Prise en charge des AESH par l'État sur le temps méridien : la PPL adoptée en commission
La proposition de loi visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien a été adoptée par la commission de la culture et de l'éducation du Sénat. Son dispositif dégage les collectivités de toute charge financière, mais ne dit rien de la prise en compte du temps périscolaire dans les notifications d'attribution d'AESH.
C'est une étape importante dans la prise en charge des élèves en situation de handicap (ESH) : la commission de la culture et de l'éducation du Sénat a adopté à l'unanimité, mercredi 17 janvier, la proposition de loi (PPL) du sénateur de la Savoie Cédric Vial visant à la prise en charge par l'État des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) sur le temps méridien.
Cette PPL s'inscrit dans la suite du rapport sénatorial, également signé Cédric Vial, sur les modalités de gestion des AESH pour une école inclusive, publié le 3 mai 2023, qui contenait la recommandation suivante : "Par une initiative législative, faire reprendre en charge par l'État, au titre de la solidarité nationale, le financement des dépenses d'accompagnement humain des ESH sur le temps méridien, au nom du principe, en vigueur jusqu'à la récente jurisprudence du Conseil d'État, de la responsabilité de l'État en matière d'inclusion scolaire et de tout ce qui y concourt."
En effet, par une décision du 20 novembre 2020, le Conseil d'État a dégagé l'Éducation nationale de toute responsabilité dans le financement des emplois d'AESH en dehors du temps scolaire en faisant peser cette charge sur les collectivités territoriales dans le cadre de l'enseignement public et sur les établissements et les familles dans le cadre de l'enseignement privé sous contrat (voir notre article du 26 novembre 2020).
"Rupture dans l'accompagnement"
Or, pour Cédric Vial, "cette décision a induit une rupture dans la prise en charge et l'accompagnement au quotidien de ces enfants, ce qui est contraire à l'esprit des dernières lois en la matière, qui ont pour objectif principal l'inclusion de ces élèves". De plus, toujours selon l'initiateur de la PPL, "depuis cette décision du Conseil d'État, certains se sont retrouvés subitement sans aide humaine à la pause méridienne, obligeant leurs parents à prendre le relais, à leur propre détriment (pose de jour de congé ou de maladie, restriction ou arrêt d'activité...), voire à recourir à des accompagnants privés pour ceux dont les moyens le permettent, et, dans certains cas, à une déscolarisation".
Le texte adopté par la commission de la culture et de l'éducation du Sénat comprend deux articles en forme de miroir. Le premier complète la partie du code de l'éducation consacrée aux compétences de l'État en disposant que ce dernier "a la charge de la rémunération du personnel affecté à l'accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps scolaire et sur le temps de pause méridienne". Le second complète les dispositions spécifiques relatives aux AESH en ajoutant que ceux-ci "sont rémunérés par l'État sur le temps scolaire et sur le temps de pause méridienne".
Adoptée à l'unanimité, la PPL va dans le sens souhaité par les élus locaux. En 2022, un courrier signé des présidents des trois plus grandes associations d'élus (AMF, Départements de France et Régions de France) rappelait l'État "à l'entièreté de sa mission : garantir la scolarisation et la continuité de la prise en charge de l'enfant en situation de handicap à l'école" et soulignait que "la rémunération des AESH […] doit relever de la seule responsabilité de l'État" (voir notre article du 29 avril 2022).
Quid des notifications de la MDPH ?
Mais le débat a pris une tournure plus complexe avec la publication, le 14 novembre 2023, du rapport sur l'instruction des enfants en situation de handicap des députés Servane Hugues et Alexandre Portier (voir notre article du 21 novembre 2023). On y lit que "les collectifs d'AESH se disent hostiles à tout accompagnement périscolaire", et cela "au mépris de la loi qui dispose qu'ils sont recrutés pour exercer des fonctions d'aide à l'inclusion scolaire de ces élèves, y compris en dehors du temps scolaire".
Ce rapport de l'Assemblée nationale ne demandait d'ailleurs pas la prise en charge par l'État des AESH sur la pause méridienne. Il suggérait en revanche de prendre en compte le temps périscolaire dans les notifications d'attribution d'AESH par la MDPH (maison départementale pour les personnes handicapées). En effet, l'arrêt du Conseil d'État de 2020 avait établi que les MDPH n'étaient compétentes que pour prescrire un accompagnement sur le temps dédié à la scolarité, l'accompagnement sur le temps méridien ne relevant que d'une simple préconisation.
Jusqu'à présent, il appartenait donc à l'État de déterminer avec la collectivité territoriale les modalités de l'accompagnement du temps périscolaire. Or, si cette PPL ne modifie pas le rôle de la MDPH, l'État risque de devoir s'entendre… avec lui-même. Se prescrira-t-il alors à lui-même cette prise en charge ? Cédric Vial, joint par Localtis, estime que son "approche va rendre automatique" la prescription d'un accompagnement sur le temps méridien par les MDPH. La discussion en séance publique au Sénat, le 23 janvier 2024, sera en tout cas l'occasion de préciser, ou non, le dispositif.
À la rentrée 2023, plus de 132.000 AESH accompagnaient quelque 280.000 élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire. Parmi eux, environ 21.000 auraient besoin de leur AESH sur le temps méridien. Pour le ministère de l'Éducation nationale, cela représenterait donc un surcoût d'à peine 31 millions d'euros sur les 4,8 milliards que représentent les AESH