Le Sénat cherche à renforcer la protection des haies
Le Sénat a adopté à la quasi-unanimité ce 30 janvier une proposition de loi écologiste en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie. Mais les objectifs fixés sont liés au sort d'un crédit d'impôt voté par les sénateurs dans le projet de loi de finances pour 2025 pour inciter les agriculteurs à s'engager dans l'entretien des haies.
Adoptée en première lecture ce 30 janvier par 323 voix et 18 abstentions, la proposition de loi portée par le sénateur écologiste Daniel Salmon (Ille-et-Vilaine) vise à compléter "le Pacte en faveur de la haie" annoncé fin 2023 par le gouvernement qui se fixait l'objectif de compter 800.000 kilomètres de haies en 2030, soit 50.000 de plus qu'aujourd'hui.
Bénéfices et services multiples
Les haies "contribuent à la qualité de l'air, aux fonctionnalités écologiques des sols, au cycle de l'eau et à la qualité paysagère", a rappelé l’auteur du texte. "Leurs bénéfices agronomiques (effet brise-vent, ombre et alimentation pour le bétail, lutte contre l'érosion, abri pour les prédateurs des nuisibles...) et services écosystémiques (stockage de carbone, régulation de l'eau, préservation de la biodiversité...) ne sont plus à démontrer", a-t-il fait valoir. Malgré cela, le rythme annuel de disparition des haies a plus que doublé en France entre 2017 et 2021 à raison de 23.500 kilomètres par an.
La proposition de loi entend inverser la tendance en valorisant les externalités positives des haies gérées durablement, notamment en milieu agricole, par des mesures incitatives. Elle s’appuie pour cela sur une stratégie pluriannuelle et fixe des objectifs ambitieux à horizon 2030, notamment la gestion durable de 450.000 km de haies et la mobilisation de 3 millions de tonnes de bois énergie.
Adaptation aux spécificités territoriales
Le texte a été enrichi par plusieurs amendements identiques de Daniel Salmon et du rapporteur, Bernard Buis (RDPI, Drôme). Les sénateurs ont ainsi fixé des objectifs de 50.000 km de gain net, pour 100.000 km de haies gérées durablement en 2030 et 500.000 km de gain net en 2050, et de 500.000 tonnes de matière sèche valorisée en énergie d’ici 2030. Ils ont remplacé la logique de label public unique envisagé initialement, en reconnaissant le "Label Haie ‑ Gestion" et le "Label Haie ‑ Distribution" du Réseau Haies France (Afac‑Agroforesteries), dès lors qu’ils satisfont aux critères de gestion durable des haies énumérés dans la loi. Ils ont aussi consacré un principe d’adaptation aux spécificités territoriales du cahier des charges national de la ou des certifications reconnues, les mêmes exigences ne pouvant être attendues dans les plaines céréalières du centre de la France (où l’enjeu est d’abord la plantation) ou dans les anciens territoires de bocage (où l’enjeu est surtout la gestion). Pour précision, "ce principe d’adaptation ne saurait être le prétexte à un assouplissement voire à un contournement des exigences de gestion durable fixées dans la loi", ont-ils souligné.
Un risque de "coquille vide"
Les objectifs de "gestion durable" des haies contenus dans le texte supposent pour un agriculteur d'entretenir chaque année environ un dixième de son linéaire. Mais l'incitation principale pour cela figure dans le projet de loi de finances 2025. Les sénateurs avaient ainsi voté la création d'un crédit d'impôt d'un montant de 60% des dépenses engagées dans l'entretien durable des haies dans la limite d'un plafond de 4.500 euros. "J'espère que ce crédit d'impôt sera maintenu parce que sinon, la proposition de loi pourrait devenir malheureusement une coquille vide", a souligné la présidente LR de la commission des affaires économiques Dominique Estrosi Sassone.