L'éducation française trop centralisée, juge l'OCDE
Dans ses "Perspectives des politiques de l'éducation pour la France", l'OCDE pointe une gouvernance qui ne fait pas assez de place aux décisions locales. L'organisation remet également en cause les inégalités de financement entre le primaire et le secondaire.
Quelles perspectives pour les politiques de l'éducation en France ? Pour la deuxième fois, après une première analyse en 2014, l'OCDE s'est posé la question. Ses réponses sont contenues dans une étude récemment publiée. Il en ressort un sentiment mitigé. Par les résultats des élèves d'abord. Ils s'inscrivent légèrement au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE. Mais sont marqués par de nettes disparités : "Les élèves français de milieux socioéconomiques défavorisés sont cinq fois plus nombreux que ceux de milieux favorisés à ne pas atteindre le niveau minimal de lecture." L'OCDE note encore que "la plupart des établissements bénéficient d'un climat propice à l'apprentissage". Tout en précisant que la France fait partie des pays "où le climat d'indiscipline dans les classes est le plus élevé". Voilà pour l'aspect purement scolaire. Il reste deux sujets où la France se distingue encore : la gouvernance des établissements et le niveau de financement des différents degrés éducatifs.
Des décisions trop centralisées
"La France a un système éducatif centralisé", écrit l'OCDE. L'État y définit les orientations pédagogiques et les programmes d'enseignement, assure le recrutement, la formation et la gestion des personnels de direction des établissements et des enseignants. Et cela dans l'enseignement public comme dans le privé sous contrat. Les collectivités territoriales, elles, assurent le "fonctionnement matériel" du système. Les instances déconcentrées (académies et rectorats) ont aussi leur rôle. Il n'empêche : 55,2% des décisions dans le premier cycle de l'éducation secondaire public sont prises au niveau de l'État central. Contre 23,8% pour l'ensemble des pays de l'OCDE. Seules 26% des décisions sont prises au niveau régional ou départemental pour le collège, par l'État décentralisé ou les collectivités territoriales.
Et l'OCDE de lancer un "défi" à la France : "Décentraliser la gestion des enseignants et donner davantage d'autonomie aux chefs d'établissement."
Parmi les autres défis lancés par l'organisation, l'un concerne le financement des établissements. En France, il provient de fonds publics pour 87%, contre 83% en moyenne. L'OCDE le juge "relativement transparent et cohérent". Mais quelque chose chagrine les auteurs de l'étude : "La France présente toujours un écart manifeste dans la répartition des dépenses d'éducation par élève entre l'élémentaire et le secondaire (à l'avantage du secondaire) et aussi entre les institutions du supérieur." En chiffres, cela donne 7.603 dollars par an et par élève dans le primaire en France contre 8.470 dollars en moyenne dans l'OCDE. Quand le collégien français bénéficie de 10.599 dollars par an, un montant supérieur à la moyenne (9.884 dollars).
Des moyens pour le numérique
Ce manque de moyens se traduit concrètement : "Deux directeurs d'école élémentaire en France sur cinq déclarent que l'accès insuffisant à Internet porte atteinte à la capacité de leur école à dispenser un enseignement de qualité. Ils sont également 57% à évoquer un matériel numérique à usage pédagogique insuffisant ou inadapté."
À propos de numérique encore, lors de la présentation d'un autre travail de l'OCDE – Regards sur l'éducation – ce mardi 8 septembre, on a appris qu'en 2018, seuls 36% des enseignants français déclaraient inviter leurs élèves à utiliser les technologies de l'information et la communication pour des projets ou des travaux en classe, contre 53% en moyenne. La crise sanitaire et l'obligation de faire l'école à distance durant deux mois au printemps 2020 ont-ils changé la donne ? Pas impossible. "On a souvent dit à l'OCDE que les enseignants français étaient en retard dans la maîtrise des outils numériques. Aujourd'hui, ils sont dans une meilleure situation et mieux préparés" en cas de nouveau confinement, a commenté Éric Charbonnier, expert en éducation de l'OCDE.
En termes de financement, les défis de l'OCDE portent finalement sur trois points. D'abord allouer davantage de ressources aux établissements défavorisés. Ensuite rééquilibrer les dépenses entre l'élémentaire et le secondaire. Enfin, accroître les ressources des universités ainsi que la participation des étudiants défavorisés.