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Communication - Le trou noir des dépenses de communication des collectivités

Alors que la région Ile-de-France est suspendue à la décision du Conseil d'Etat sur une éventuelle annulation de l'élection de Jean-Paul Huchon, en raison de la diffusion d'une campagne de communication sur les transports franciliens durant la période préélectorale, une question écrite posée par un député apporte une réponse - ou plutôt une non-réponse - intéressante sur le sujet lancinant des dépenses de communication des collectivités. Dans sa question, Francis Saint-Léger, député (UMP) de la Lozère, souhaite ainsi attirer l'attention du ministre de l'Intérieur sur ces dépenses. Il affirme notamment que "le budget de certaines collectivités territoriales a connu une évolution exponentielle ces dernières années" et souhaite connaître le sentiment du ministre sur ce point.
En l'occurrence, l'intérêt est moins dans la question - l'explosion supposée des dépenses de communication fait partie des récriminations et des enjeux politiques traditionnels - que dans la réponse du ministre de l'Intérieur. Celle-ci sonne en effet comme un aveu d'impuissance, car "les dépenses de communication ne sont pas appréhendées comme telles dans les budgets locaux". Plus précisément, "les rubriques ventilant les dépenses par fonction dans les instructions budgétaires et comptables ne font apparaître qu'imparfaitement ces dépenses, le plus souvent imputées aux services généraux des administrations publiques locales, mais qui peuvent relever par exemple de l'action économique (promotion du territoire) ou des interventions sociales et de santé (information des bénéficiaires, prévention)". Même en supposant que le premier obstacle soit surmonté, il en resterait néanmoins un second. La nature même des dépenses comptabilisées est en effet très hétérogène, certaines collectivités intégrant les dépenses de personnel du service communication, quand d'autres recensent uniquement les prestations et achats externes... Conséquence : "Si l'analyse dans les budgets locaux des dépenses exécutées au chapitre budgétaire 'publicité, publications, relations publiques' permet d'identifier certaines dépenses de communication, elle ne permet toutefois qu'une analyse partielle de ces dépenses". Dans sa réponse, le ministre de l'Intérieur ne cache pas son scepticisme sur la possibilité d'améliorer la transparence en la matière : "Au demeurant, l'individualisation de ces dépenses dans les documents budgétaires des collectivités territoriales serait sans doute difficile à mettre en oeuvre et la qualité de l'information déclarée difficilement contrôlable". Une opacité qui contribue très largement aux critiques - voire aux fantasmes - sur les dépenses de communication, qui se sont pourtant fortement professionnalisées ces dernières années et qui ne représentent qu'une infime fraction des dépenses des collectivités territoriales.
Il y quelques années, de courageux pionniers avaient pourtant tenté d'y voir plus clair dans cette jungle (voir notre article ci-contre du 8 décembre 2006). Il s'agissait en l'occurrence de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'évolution de la fiscalité locale. Dans son rapport, remis en juillet 2005, celle-ci s'était livrée à une audacieuse tentative de chiffrage, à partir des réponses obtenues par le rapporteur auprès de 17 régions. Il en ressortait que les crédits de communication des régions représentaient seulement 0,38% de la dépense réelle totale pour l'année 2005. Mais - déjà à l'époque - le rapporteur reconnaissait que ce chiffre n'était que le reflet partiel de la réalité des budgets, compte tenu de la dispersion des dépenses sur plusieurs lignes budgétaires. Le trou noir des dépenses de communication des collectivités territoriales n'est donc pas près de s'éclaircir...