Le Sénat confie à l'État la prise en charge des AESH sur le temps méridien
Le Sénat a adopté à l'unanimité la proposition de loi visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien. Le gouvernement ne s'est pas opposé au texte, ce qui laisse augurer d'une suite favorable à l'Assemblée nationale.
Mardi 23 janvier dans la soirée, Cédric Vial, sénateur de la Savoie et auteur de la proposition de loi (PPL) visant la prise en charge par l'État des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) sur le temps méridien, en a appelé lors de la discussion en séance publique au Sénat "à la bienveillance du gouvernement pour la suite du parcours législatif du texte". Il a été entendu. Deux heures plus tard, sa PPL était adoptée à l'unanimité. Entretemps, Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, avait précisé, sous les applaudissements des parlementaires, que le gouvernement "regarderait ce texte avec une sagesse très bienveillante".
Cette PPL "simple", aux dires de Cédric Vial, se cantonne, en deux courts articles, à poser un principe réflexif. L'article 1er modifie le chapitre du code de l'éducation consacré aux compétences de l'État en disposant que celui-ci a la charge de la rémunération du personnel affecté à l'accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps scolaire et sur le temps de pause méridienne. L'article 2 complète les dispositions relatives aux AESH du même code en ajoutant que ceux-ci sont rémunérés par l'État sur le temps scolaire et sur le temps de pause méridienne.
Une responsabilité "trop lourde" pour les maires
Pour le sénateur de la Savoie, il s'agissait de "redire par loi que l'accompagnement sur le temps méridien est nécessaire" et qu'il s'agit d'"une responsabilité qui s'impose à l'État" plus de trois ans après que le Conseil d'État l'a dégagé de toute responsabilité dans le financement des emplois d'AESH en dehors du temps scolaire en faisant peser cette charge sur les collectivités territoriales dans le cadre de l'enseignement public et sur les établissements et les familles dans le cadre de l'enseignement privé sous contrat (voir notre article du 26 novembre 2020).
Cédric Vial a profité de l'examen de son texte pour évoquer "les difficultés de prise en charge par les collectivités locales à qui on a transmis des responsabilités avec un coût financier très difficile à supporter pour certaines communes rurales". Au-delà de ce coût, l'élu a également rappelé la responsabilité qui incombe, par la décision du Conseil d'État de 2020, à "des communes qui n'ont pas les compétences en matière de handicap et qui n'ont pas la capacité de juger si l'enfant a besoin d'être accompagné ou non alors que la MDPH (maison départementale des personnes handicapées) ne notifie plus sur le temps méridien". Pour lui, "on laissait les maires devant une responsabilité lourde, trop lourde pour eux". Anne Ventalon, sénatrice de l'Ardèche et rapporteure du texte, a renchéri en pointant les difficultés éprouvées par les communes dans le recrutement d'un AESH, arguant que "la mise à disposition [d'un AESH par l'État sur le temps méridien] via une convention tripartite entre l'Éducation nationale, la commune et l'AESH, reste un outil juridique complexe, notamment pour les petites communes".
En finir avec un service public "en pointillés"
Catherine Vautrin, qui a loué une PPL visant à apporter "davantage de lisibilité dans les modalités [de mise à disposition] des AESH", a néanmoins fait valoir que ce texte "doit s'accompagner d'une réforme de plus grande ampleur sur les modalités de prescription pour, en concertation avec acteurs concernés, garantir la continuité de l'accompagnement". En effet, la question de la prescription des MDPH, et notamment celle de la mise à disposition d'un AESH sur la pause méridienne, reste pendante. Un rapport de l'Assemblée nationale de novembre 2023 demandait d'ailleurs de "prendre en compte le temps périscolaire dans les notifications" de façon à ne plus s'en remettre aux décisions de l'État ou des collectivités en la matière.
Plus largement, les débats ont été l'occasion d'évoquer le statut – aujourd'hui très précaire – des quelque 130.000 AESH. "Le service public ne peut se faire en pointillés", a lancé Catherine Vautrin. Avec ce texte, qui s'ajoute à un précédent datant d'à peine un an (voir notre article du 4 janvier 2023), prévoyant que les AESH pourront bénéficier d'un CDI au bout de trois ans d'activité, c'est pourtant bien en pointillés que s'inscrit la lente évolution du statut de ces personnels de l'Éducation nationale. Outre la question de la prescription par la MDPH, se pose encore la question de la prise en charge durant les temps périscolaires hors pause méridienne (matin, soir et mercredi). Lors du débat, Philippe Mouiller, sénateur des Deux-Sèvres et président groupe d'études Handicap de la Haute Assemblée, a plaidé pour un accompagnement global des élèves handicapés dans le cadre d'un "parcours de vie".