Coopération entre collectivités - Le Sénat veut renforcer la mutualisation, avec l'aide du gouvernement
Alain Marleix, le secrétaire d'Etat aux Collectivités locales, a assuré les sénateurs de la volonté du gouvernement de développer la mutualisation des moyens des collectivités locales. Le projet de loi de réforme des collectivités apporte une plus grande sécurité juridique et étend les possibilités, a-t-il rappelé le 17 juin. La Haute Assemblée organisait ce jour-là un débat sur la mutualisation, outil que sa délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation définit comme "la mise en place, temporaire ou pérenne, d'une logistique commune à deux ou plusieurs personnes morales". Introduisant le débat, Alain Lambert, président de la délégation, a invité le secrétaire d'Etat à ne pas "abandonner" le Sénat dans "son combat" en faveur de la mutualisation, sous prétexte notamment qu'il faudrait être "prudent" au regard du droit communautaire.
L'appel du sénateur de l'Orne ne tient pas du hasard. Début février lors de la discussion en première lecture du projet de loi de réforme des collectivités, le rapporteur Jean-Patrick Courtois avait déposé un amendement prévoyant que les collectivités et leurs établissements "peuvent conclure entre eux des conventions de gestion de services publics communs ainsi que de leurs équipements". S'interrogeant sur la conformité du nouveau dispositif au droit communautaire, le ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, qui représentait le gouvernement, s'en était remis à la "sagesse" du Sénat, une manière pour lui de ne pas s'engager. Or, dans le rapport sur le thème de la mutualisation qu'elle a tout récemment rendu public, la délégation aux collectivités indique que le 5 mai dernier, lors d'un déplacement à Bruxelles de certains de ses membres, les services de la Commission européenne ont émis de "vives réserves" sur la validité juridique du dispositif voté.
Alain Lambert reste toutefois optimiste. Selon lui, le Traité de Lisbonne et les évolutions de la jurisprudence européenne offrent des perspectives nouvelles en matière de mutualisation. En particulier entre les communes et les intercommunalités où les marges de progrès sont considérables. Selon une enquête de l'Assemblée des communautés de France, seulement 39% des communautés déclarent en effet pratiquer la mutualisation.
Mais pour réussir celle-ci au niveau local, il faut se défier de toute "approche purement comptable", préviennent Jacques Mézard et Yves Détraigne dans leur contribution au rapport de la délégation aux collectivités. La finalité de la mutualisation "n'est pas, en soi, de générer des économies", écrivent-ils à l'attention de ceux qui seraient tentés par ce moyen de baisser les coûts sans dégrader la qualité du service public. Certes, les économies peuvent être au rendez-vous. Mais, en tout cas à l'échelle intercommunale, la mutualisation a "d'abord" vocation à "dégager les marges de manoeuvre pour améliorer des prestations, pour en mettre en place, voire pour continuer à assurer celles qui seraient menacées par une évolution défavorable des finances publiques locales".
Pour renforcer la mutualisation, la délégation sénatoriale propose de moduler les dotations de l'Etat aux collectivités en fonction du niveau de mutualisation atteint localement. Procéder ainsi, "ce serait désigner les bons et les mauvais élèves, en refusant la diversité de situation et l'autonomie de décision !", s'est élevée Marie-France Beaufils (groupe communiste) le 17 juin, en ajoutant que "ce serait une prime à la réduction des services publics, au nom des économies".
Au sujet de la mutualisation entre les départements, que le gouvernement veut encourager, plusieurs sénateurs - certains de l'opposition, d'autres apparentés à la majorité - ont fait remarquer que celle-ci ne suffira pas à régler les difficultés financières des intéressés.
Thomas Beurey / Projets publics