Développement des Legaltech : l'accélération post Covid

Comme pour beaucoup de secteurs de l’économie française, la pandémie a profondément impacté le monde juridique, l’amenant à une nécessaire adaptation, voire réinvention.

Temps de lecture : 3 minutes 

 

D’une part, le premier confinement a marqué pour certaines activités judiciaires (e.g. les constats d’huissier) un arrêt brutal. En toute logique, l’application de mesures de distanciation sociale, rendaient leur tâche impossible à effectuer.

De plus, une fois les mesures sanitaires édictées, la continuité de l’activité juridique a pu là aussi se trouver limitée par des manques de matériels informatiques ou encore leur non-adaptation aux principes du télétravail (e.g. postes fixes) alors même que les juristes ont dû affronter un pic législatif sans précédent (25 ordonnances en une même journée par exemple).

C’est dans ce contexte professionnel difficile que s’insèrent les LegalTech, en proposant des approches innovantes face aux spécificités des missions des juristes. Côté demande, les professionnels restés jusque-là étrangers au distanciel ont, pour certains, vécu le « 100% télétravail », invitant de facto cette thématique dans le débat sur le futur des offices et cabinets. Côté offre, les LegalTech développent les outils permettant d’automatiser, dématérialiser et simplifier des processus ou tâches variées.

En ce sens, selon le rapport de Wolters Kluwer intitulé 2021 Avocats et juristes face au futur : Au-delà de la pandémie  regroupant des données sur 9 pays européens et les Etats-Unis, près de 80 % des avocats interrogés reconnaissent que la pandémie a accru leurs besoins en solutions technologiques. Un répondant sur trois affirme même avoir déjà collaboré avec une entreprise de type LegalTech. Ainsi, si la crise du Covid 19 a été le catalyseur de l’intégration de la LegalTech, l’utilisation de ces outils innovants a vocation à s’inscrire de manière pérenne au sein de l’activité juridique. 

Les outils digitaux : des indispensables, aux accessoires 

Premièrement, certains services structurels de base sont un préalable indispensable à toute digitalisation plus poussée des activités. Logiquement, l’accès à un serveur commun sécurisé et la fourniture d’un ordinateur professionnel ont été les premières étapes à suivre.

La digitalisation a ensuite touché l’activité juridique plus en profondeur. Ainsi, la tenue à distance des assemblées générales (cf. solutions EasyQuorum, ou encore MonJuridique) a été indispensable pour un bon nombre d’entreprises. Cette nouvelle façon d’aborder les échanges et prises de décision en entreprise a foncièrement transformé le rapport au digital des employés du secteur juridique. Dans la continuité, des solutions de dématérialisation des contrats (e.g. Iloh, et HyperLex), souvent accompagnées de moyens de signature électronique (e.g. Signaturit, DocuSign)  se sont démocratisés. Au cours de cette période, ils ont su devenir des outils essentiels à la vie commerciale de toutes les professions juridiques.

Au-delà de ces principaux outils, d’autres solutions innovantes ont aussi fait une apparition marquée à la faveur de la crise sanitaire.

Souvent utiles, les chatbot (i.e. assistants conversationnels) ont par exemple permis de juguler l’afflux de questions clients fréquentes et récurrentes.  Les legalbot se sont également développés (e.g. Seraphin), ces assistants juridiques virtuels permettent notamment d’améliorer la rapidité des réponses juridiques fournies.

Toujours dans une logique de facilitation du traitement et de l’analyse de l’information, les outils de veille juridique comme Doctrine ou Lexis 360 Intelligence améliorent le travail de suivi, de sélection et de contrôle des nouvelles obligations réglementaire en ciblant les textes concernant les offices, études et cabinets. Dans un environnement réglementaire marqué par une inflation législative et ponctué par les incertitudes liées au contexte sanitaire, ces outils centralisent l’information juridique pertinente, alertent des dernières actualités juridiques et optimisent la maîtrise de l’environnement juridique d’un marché donné.

Enfin, la crise sanitaire a clairement poussé entreprises et collaborateurs à faciliter la gestion du travail au quotidien, tout particulièrement dans des configurations de travail à distance. Ils sont donc nombreux à s’être tournés vers l’usage de plateformes de gestion de projet, de centres de données et documents numériques, etc.

Vers une transformation des métiers juridiques ?

La crise du Covid 19 a définitivement transformé l’environnement de travail (outils, méthodologies, modalités etc.) des métiers du juridique. Cela pose nécessairement la question de l’avenir de ces professions, dans un contexte de digitalisation croissante de leurs activités. Une première réponse à apporter porte sans contexte sur les besoins de formation à l’usage de ces nouvelles technologies. Si ces dernières sont toujours plus ergonomiques et simples d’utilisation, leur insertion rapide au sein des entreprises a pu créer des irritants pour certains collaborateurs et clients. Il s’agit donc de fournir aux collaborateurs les meilleurs outils, mais aussi de leur en faciliter l’usage afin qu’ils puissent assurer les missions qui leur sont confiées de la meilleure des façons.

Enfin, la rationalisation d’un certain nombre de tâches pose la question de la définition du véritable cœur de métier des fonctions et métiers du juridiques. En libérant du temps de travail pour des tâches à plus forte valeur ajoutée, ils pourront de plus en plus se tourner vers un rôle de conseil auprès de leur clientèle, favorisant par-là les échanges et remettant leur travail d’expertise et d’accompagnement au centre des préoccupations des clients.

Zoom sur l’état des LegalTech pendant et après la crise

Conformément à l’étude menée par Wolters Kluwer et Maddyness, force est de constater une chute importante des montants de levées de fonds sur la période de la crise sanitaire. Ainsi, on constate une baisse de 66% en 2020 après avoir atteint 52,1 millions en 2019. Parallèlement, le nombre d’entreprises créées en 2020 représente seulement 3,6% des acteurs. Certes, pour une majorité fine (50,6%) la crise sanitaire a eu un impact positif. Toutefois, le ralentissement général de l’économie sur les deux derniers trimestres de 2020 a pesé sur les chiffres d’affaires.

Si à court terme la crise est un mur en plus à franchir pour bon nombre de structures naissantes, elle a également été une bonne évaluation des technologies. A moyen terme, le point de maturité du marché est sans aucun doute rapproché. En effet, les LegalTechs bénéficieront de clients plus ouverts sinon demandeurs de leurs innovations. Alors qu’elles souffraient hier encore d’un déficit de notoriété venant des professionnels du droit, sinon de réticence, la bataille des idées semble en voie d’être définitivement gagnée, tout du moins pour la digitalisation.