. Le sénateur de Haute-Marne suggère aussi que la part départementale de l'Ifer revienne au bloc communal car "les conseils généraux sont beaucoup moins concernés et impactés par les contraintes visuelles". "Ce sont les maires qui sont considérés comme responsables du développement éolien", a-t-il insisté.
Jacques Muller, sénateur vert du Haut-Rhin, a lui aussi dénoncé une "prise en otage financière" des collectivités territoriales mais souhaite que la hausse de l'Ifer s'applique à toutes les énergies et pas uniquement à l'éolien.
Intervenant à la fin du débat, la secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, Anne-Marie Idrac, a jugé "intéressantes" les pistes proposées par Charles Guené et déclaré que Christine Lagarde, ministre en charge des finances, "les examinera avec attention".
Anne Lenormand