Responsabilité environnementale - Le Sénat introduit dans la loi la possibilité pour une collectivité de se constituer partie civile
Plus de quatre ans après l'adoption de son principe au niveau communautaire, le Sénat a bouclé le 28 mai l'examen du texte de loi qui vise à transcrire en droit français la directive européenne sur la responsabilité environnementale. Un examen en urgence, en une seule lecture, réalisé sur la base d'une concertation qui remonte à l'automne 2006... pour un texte ayant de surcroît été augmenté, par voie d'amendements, d'articles venant transposer quatre autres directives européennes (pollution marine, quotas de GES, performance énergétique des bâtiments, biocides).
Précipitée par les dernières mises en demeure de la Commission européenne à l'encontre du retard français et par l'approche de la présidence française de l'UE, cette future loi sur la responsabilité environnementale (LRE) institue, selon son rapporteur Jean Bizet (également rapporteur du projet de loi OGM), "non pas un nouveau régime de responsabilité mais un régime de police administrative exercée sous le contrôle de plein contentieux du juge administratif". Ce régime couvrira un panel d'exploitants plus large que celui propre au contrôle des installations classées. Il pourra également s'appliquer, par exemple, aux impacts graves sur l'environnement des infrastructures de transport ou encore des installations touristiques en milieu naturel, en cas de faute de l'exploitant.
Tout en s'articulant avec le Code de l'environnement et certains chapitres du projet de loi Grenelle 1, le projet LRE vise à prévenir et réparer les dommages à la nature causés par un site ou par une activité industrielle. Il s'agit, selon les termes de Jean Bizet, de "ne pas substituer le principe contribuable-payeur au principe pollueur-payeur et, en conséquence, de ne pas imposer l'intervention automatique des autorités publiques en cas de défaillance des opérateurs".
Outre des dispositions fondamentales précisant les notions d'exploitant responsable, de dommage et préjudice environnemental, de responsabilité ou d'exonérations de responsabilité - lesquelles restent encore imprécises et risquent de susciter, selon l'opposition et les associations environnementales, de futurs contentieux - plusieurs points du texte concernent directement les collectivités.
Ainsi, celles-ci devront être consultées en cas de mise en œuvre par un exploitant de mesures de réparation des dommages causés sur leurs territoires. En matière d'établissement du niveau de compensation, le projet de loi met en avant "la "qualité du dialogue entre exploitant, administration et parties prenantes (riverains, collectivités), pour parvenir à une appréciation documentée et consensuelle du ratio compensatoire".
Mais surtout, un important amendement de Bruno Retailleau, sénateur de la Vendée, a été retenu le 28 mai. Appuyé par Nathalie Kosciusko-Morizet, celui-ci entend "reconnaître aux collectivités locales leur statut d'adulte sur le plan juridique, qui sied au rôle qui est le leur depuis la décentralisation". Plus précisément, il s'agit de permettre aux collectivités, dans le prolongement de la jurisprudence relative à l'Erika, de se constituer partie civile pour se prévaloir d'un préjudice lié à une catastrophe environnementale, au même titre qu'une association. A ce jour, "pour qu'une collectivité locale puisse se constituer partie civile, il faut que sa propriété soit directement atteinte par la pollution, ou encore qu'une de ses compétences spécialisées soit directement en jeu", ce qui signifie que "dans la plupart des cas, les collectivités locales ne peuvent agir juridiquement", a rappelé Bruno Retailleau.
"Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect au territoire sur lequel ils exercent leurs compétences et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement ainsi qu'aux textes pris pour leur application", prévoit le nouvel article.
Morgan Boëdec / Victoires éditions