Environnement - Le Sénat vote pour le maintien de l'eau et de l'assainissement dans les compétences optionnelles des intercommunalités
Le Sénat a adopté en première lecture le 23 février une proposition de loi pour le maintien des compétences eau et assainissement dans les compétences optionnelles des communautés de communes alors que la loi NOTRe avait prévu leur transfert obligatoire au 1er janvier 2020. Les communautés d'agglomération pourront aussi les conserver comme compétences optionnelles, selon un amendement voté en séance.
Le Sénat a adopté en séance le 23 février une proposition de loi déposée par des élus LR et UDI-UC pour le maintien des compétences eau et assainissement dans les compétences optionnelles des communautés de communes. La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) du 7 août 2015 a en effet prévu un transfert obligatoire de ces compétences des communes aux communautés de communes au 1er janvier 2020. Les communautés de communes existant à la date de publication de la loi ont jusqu'au 31 décembre 2017 pour se conformer aux nouvelles dispositions.
Principe de subsidiarité
Mais pour les auteurs de la proposition de loi, déposée le 11 janvier dernier, il est préférable de maintenir l'eau et l'assainissement au rang de leurs compétences optionnelles, la commune étant "l'échelon le plus adapté pour leur exercice, a justifié Jean Bizet en séance. Ce texte rappelle donc le principe de subsidiarité selon lequel une compétence doit être exercée à l'échelon le plus pertinent". "L'eau représente un enjeu de développement territorial. Serait-il judicieux de retirer à des syndicats compétents la gestion de l'eau pour la confier à une intercommunalité moins expérimentée ?", a demandé le sénateur LR de la Manche.
"A l'évidence, le transfert des compétences eau et assainissement vers l'intercommunalité est un souci majeur en termes de coûts, a souligné Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois. C'est aussi un problème pour les syndicats des eaux." "L'application de la loi NOTRe ne doit pas contrarier les bonnes pratiques en œuvre dans les territoires", a-t-il estimé. D'autant que selon lui, "un transfert prématuré risquerait d'augmenter la facture pour les usagers".
"Le transfert des compétences eau et assainissement garantira un service public de qualité et une tarification plus juste, a au contraire répondu Jean-Michel Baylet, indiquant que le gouvernement était défavorable à ce texte. Selon le ministre de l'Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales, "des regroupements faciliteront une approche plus globale de la gestion de l'eau. La gestion intercommunale constituera le trait d'union entre le petit cycle et le grand cycle de l'eau. C'est aussi une mesure d'équité et de justice. L'accès à l'eau potable et à l'assainissement sont des services de première nécessité. La réforme territoriale assurera une cohérence à l'échelon intercommunal. C'est une avancée", a-t-il maintenu. "Cette proposition de loi redonne de la souplesse aux communes dans le cadre de la construction intercommunale", a estimé Bernard Vera, au nom du groupe communiste, républicain et citoyen (CRC), qui a voté pour le texte. "Sur le fond, la commune doit effectivement rester compétente en matière d'eau et d'assainissement ; charge à elle de déléguer cette compétence, a plaidé le sénateur de l'Essonne. Le contrôle de la qualité de l'eau doit pouvoir être exercé au plus proche par nos concitoyens. Mieux vaut éviter de multiplier les transferts de compétences en cascade qui rendent illisible l'action publique".
Pour Jean Desessard, du groupe écologiste, il n'est pas nécessaire de revenir sur le compromis trouvé lors du débat sur la loi NOTRe. "Surtout, le niveau de l'intercommunalité est le plus adapté pour gérer l'eau et l'assainissement. Devant la baisse constante des dotations de l'Etat, favorisons les mutualisations mais aussi la simplification", a-t-il argué. "Les compétences eau et assainissement pèsent sur le budget des petites communes si bien qu'elles sont souvent obligées de les déléguer au privé, a-t-il poursuivi. Conséquences, une augmentation des tarifs et une dépossession des élus de la maîtrise d'un service public fondamental."
Risques induits par un "transfert à marche forcée"
C'est "par pragmatisme et dans le souci d'écouter les élus locaux" que le groupe socialiste et républicain a voté le texte, a expliqué Jean-Pierre Sueur. "Le 1er janvier dernier, de nouvelles communautés de communes ont vu le jour, qui comptent souvent trente à quarante communes, où la compétence eau est exercée tantôt en régie, tantôt en délégation de servive public ou par le biais d'une société d'économie mixte, d'un syndicat dont les limites outrepassent quelquefois celles de l'intercommunalité", a souligné le sénateur du Loiret. "Comment en deux ans mener à bien toutes les études et procédures pour parvenir à un régime unique ? On n'y arrivera pas sinon à marche forcée ; les sociétés qui disposent de moyens d'expertise imposeront leurs choix aux élus", a-t-il estimé.
Alain Joyandet a lui aussi insisté sur le risque d'"un transfert à marche forcée" à des intercommunalités qui ne sont pas toutes en mesure d'exercer ces compétences. Ces dernières sont exercées "par les communes à 73% pour l'eau potable, 88% pour l'assainissement collectif et 53% pour l'assainissement non collectif, ce qui explique les inquiétudes des élus locaux qui craignent une hausse des coûts", a souligné le sénateur LR de la Haute-Saône. "Dans beaucoup de communes, ces services sont gérés avec frugalité, presque bénévolement par des élus et des agents communaux polyvalents ou à temps partiel. Les intercommunalités, elles, devront recruter", a-t-il poursuivi.
Champ élargi aux communautés d'agglomération
Le texte, qui comportait à l'origine un article unique, a donné lieu à six amendements en séance dont cinq ont été adoptés. L'un prévoit d'élargir le champ d’application de la proposition de loi afin que les compétences relatives à l'eau et à l'assainissement soient également maintenues en 2020 dans les compétences optionnelles des communautés d'agglomération et un deuxième, complémentaire, supprime le transfert obligatoire aux communautés d’agglomération des compétences en matière d’eau et d’assainissement opéré par la loi NOTRe.
Un amendement a créé un article additionnel après l'article unique, en prévoyant de relever de 3.000 à 5.000 le seuil du nombre d’habitants à partir duquel les nouvelles intercommunalités devront équilibrer leurs budgets annexes de l’eau et de l’assainissement par les seules redevances des usagers. Un autre article additionnel maintient la répartition actuelle des compétences en matière d’assainissement et d’eau au sein de la métropole dans les cas où cette solution apparaît la plus satisfaisante.
Enfin, un dernier amendement a créé un autre article additionnel qui sépare la compétence "eaux pluviales" de la compétence "assainissement" afin de permettre aux communautés de communes qui font le choix d’exercer la compétence assainissement de ne pas intégrer la compétence eaux pluviales.
Le texte à été transmis à l'Assemblée nationale. Mais la session actuelle étant terminée, son examen ne pourra intervenir qu'au cours de la prochaine législature.