Le tourisme urbain, entre fragilités et atouts
Un récent podcast de France urbaine a mis en lumière les caractéristiques du tourisme urbain. Si de fortes fréquentations touristiques peuvent menacer le patrimoine et la tranquillité des habitants, les villes disposent de plusieurs atouts pour s'en préserver.
"Un tourisme qui ne transforme pas la ville mais une ville qui transforme les touristes." C'est par cette belle formule que Laurent Lhardit, adjoint au maire de Marseille chargé du dynamisme économique, de l'emploi et du tourisme, a posé le débat du podcast "Échos urbains", proposé par France urbaine le 4 avril sur le thème "Nos villes peuvent-elles continuer à accueillir autant de touristes ?".
C'est qu'avec 23,6 milliards d’euros générés par les villes en matière de tourisme, soit la plus forte consommation touristique en France, le tourisme urbain a un impact sur la ville. En témoigne la publication par le guide Fodor's Travel, fin 2022, des dix destinations à éviter dans le monde où figurent deux sites français : les falaises d'Étretat et les calanques de Marseille.
Comme l'indique France urbaine en présentation de son podcast, "le secteur du tourisme est aujourd'hui confronté à un défi majeur de mutation face aux enjeux climatiques et est régulièrement interpellé par les débats sur l’attractivité et les dérives du 'surtourisme' : dégradation des sites, pollution, perte de biodiversité..." Dès lors, la question de savoir comment concilier tourisme d’agrément et écologie était lancée.
Acceptabilité locale
Louisa Marrone, responsable du pôle tourisme urbain d’Atout France, a d'abord rappelé que certains sites français étaient "effectivement confrontés à de fortes affluences" mais que ces phénomènes étaient "généralement saisonniers ou ponctuels", à l'image de la braderie de Lille, des marchés de Noël à Strasbourg ou du festival d'Avignon. Si en France, la fréquentation internationale est nettement plus étalée que celle d'autres destinations du bassin méditerranéen, "les désagréments liés au surtourisme, ajoute Louisa Marrone, sont à prendre très au sérieux car ils peuvent entraîner des dégradations territoriales qui peuvent se traduire par des nuisances pour les habitants et dégrader l'expérience touristique elle-même".
L'acceptabilité du tourisme par les habitants est d'ailleurs un sujet désormais pris très au sérieux par les responsables locaux. Laurent Lhardit témoigne : "On vit une situation spécifique à Marseille qui, il y a vingt ans, n'était pas une ville touristique. Désormais, la fréquentation est de plus en plus importante chaque année. Ce changement pose une question : la manière dont ce tourisme est perçu à l'intérieur de la ville. Et il ne peut y avoir de réponse que vers les seuls professionnels du tourisme, une erreur qui a souvent été commise. Ce qu'on souhaite c'est associer largement les habitants à notre politique de développement touristique. Le tourisme ne se développe pas de façon harmonieuse contre les habitants, c'est impossible." L'élu marseillais reconnaît en outre que "le rejet est visible sur des zones surfréquentées. Se retrouver dans un endroit avec beaucoup de touristes n'est profitable pour personne, ni pour les visiteurs ni pour les habitants".
Faire mieux plutôt que plus
Que ce soit en termes strictement environnementaux ou plus largement sociaux, le tourisme en ville doit s'adapter, faire mieux plutôt que plus. "Il est essentiel pour un territoire de réfléchir en amont à sa charge maximale afin de pouvoir piloter l'ensemble des paramètres comme l'offre touristique stricto sensu mais aussi des services d'accompagnement : logement des travailleurs saisonniers, ramassage des déchets, urbanisme", estime Louisa Marrone.
Une formule revient dès lors dans la bouche des intervenants : développer des stratégies de gestion des flux. Il peut s'agir de flux sur l'année ou sur des temps courts. "Un des leviers est de développer une politique touristique très orientée vers la culture avec une promotion événementielle hors saison estivale", pointe Laurent Lhardit, qui se félicite d'avoir constitué un comité des acteurs du tourisme intégrant les maires des huit secteurs de Marseille pour mieux répartir les flux touristiques sur la ville.
Louisa Marrone évoque elle aussi Marseille, où le parc national des Calanques limite désormais à quatre cents le nombre de visiteurs quotidiens. Dans cette même logique, la spécialiste du tourisme urbain précise qu'à Amsterdam – une autre des dix destinations à éviter selon Fodor's Travel –, des capteurs déclenchent la marche à sens unique dans certaines rues en cas de fortes affluence ! Au Louvre et dans d'autres musées parisiens, la réservation est désormais obligatoire pour fluidifier la fréquentation.
Au-delà de ces éléments contraignants, l'une de ces stratégies consiste à promouvoir des lieux hors du centre-ville, loin des sentiers battus, pour une meilleure diffusion des touristes. Pour y parvenir, les villes doivent s'appuyer sur le développement des transports publics et la pratique du vélo. Et bien entendu, comme l'exemple de Marseille le montre, il convient de favoriser un tourisme en toute saison. "L'espace urbain possède cet atout d'attirer toute l'année contrairement à des destinations structurellement saisonnières comme le littoral ou la montagne", souligne Louisa Marrone.
Objectiver le phénomène touristique
Finalement, les grandes villes ont de nombreux atouts pour réussir une transition écologique de leur tourisme. Y compris grâce à leurs propres habitants, lesquels présentent par ailleurs un taux d'acceptabilité vis-à-vis des fortes affluences plus fort que dans d'autres espaces.
Reste un obstacle à franchir : celui de l'objectivation de phénomènes qui peuvent donner lieu à un sentiment de saturation et avoir un impact négatif sur le patrimoine le plus fragile. Pour cela, les données manquent parfois. "On dit qu'il y a quatre ou cinq millions de touristes par an à Marseille, mais on n'en sait rien. L'objectif est aussi de mesurer précisément, jour par jour, où se trouvent les visiteurs et savoir ce qu'ils font pour agir en conséquence", conclut Laurent Lhardit.