Interview Alexandre Grux : CEO Hyperlex
Hyperlex (éditeur d’une solution de contract management) et DiliTrust (éditeur d’une suite intégrée conçue pour les services juridiques), deux pépites françaises de la LegalTech, viennent de fusionner. Objectif : devenir un champion européen au niveau mondial ! Retour sur la success story d’Hyperlex. avec l'interview d'Alexandre Grux, cofondateur d’Hyperlex et chief product officer de DiliTrust.
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Vous n’êtes pas issu de l’univers du droit. Est-ce un frein pour créer une LegalTech ?
Alexandre Grux : effectivement, je suis ingénieur. J’ai suivi un cursus scientifique à l’École normale supérieure (ENS) de Paris-Saclay, puis j’ai décroché un MBA du Collège des Ingénieurs. Mais ce n’est en rien gênant, bien au contraire.
Aux débuts de la LegalTech, beaucoup de start-up étaient créées par des juristes, car légitimes sur les aspects métiers. Mais, éditer un logiciel juridique comporte une forte dimension technique, ne serait-ce que pour sécuriser les données. Les outils doivent entrer dans des standards techniques pour rassurer les clients. En parallèle, la start-up doit se conformer à des standards financiers pour accéder aux financements nécessaires à son développement. C’est pourquoi, petit à petit, le secteur de la LegalTech est investi par des non-juristes, des spécialistes de la technologie et de la gestion des start-up. Et, à n’en pas douter, ces succès vont attirer d’autres entrepreneurs sur le marché de la LegalTech.
Comment vous est venue l’idée de créer une LegalTech et Hyperlex en particulier ?
Alexandre Grux : à l’issue de mes études, en 2008, je me suis frotté à l’entrepreneuriat en lançant, avec un autre étudiant italien, une société de production de bornes interactives pour diffuser des services Web dans les lieux publics. Malheureusement, l’essor du smartphone a profondément bouleversé les usages et par là même notre business.
De cette expérience, j’ai conservé le goût de la création d’entreprise, mais j’ai décidé d’explorer l’innovation et la R&D dans d’autres secteurs d’activité. C’est lors de mon expérience au sein de la fintech Kyriba que les premiers fondements d’Hyperlex ont été posés. J’y ai rencontré mon futur associé, Alexis Agahi. J’ai eu la chance de vivre de l’intérieur l’ascension d’une start-up à forte croissance. Et, en tant que responsable de la recherche, j’ai pu dresser le constat que les outils de contract management étaient souvent cantonnés à certaines populations (commerciaux, juristes…). En outre, le suivi des engagements contractuels dans le temps était complexe, a fortiori en cas de départ des collaborateurs. Dans ce cas spécifique, le passif contractuel, comme l’historique des négociations, est alors difficile à transmettre.
Quelques années plus tard, en 2016, qu’Alexis Agahi et moi-même nous sommes retrouvés autour de l’envie d’entreprendre. Nous étions associés avant d’avoir déterminé la nature de notre projet. L’entrepreneuriat est avant tout une association de personnes. Une bonne cohésion entre les fondateurs dès le départ permet d'insuffler un solide esprit d'équipe à celles et ceux qui les rejoignent par la suite. Puis, forts de notre expertise dans les logiciels et la gestion des données sensibles, nous nous sommes logiquement orientés vers la création de notre LegalTech dans le domaine de la gestion des contrats. C’est ainsi qu’Hyperlex voit le jour en septembre 2017, après un an de travail de prototypage et de pistes d’interaction avec des prospects.
Quels sont les atouts différenciants de la solution Hyperlex ?
Alexandre Grux : c’est le positionnement même d’Hyperlex qui fait toute la différence. Notre outil s’adresse à la fois aux juristes et aux opérationnels non-experts. Cette double approche est un ingrédient essentiel du succès de notre solution de contract management.
Concrètement, notre outil offre des fonctionnalités avancées pour les juristes comme, par exemple, un moteur de recherche de clauses. Mais, notre plateforme en ligne prend également en compte les besoins des opérationnels en proposant une interface simple, gage de leur autonomie. Nous prêtons une attention toute particulière à l’UX, alias l’expérience utilisateur, avec notamment une équipe dédiée.
Autre facteur différenciant : nous avons investi dès le début pour nous doter des meilleures technologies, notamment en matière d’intelligence artificielle (IA). À l’époque du lancement d’Hyperlex, il n’existait pas d’IA dédiée aux contrats et respectant la confidentialité et la sécurité des données. Nous l’avons développée en interne grâce à une équipe de data scientists et les conseils d’experts tels que Nicolas Vayatis, l’un de nos actionnaires fondateurs et co-directeur du master MVA (Mathématiques, Vision, Apprentissage) de l’ENS Paris Saclay.
Notre outil et notre entreprise ont été plusieurs fois primés. Par exemple, par deux fois, en 2020 et en 2021, Hyperlex a été récompensée du Trophée d’or de la meilleure Legaltech lors du Sommet du Droit.
Quelles ont été les grandes étapes du développement d’Hyperlex ?
Alexandre Grux : tout commence par la signature de nos premiers clients, comme la Chambre des Notaires de Paris, Rakuten ou encore Ladurée.
Puis, en 2019, nous remportons notre premier appel d’offres auprès d’un grand groupe présent à l’international, Geodis. Cette étape a été décisive, que ce soit en termes de crédibilité, de motivation ou de business. Elle nous a en effet mis le pied à l’étrier à l’international. Le gain d’un autre appel d’offres a été très structurant pour Hyperlex : celui du groupe TotalEnergies, notre premier client du CAC 40 ! Cette fois-ci, nous nous sommes imposés face à des concurrents internationaux, notamment américains. Ce beau succès a constitué un message fort pour le marché mais aussi pour les équipes d’Hyperlex. Malgré notre statut de start-up, nous sommes reconnus comme un acteur de confiance, fruit d’un travail et d’un engagement collectifs.
Il faut reconnaître que nous investissons du temps et de l’argent pour rester au plus haut niveau de service et de sécurité. Nous faisons partie des premières LegalTechs à être certifiée ISO 27 701, norme internationale particulièrement exigeante en matière de protection des données à caractère personnel.
Enfin, dernière actualité en date, mais non des moindres : le rapprochement entre Hyperlex et DiliTrust annoncé en juillet. C’est évidemment une étape capitale. Une nouvelle aventure commence !
Quels sont les motivations, les ambitions et les objectifs de ce rapprochement avec DiliTrust ?
Alexandre Grux : nous partageons avec DiliTrust une vision, des valeurs, des ambitions, une passion commune pour la technologie au service du juridique... Nous avions par exemple un projet de déploiement à l’international similaire en Allemagne. Par ailleurs, nos offres sont complémentaires. Si bien que nous avions des interactions commerciales depuis des années déjà. Nos équipes commerciales avaient d’ailleurs de suggérer nos outils respectifs.
Cette fusion représente une formidable opportunité d’aller plus vite et plus loin ensemble. Elle doit nous permettre de devenir un leader européen de la LegalTech sur la scène mondiale. Notre offre, la plus riche du marché, s’impose comme une alternative sérieuse et GDPR friendly aux acteurs américains.
DiliTrust propose une suite logicielle Governance composée de différents modules qui peuvent tous être souscrits indépendamment : digitalisation des instances, gestion des entités juridiques, gestion des litiges et contentieux, fonds documentaire permanent et gestion de contrats. Ce dernier module est remplacé par la solution Hyperlex. La stratégie de DiliTrust est de proposer des modules best of breed, c’est-à-dire les meilleurs de leur domaine. Il existe des synergies et des passerelles entre les modules qui créent de la valeur pour les utilisateurs. Notre fusion avec DiliTrust va notamment permettre de déployer la technologie IA à l’ensemble des modules.
Pour financer votre croissance, avez-vous levé des fonds ?
Alexandre Grux : effectivement, Hyperlex a organisé deux levées de fonds, la première en 2017 pour un montant d’1 M€, puis une seconde en 2019 pour un montant de 4 M€.
DiliTrust, pour sa part, a levé 130 M€ en mai dernier afin de soutenir ses ambitions : accélérer sa croissance, notamment à l’international, et appuyer sa démarche d’innovation. Un plan de recrutement mondial, de 70 à 80 personnes, va être ouvert sur les douze prochains mois. Le marché est en tension sur certaines fonctions techniques. Mais, la force de DiliTrust est de pouvoir recruter à l’international par le biais de ces différentes implantations (Canada, Espagne, Italie…). Cela permet de dépressuriser un peu ces tensions de recrutement !
- Pour approfondir le sujet, lisez notre article L’emploi dans la LegalTech : la pénurie