Archives

PLF 2012 - Le Sénat revoit la façon de mesurer la richesse des collectivités

Qu'elle soit verticale (dotations de l'Etat) ou horizontale (redistribution entre collectivités), la péréquation doit reposer sur une prise en compte la plus large possible des ressources des collectivités. Ce principe fait consensus au Sénat, qui vient de l'adopter et de le traduire dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2012.

Le Sénat examinait, le 30 novembre, les articles du PLF consacrés à la mission "Relations avec les collectivités territoriales". L'occasion de revoir le potentiel financier des communes et des départements, c'est-à-dire l'instrument de mesure de la richesse de ces collectivités. Si le sujet est très technique, il n'en est pas moins très important sur le plan des enjeux financiers. L'objectif de la chambre haute était, comme l'a expliqué François Marc (PS), auteur de plusieurs des amendements, d'obtenir "une image fidèle de la richesse des territoires".
Le Sénat a donc suivi les conclusions que le groupe de travail de la commission des finances sur la péréquation avait remises en juillet dernier (lire notre article du 7 juillet 2011 "Le Sénat veut remettre à plat les règles d'attribution des dotations de péréquation"). Elle a créé un "indicateur de ressources élargi" qui majore le potentiel financier des montants des dotations de péréquation verticale. Pour les communes, ces dotations sont la DSU (dotation de solidarité urbaine), la DSR (dotation de solidarité rurale), la DNP (dotation nationale de péréquation) et les versements du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle. Pour les départements, les dotations verticales visées sont la DPU (dotation de péréquation urbaine) et la DFM (dotation de fonctionnement minimale).
La notion de potentiel financier est utilisée pour le calcul des dotations de péréquation des communes et des départements, qu'elles soient de nature verticale (dotations de l'Etat) ou horizontale (redistribution entre les collectivités locales). Elle servira notamment à déterminer les contributeurs et les bénéficiaires du futur fonds de péréquation des recettes intercommunales et communales (FPIC).

"Bien appréhender la péréquation"

Dans le même esprit, la chambre haute a complété la définition du potentiel fiscal des communes, autre instrument de mesure de la richesse communale, mais plus restreint que le potentiel financier, car fondé uniquement sur les principales taxes directes locales. Au potentiel fiscal, le Sénat a ajouté le produit du prélèvement sur les paris hippiques et celui du produit de la taxe additionnelle sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). "La notion de potentiel fiscal doit être la plus large possible si nous voulons bien appréhender la péréquation", a estimé Philippe Marini, président UMP de la commission des finances, qui a apporté son soutien à cette mesure. Or, aujourd'hui, le potentiel fiscal exclut un certain nombre de recettes fiscales.
Par ailleurs, les sénateurs ont créé un "indicateur de ressources élargi" des communautés, celui-ci étant "égal à leur potentiel fiscal majoré des attributions perçues l'année précédente au titre de la dotation d'intercommunalité".
S'agissant des départements, ils ont décidé que les potentiels financier et fiscal de l'année 2011 s'appliqueraient au calcul des dotations de péréquation verticale qu'ils reçoivent, de même qu'aux "dispositifs affectant les départements", tels que la répartition des crédits de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ou encore le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI). Ce choix reporte à 2013 l'application aux départements des nouveaux potentiels financier et fiscal, dont l'impact est important, et auxquels il conviendrait, selon les sénateurs, d'apporter des ajustements. Il faut rappeler que le potentiel financier de 2011 s'appliquera aussi aux reversements du fonds départemental de péréquation des DMTO (ce choix ayant été fait par le gouvernement).

Les syndicats éligibles à la DETR

S'agissant de ce fonds, les sénateurs ont modifié les critères qui président à sa répartition. Les critères qu'ils ont retenus sont identiques à ceux du futur fonds de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) : population du département, bénéficiaires de minima sociaux, personnes âgées de plus de 75 ans, longueur de voirie départementale et potentiel financier. L'objectif de ce changement est de tenir compte de l'importance des charges des départements. "L'ensemble des autres dispositifs de péréquation adopte des critères de charges", a expliqué Michèle André. La sénatrice PS a réclamé la création d'un groupe de travail du Comité des finances locales sur cette question de la prise en compte des charges pour le fonds de péréquation des DMTO. Une initiative à laquelle le ministre chargé des collectivités territoriales a donné son accord.
Le Sénat a adopté de nombreux autres amendements, parmi lesquels beaucoup répondaient au souci de corriger des imperfections du droit actuel. Les sénateurs ont, par exemple, décidé de prendre en compte la redevance spéciale d'enlèvement des ordures ménagères pour le calcul de l'effort fiscal d'une commune (un critère qui entre en compte dans le calcul des dotations de péréquation verticale versées aux communes). Avec l'aval du gouvernement, ils ont aussi rendu éligibles les syndicats de communes et intercommunaux (et pas seulement les syndicats mixtes comme le prévoyait initialement l'amendement du groupe socialiste) à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), dont ils sont aujourd'hui exclus.

Thomas Beurey / Projets publics

En commission, le fonds de péréquation intercommunal est reporté à 2013

La commission des finances du Sénat s'est prononcée, dans la soirée du 29 novembre, en faveur du report d'une année de l'entrée en vigueur du fonds de péréquation intercommunale et communale (FPIC), que le projet de loi de finances pour 2012 fait démarrer en 2012. "Pour pouvoir adopter un dispositif portant sur une somme d'un milliard d'euros à horizon de quatre ou cinq ans, il importe de connaître précisément les bases sur lesquelles on délibère", a expliqué le lendemain matin, en séance, le sénateur PS François Marc, à l'origine de l'amendement (avec Pierre Jarlier). Les premières simulations sur les effets du FPIC sont parvenues à la commission des finances du Sénat le 25 novembre, soit à quelques jours seulement de l'examen en séance. De plus, ces simulations sont incomplètes, s'est plaint le sénateur. Cependant, les simulations disponibles montreraient "d'importants effets pervers dans les effets de la mise en oeuvre du fonds qu'il n'est pas possible de corriger dans le cadre du présent projet de loi de finances", explique l'exposé des motifs de l'amendement. Celui-ci propose que le gouvernement remette au Parlement, avant le 1er mars 2012, "un rapport présentant des simulations détaillées des conséquences du texte qui sera adopté dans la loi de finances pour 2012".
Dans le même temps, la commission des finances a souhaité que la période de montée en puissance du fonds soit de quatre années et non de cinq, comme l'ont décidé les députés.
L'amendement sera débattu dans l'hémicycle du Sénat le 3 décembre dans l'après-midi.
L'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF) a réagi promptement à l'orientation prise par la commission des finances de la chambre haute. "Ce report traduit une réelle prise de conscience des incohérences du dispositif mises en évidence par l'AMGVF depuis fin 2010, notamment sur les questions des strates et de l'effort fiscal, pénalisant fortement le monde urbain" a-t-elle affirmé.
Le rapporteur général du Budget à l'Assemblée nationale, Gilles Carrez, s'est toujours montré jusqu'à présent opposé à un report de la mise en œuvre du FPIC. T.B.